Un accord antidaté avec un Premier ministre français renversé : comment Peres a obtenu la dissuasion nucléaire d’Israël
L’histoire du consentement de Paris pour construire un réacteur à plutonium pour l’Etat juif il y a 60 ans illustre la capacité du jeune et infatigable Shimon Peres à réussir ce qui semblait impossible
Fin septembre 1957, Israël devait signer un accord avec la France. Le Commissariat à l’Energie atomique français (CEA), après quatre ans de négociation, avait accepté de fournir à Israël un réacteur à plutonium. Il ne manquait que la signature du ministre français des Affaires étrangères et du président du Conseil des ministres de France pour conclure l’accord.
Les évènements des 24 heures suivantes, comme l’a raconté Michael Bar-Zohar dans la biographie en hébreu de Shimon Peres, Phœnix, semblent symboliser la douceur et la ténacité politique du neuvième président d’Israël.
Son premier arrêt le matin du lundi 30 septembre est au bureau de Pierre Guillaumat, le directeur du CEA et partisan passionné d’Israël. Il dit à Peres ce qu’il sait déjà : l’accord ne peut être finalisé qu’avec l’approbation du gouvernement, et le gouvernement est sur le point de s’effondrer.
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Peres se précipite dans le bureau du ministre français des Affaires étrangères, Christian Pineau, principal opposant à l’accord. Pineau dit rapidement à Peres ce qu’il a déjà dit à Golda Meir, ministre des Affaires étrangères, quelques jours auparavant. Il veut aider, mais ne peut pas ; les Américains seraient livides s’ils apprenaient cela et pourraient imposer des sanctions à la France qui handicaperaient sa propre capacité nucléaire naissante. De plus, l’accord pourrait entraîner l’Union soviétique à armer l’Egypte avec des armes nucléaires.
Peres est venu préparé. Le réacteur a des objectifs pacifiques, répond-il. Si cela devait un jour changer, Israël consulterait d’abord la France. De plus, dit-il, qui dit que l’Union soviétique ne pourrait pas introduire des armes nucléaires en Egypte de son propre chef ? Et alors, que ferait l’Occident ?
Pineau accepte, et Peres lui demande d’appeler le président du Conseil des ministres. Maurice Bourgès-Maunoury ne répond pas, et Peres convainc alors Pineau de dicter les termes de leur accord à son secrétaire. Ils signent le papier, puis Peres le convainc que lui, un ressortissant étranger, va transmettre le papier au président du Conseil des ministres de la France.
Tout ce qu’il lui faut, c’est maintenant la signature de Bourgès-Maunoury. Peres va dans son bureau, et attend. Les heures passent. L’après-midi se transforme en soirée. Plusieurs tournées de whiskey sont envoyées dans le bureau, mais alors que minuit approche, Peres réalise deux choses : il ne verra probablement pas le président du Conseil des ministres ce soir-là, et le président du Conseil des ministres, qui est coincé au Parlement, est probablement défait par une motion de défiance.
Le lendemain matin, le Premier ministre israélien David Ben Gurion écrit dans son journal que le gouvernement français est tombé après un vote sur l’Algérie, et que le voyage de Peres à Paris n’a probablement servi « à rien ».
Il ne sait pas que Peres a obtenu l’accord oral du Premier ministre tard le soir, et qu’à 9h00 du matin, Peres est assis dans le bureau de Bourgès-Maunoury. Le président du Conseil des ministres français n’a pas dormi, écrit Bar-Zohar, et il a les yeux rouges. Il n’est plus le Premier ministre de la France. Il n’a pas l’autorité pour signer un accord au nom de la Quatrième République. Mais sous les encouragements de Peres, il signe le document, autorisant un accord sur une feuille de papier qui porte la date de la veille.
Et c’est ainsi que la graine de la puissance dissuasive d’Israël a été plantée.
Des années après, Peres a résumé ce drame de coulisses. Il a dit à Bar-Zohar : « Cette date ou celle-ci, qu’est-ce que cela peut faire ? Quelle [importance] cela a-t-il entre amis ? »
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