Israël en guerre - Jour 432

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Un accord d’armement entre une firme israélienne et l’Ouganda entaché de corruption ?

Des documents montrent qu'une entreprise allemande soupçonne la firme israélienne BIRD Aerosystems d'avoir versé des pots-de-vin dans le cadre d'un accord

Photo d'illustration : les soldats des forces de défense populaire ougandaises à l'aéroport d'Entebbe, le 8 mars 2007. (Crédit : AFP/Peter Busomoke)
Photo d'illustration : les soldats des forces de défense populaire ougandaises à l'aéroport d'Entebbe, le 8 mars 2007. (Crédit : AFP/Peter Busomoke)

Un fabricant allemand d’équipements de défense soupçonne une entreprise israélienne, BIRD Aerosystems, de corruption dans le cadre de la conclusion d’un accord d’armement en Afrique.

La firme allemande, Hensoldt, s’était penchée sur le dossier dans la mesure où elle fournissait certaines des composantes constituant l’un des systèmes qui étaient vendus par BIRD.

La direction de Hensoldt, pour sa part, avait demandé l’ouverture d’une enquête sur l’accord mis en cause – mais elle avait finalement livré les composantes en question avant même d’avoir terminé ses investigations.

L’accord d’armement ougandais a été mis en lumière dans le cadre d’une enquête internationale qui s’est basée sur des documents de Hensoldt qui ont fuité – et qui ont été obtenus par Der Spiegel, le journal allemand. Ces informations ont été ensuite analysées par le réseau European Investigative Collaborations et par d’autres médias. Daniel Dolev et Uri Blau, de Shomrim, ont participé à ce projet d’enquête pour le compte d’Israël.

L’une des principales révélations de ce projet – celle que Hensoldt, une entreprise qui appartient partiellement au gouvernement allemand, avait vendu des équipements défensifs à l’Arabie saoudite malgré une interdiction régulatoire explicite – avait été publiée il y a quelques mois. L’accord avait été conclu par le biais de filiales de Hensoldt au Royaume-Uni et en Afrique du sud.

L’intermédiaire israélien : Boaz Badihi

Les documents qui ont fuité indiquent des tensions constantes entre l’équipe chargée des ventes à Hensoldt et la division chargée de la conformité – qui garantit que la compagnie ne viole aucune loi. L’un des accords ayant été au cœur des débats internes animés avait été celui qui avait scellé la vente de systèmes de défense antimissile sol-air à l’armée de l’air ougandaise, en 2021.

Les documents ne sont pas avares de détails éclairants au sujet de l’accord et de sa structure. Le système était fabriqué par BIRD Aerosystems, une compagnie basée à Herzliya, spécialisée dans la fabrication de systèmes de défense antiaérienne et qui est partiellement la propriété de FIMI Opportunity Funds, une société privée de capitaux qui se trouve à Tel Aviv.

De son côté, BIRD est une compagnie qui avait été fondée en 2001 par trois anciens officiers de l’armée de l’air – Ronen Factor, David Dragucki et Zahi Ben Ari. En 2018, FIMI Opportunity Funds avait acheté une part à hauteur de 50 % dans l’entreprise et au prix de 40 millions de dollars.

Selon les documents qui ont fuité, une partie tierce, dans l’accord conclu avec l’Ouganda, était « un partenaire local » – une entreprise connue sous le nom de Preservice Group, qui est enregistrée au Royaume-Uni.

Dans des documents internes, les responsables de Hensoldt avaient fait part de leur inquiétude de ce que le Preservice Group puisse être une société-écran contrôlée, en pratique, par un marchand d’armes israélien, Boaz Badihi. Ils avaient néanmoins précisé qu’ils n’avaient pas été en mesure de vérifier la véracité de cette information. Un examen des registres, au Royaume-Uni, avait confirmé que Badihi était actionnaire majoritaire de la compagnie et qu’il en possédait plus de 75 % des parts.

Cela fait des décennies que Badihi officie dans les ventes d’armes en Afrique, et particulièrement en Ouganda et en Guinée équatoriale. Selon un reportage qui avait été publié par Globes en 2002, son père – ancien pilote de l’air ayant des contacts en Ouganda – lui avait tout d’abord permis de conclure ses premiers accords de défense dans le pays. Ses accords en Guinée équatoriale avaient été révélés suite à un conflit qui l’avait opposé à son ancien partenaire d’affaires, un conflit qui avait terminé devant les tribunaux. Selon une plainte qui avait été déposée en 2018, les deux hommes avaient été impliqués dans des accords de défense à hauteur de centaines de millions de dollars en Guinée équatoriale.

A plus d’une occasion, selon la plainte, les accords avaient été finalisés directement avec le président du pays, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui le dirige d’une main de fer depuis 1979, ou avec son ministre de la Défense. Badihi avait retiré sa plainte avant qu’un jugement ne vienne trancher cette affaire.

Badihi avait aussi été appréhendé en 2016 à l’aéroport Ben Gurion avec 77 000 euros en cash – une somme qu’il était tenu de déclarer de par la loi.

Alors qu’il était interrogé par les autorités fiscales, il avait affirmé avoir besoin d’un tel montant en liquidités en raison de son travail en Afrique de l’Ouest. « Je transporte régulièrement des sommes de 50 000 euros en cash avec moi parce que s’il y a un coup d’État, je serai alors en mesure d’évacuer les personnels de l’entreprise israélienne – les instructeurs et les employés qui travaillent pour ma compagnie », avait-il expliqué aux responsables. Une partie de l’argent avait été finalement confisquée mais aucune action n’avait été entreprise contre Badihi.

Pour rendre les choses plus compliquées encore, la maintenance technique des systèmes devait être confiée à deux entreprises supplémentaires qui étaient, elles aussi, liées à Badihi : La première, selon des sites touristiques sur internet, était une entreprise qui organise des safaris en Ouganda et la seconde était une firme appelée Preservice SA, inscrite sur les registres des entreprises en Guinée équatoriale.

Dans les documents qui ont fuité, les cadres de Hensoldt affirment que les informations dont ils disposent sur la structure de l’accord leur ont été transmises par des cadres de BIRD Aerosystems. La division de conformité de Hensoldt avait tiré le signal d’alarme au sujet de l’accord en raison de la chaîne complexe d’entreprises impliquées dans ce dernier.

Dans une présentation interne, la division chargée de la conformité avait écrit que la structure de l’accord « est susceptible d’être utilisée pour créer des ‘fonds tampon’ qui pourront servir – ou qui peuvent même déjà avoir servi – à influencer de manière illicite les décisionnaires ou les fonctionnaires du pays client (l’Ouganda), qui pourraient offrir en échange de nouvelles opportunités commerciales au principal intéressé – BIRD. »

Ailleurs, il est écrit qu’il « y a un danger réel et fort de ce que le partenaire local (Preservice UK) ait utilisé des moyens illicites, voire illégaux ou corrompus, pour influencer les décisionnaires au profit de BIRD, à son profit propre et, de manière indirecte, au profit de Hensoldt ».

Autre possibilité mentionnée dans la présentation : celle que la structure de l’accord ait été délibérément complexe pour éviter de payer des impôts en Ouganda. La division de conformité de Hensoldt avait noté qu’il y avait un risque juridique de ce que l’accord conclu entre la compagnie et BIRD puisse être « interprété comme une coopération ou comme une conspiration visant à bénéficier aux activités de marketing de BIRD ».

La Division de conformité avait conclu qu’elle ne recommandait pas la finalisation de l’accord en l’absence d’une enquête plus complète – qui prendrait des semaines. Et finalement, comme les documents qui ont fuité l’ont révélé, l’accord a toutefois été signé avant que les investigations n’aient lieu.

Sur les onze capteurs optiques que l’entreprise allemande devait faire parvenir à son homologue israélienne, cinq avaient été envoyés à la fin du mois de février 2021 et les six autres avaient été livrés deux mois plus tard.

Lors d’un entretien téléphonique avec Shomrim, Badihi a refusé de discuter des détails de l’accord.

« Indépendamment de ce que j’ai pu faire ou ne pas faire, vous ne vous attendez pas à ce que je vous le dise, si ?… Écrivez tout ce que vous voulez », a-t-il déclaré.

Suite à cet appel, Shomrim a fait parvenir une liste de questions écrites à Badihi – sans obtenir de réponse.

BIRD Aerosystems a aussi refusé de répondre aux questions sur l’accord, n’offrant qu’une réponde standard établissant que la firme « travaille conformément aux régulations israéliennes et aux normes internationales les plus strictes. La compagnie ne divulgue aucune information sur les accords conclus ».

Hensoldt, pour sa part, a fait savoir que « tous les projets de Hensoldt doivent répondre aux exigences établies par les régulateurs locaux et Hensoldt mène toujours ses opérations conformément à la loi ».

« Les régulations en lien avec la conformité, ainsi que tous les processus qui ont été établis et mis en œuvre au sein de Hensoldt, que ce soit dans le cadre du processus de travail ou de la prise de décision, ont été mis en place pour servir ces objectifs et ils ont été mis en œuvre dans ce cas bien précis », a indiqué la compagnie. « Les décisions finales se basent – comme c’est le cas concernant cet accord – sur un jugement nécessaire qui prend en compte des aspects différents, avec notamment une évaluation du risque qui est réalisée par la division de conformité. En conséquence, les allégations et les hypothèses contenues dans les questions qui nous ont été envoyées n’ont aucun fondement ».

Interrogée sur Preservice, l’enterprise contrôlée par Badihi, la firme Hensoldt a répondu que « le seul partenariat contractuel auquel a souscrit Hensoldt dans ce cas particulier a été celui qui a été conclu avec la firme israélienne BIRD Aerosystems, qui possède sa propre division de conformité qui est chargée d’enquêter sur ses partenaires choisis ».

« Les exportations en Ouganda ont été approuvées par le BAFA (Bureau fédéral allemand aux affaires économiques et au contrôle des exportations), qui a aussi demandé et reçu des informations au sujet de Preservice. De plus, dans le cadre du processus d’approbation de l’accord, le BAFA a été informé de manière explicite que Hensoldt ne fournirait aucun produit, aucune technologie au groupe d’entreprises Preservice. Les accusations de corruption ou d’activités illicites de la part de Hensoldt sont sans aucun fondement ».

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