Ulf Kristersson, le conservateur suédois qui a tendu la main à l’extrême droite
Le dirigeant du parti conservateur, un ancien gymnaste qui a réussi l'acrobatie d'unir les droites, a été officiellement chargé de tenter de former un gouvernement
Le leader du parti conservateur suédois des Modérés, Ulf Kristersson, a été officiellement chargé lundi de tenter de former un gouvernement, après la victoire d’un bloc de droite et d’extrême droite aux élections législatives.
Le président du Riksdag, le parlement suédois, l’a désigné comme attendu lundi après-midi pour réunir une majorité suffisante pour devenir Premier ministre et succéder à la sociale-démocrate Magdalena Andersson.
Jamais la droite suédoise n’a été au pouvoir avec l’appui de l’extrême droite, conséquence d’un rapprochement entamé par M. Kristersson depuis trois ans.
« J’ai décidé de donner au chef des Modérés, Ulf Kristersson, la mission d’étudier les conditions pour former un gouvernement qui puisse être accepté par le Parlement », a annoncé Andreas Norlén lors d’une conférence de presse.
Le dirigeant du parti conservateur Ulf Kristersson est un ancien gymnaste qui a réussi l’acrobatie d’unir les droites, au risque d’y perdre l’équilibre.
Petites lunettes rondes et physique de poids plume, sourire éclatant, « Uffe » a posé sur ses affiches avec un compagnon omniprésent : son chien de chasse Winston, un welsh springer spaniel reçu en cadeau de consolation après la défaite aux élections de 2018.
A l’époque, le leader des Modérés – le nom de son parti – jure de ne pas entamer de pourparlers avec le parti nationaliste et anti-immigration des Démocrates de Suède (SD). Il échoue alors d’un rien dans sa tentative de reprendre le pouvoir à la gauche social-démocrate.
Quatre ans plus tard, il tient sa revanche, au prix d’un rapprochement inédit entamé fin 2019 avec les SD.
La seule voie pour faire perdre la gauche selon ses soutiens, un pacte faustien pour ses détracteurs.
« Mon côté de la politique », dit-il désormais pour qualifier l’attelage entre trois partis de la droite traditionnelle et les nationalistes, destiné à succéder à la gauche au pouvoir.
Ensemble, ils contrôlent 176 sièges au Parlement, selon des résultats quasi complets annoncés mercredi. Soit un siège de plus que la majorité absolue.
Diplômé d’économie et féru de Tintin, ce grand partisan de la baisse des allocations sociales est marié et père de trois filles adoptées de Chine.
Considéré comme un fin orateur, Ulf Kristersson a mené une campagne de droite dure, s’attaquant aux graves problèmes de bandes criminelles en Suède, quitte à ce que les critiques le qualifient de « SD light ».
« Une Suède qui ne fonctionne pas est devenue la nouvelle normalité », a-t-il déploré pendant sa campagne, promettant de « remettre de l’ordre » dans le pays.
« Serrurier » des SD
Le dirigeant de la droite s’est également engagé à faire baisser les prix galopants de l’énergie après ce que des analystes ont baptisé « l’élection de l’électricité ».
Mais il a dû faire face aux doutes sur sa stratégie, d’autant que les SD ont ravi dimanche aux Modérés la place de deuxième parti de Suède que ces derniers occupaient depuis 40 ans.
En les amenant aux portes du pouvoir, « Kristersson pourrait ne rester dans l’histoire que comme le serrurier des SD », a ironisé le quotidien de référence Dagens Nyheter avant le scrutin.
Né à Lund dans le sud de la Suède en 1963, le jeune Ulf fait ses premiers pas en politique dès le lycée pour arriver quelques années plus tard à la tête de la section nationale des jeunes Modérés.
Il gravit rapidement les échelons et entre au Parlement en tant que suppléant en 1991, puis est élu en 1994.
Quand il ne siège pas au Riksdag, le Parlement, il embrasse une carrière de communicant ou de cadre dans une structure proche du patronat ou d’une organisation dévolue à l’adoption.
Sa femme Birgitta Ed, qui a abandonné sa carrière dans les relations publiques à l’arrivée de son mari à la tête du parti en 2017, s’est récemment formée au métier de pasteure pour bientôt intégrer l’Eglise de Suède.
Sa victoire électorale de dimanche a éloigné le couperet de la disparition politique qu’aurait signifié un nouvel échec.
« La vision que les Modérés ont d’un chef de parti est quelque peu semblable à celle d’un PDG d’une entreprise privée, tant que ça se passe bien, il peut rester mais, si ça tourne mal, il s’en va le jour même », explique à l’AFP Torbjörn Nilsson, professeur d’histoire à l’université de Södertörn et spécialiste de l’histoire politique suédoise.