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Turquie : inquiétude face aux prières du Ramadan à Sainte-Sophie

L'édifice, autrefois une basilique puis une mosquée, est officiellement un musée depuis Ataturk

Sainte-Sophie, ancienne basilique devenue mosquée puis musée, à Istanbul, en 2006. (Crédits : Wiki Commons)
Sainte-Sophie, ancienne basilique devenue mosquée puis musée, à Istanbul, en 2006. (Crédits : Wiki Commons)

Avant l’aube à Istanbul, en ce mois du ramadan. Un religieux enturbanné s’agenouille sur un tapis de prière pour réciter des versets du Coran. Rien d’inhabituel dans cette scène si ce n’est qu’il va prier non pas dans une mosquée mais dans ce qui demeure officiellement un musée : Sainte-Sophie.

Construite à l’entrée du détroit du Bosphore et de la Corne d’or, Sainte-Sophie, une merveille architecturale considérée comme l’un des monuments les plus emblématiques de la richesse de la civilisation humaine, fait l’objet de polémiques entre musulmans et chrétiens.

Bâtie au VIè siècle sous l’empire byzantin chrétien, elle a d’abord été une basilique où étaient couronnés les empereurs byzantins avant d’être convertie en mosquée après la conquête ottomane de 1453 qui l’a dotée de minarets autour de son dôme byzantin.

Puis l’édifice a été désaffecté et transformé en musée dans les années 30 sous le régime laïque de Mustafa Kemal Ataturk, devenant un lieu de recueillement et du souvenir pour les peuples de toutes confessions.

Mais depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de l’actuel président Recep Tayyip Erdogan, les défenseurs de la laïcité s’inquiètent d’une éventuelle reconversion de Sainte-Sophie en mosquée.

Beaucoup redoutent de voir l’AKP tenter de transformer Sainte-Sophie en mosquée pour en faire le symbole d’une Turquie qui s’affirme en tant que nation musulmane.

L’an dernier, un religieux avait récité des versets du Coran pour la première fois depuis que Sainte-Sophie était devenue musée, il y a 85 ans, à l’occasion de l’inauguration d’une exposition.

Mais pour le ramadan cette année, les autorités sont allées plus loin : la télévision publique Diyanet TV diffuse chaque jour en direct des récitations du Coran par un imam turc différent. Jamais Sainte-Sophie n’avait été utilisée de manière aussi intensive depuis qu’elle est devenue musée.

Les prières ont lieu pour le suhûr, le repas de l’aube avant le jeûne de la journée, soit des heures avant que les hordes de touristes ne forment des files d’attente pour visiter Sainte-Sophie.

« Manque de respect »

Cette initiative a déclenché une réaction furieuse en Grèce orthodoxe, qui s’inquiète depuis des années de voir une islamisation rampante de Sainte-Sophie.

« Cette espèce d’obsession – qui confine à la bigoterie – pour la tenue de cérémonies musulmanes dans un monument appartenant au patrimoine de l’humanité est incompréhensible et montre un manque de respect et de contact avec la réalité », a déclaré le ministère grec des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Des initiatives de ce genre ne sont pas compatibles avec les démocraties modernes et les sociétés laïques », a-t-il ajouté.

Le ministre grec des Affaires étrangères Nikos Kotzias a indiqué avoir saisi l’UNESCO, l’agence de l’ONU veillant sur le patrimoine culturel mondial, pour se plaindre de l’usage qui est fait de Sainte-Sophie.

Washington s’est aussi mêlé à la polémique, le porte-parole du Département d’Etat Mark Toner déclarant que les Etats-Unis « encouragent le gouvernement turc à préserver Sainte-Sophie d’une manière qui respecte ses traditions et la complexité de son histoire ».

Mais l’affaire a pris une tournure de brouille diplomatique quand le porte-parole de la diplomatie turque Tanju Bilgic a qualifié les déclarations grecques d’ « inacceptables » et a conseillé à Athènes de balayer devant sa porte en matière de libertés religieuses.

La Grèce, a-t-il accusé, n’a pas donné d’autorisation pour la construction de mosquée à Athènes depuis des années, et viole les libertés religieuses de sa minorité musulmane, qui compte quelque 100 000 membres.

Plusieurs responsables turcs, tel un récent ministre de la Culture, ont exprimé le souhait de voir Sainte-Sophie redevenir une mosquée.

Mais la Turquie et la Grèce semblent soucieuses de ne pas laisser la polémique sur Sainte-Sophie faire dérailler des relations globalement satisfaisantes, surtout à l’heure où le gouvernement AKP et celui d’Alexis Tsipras doivent pleinement coopérer sur la crise des migrants, pour laquelle les deux pays sont en première ligne.

Ankara a même fait un geste de bonne volonté à l’égard d’Athènes en autorisant la célébration de l’Épiphanie orthodoxe en janvier cette année dans la ville égéenne d’Izmir, pour la première fois depuis 1922.

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