Un arbre de Noël pousse dans l’autre Bethléem
Un ancien conducteur de bus exploite aujourd’hui une forêt de sapins qu’il distribue dans tout Israël
L’air était frais. S’y mêlaient les odeurs de sapins dans cette forêt clairsemée près de Bethléem en Galilée [pas la Bethléem située à proximité de Jérusalem] – un village datant de l’époque biblique – où Yossi Jaeger fait pousser ses arbres de Noël.
Cette collection de sapins d’Arizona n’est pas si imposante. Beaucoup semblent manquer puisque Jaeger produit son lot annuel de sapins de Noël et coupe une partie des arbres destinés à la vente. Il attend ensuite, patiemment, pour en faire pousser d’autres, un processus qui peut prendre jusqu’à quatre ans.
L’ancien conducteur de bus Egged n’avait pas grand-chose à voir avec l’entreprise forestière. Il y a près de 20 ans, il a remarqué une annonce dans un journal publié par le KKL, à la recherche d’arboriculteurs pour gérer des forêts d’arbres destinés au commerce… pour Noël.
Il y a toujours eu un marché des arbres de Noël en Israël avec les églises locales, les monastères, les couvents, les ambassades, les journalistes étrangers et une partie de la population chrétienne.
À l’époque, Yossi Jaeger était veuf avec trois jeunes enfants. Sa femme, Hagar, avait été tuée dans un accident de voiture deux ans plus tôt, et il vivait dans la ferme de ses beaux-parents, dans la vieille ville de Bethléem en Galilée.
Le père de Hagar, Benjamin Borstein, originaire de Leipzig, en Allemagne, avait été l’un des premiers habitants juifs dans cette ville établie par les Templiers allemands au tournant du siècle.
Borstein faisait partie d’une unité de la Haganah qui a repris la ville en 1948. Après avoir étudié l’agriculture à l’école de Mikvé Israël [la première école d’agronomie du pays] quand il est arrivé en Palestine mandataire, il était déterminé à devenir agriculteur juif. Selon Jaeger, sa mère lui rendant visite décida d’approuver sa décision.
Dix couples vivaient dans l’un des bâtiments d’origine de la ferme – qui est maintenant utilisée par Jaeger comme une petite maison d’hôtes – jusqu’à ce que la communauté devienne un moshav en 1952 et que l’Agence juive construise des maisons privées pour les résidents.
Quand Jaeger a rencontré Hagar, Borstein faisait de l’élevage de bovins et avait commencé à mettre en place plusieurs cultures.
Jaeger, qui a grandi à proximité de Tivon, a commencé à travailler avec son beau-père avant et après son travail de jour comme conducteur de bus Egged.
« J’ai appris à devenir agriculteur, » explique Jaeger. Il a même convaincu son beau-père de passer des bovins aux moutons. À l’époque, il y avait environ 40 fermes dans la région ; maintenant il n’en reste plus que 10.
Lorsque Hagar est décédée, Jaeger ne voulait pas rester. « Cela a été un moment très difficile » se rappelle-t-il.
Mais c’est lui seul qui pouvait faire que la ferme puisse survivre ; il a pensé que les arbres l’aideraient.
Il a donc quitté Egged. Puis il a, dans un premier temps, planté 5 000 arbres, et découvert qu’ils n’avaient pas besoin de beaucoup de soins. Ils n’avaient pas besoin de système d’arrosage.
Pour les vendre, c’était une autre histoire…
« Je me suis assis et j’ai copié tous les numéros de téléphone, et tous les numéros de fax des ambassades, » confie-t-il.
Il a donc commencé par couper 50 arbres pour les livrer à travers le pays la première année où il y avait des arbres disponibles. Finalement, il a développé une base de clients, incluant des chrétiens arabes de la région qui viennent choisir leurs arbres, ainsi qu’une poignée d’ambassades.
Une année, il a vendu à un cinéaste, qui avait besoin de sept sapins pour une scène. Cette année, il a vendu à l’ambassade de Norvège pour la première fois – « ils voulaient s’assurer que les arbres n’avaient pas été cultivés dans les territoires » – mais l’ambassade américaine n’en a pas commandé, ce qui était une première. Et le bois restant, il l’utilise pour sa cheminée, pour la construction de pots de fleurs extérieurs, pour la souccah, et pour son potager.
Ce business n’est pourtant pas des plus rentables. Il vend environ 100 arbres chaque année, pour environ 150 shekels l’unité.
Pourtant, ce n’est que cette année que Jaeger, qui a maintenant 56 ans, a pris le téléphone pour appeler son contact d’origine au KKL et lui a demandé s’il voulait voir les arbres.
« Il était en état de choc, » a rigolé Jaeger. « Ça fait plus de 20 ans et je suis un des seuls pour qui ça a marché. »
Le KKL avait pensé à un moment que les arbres de Noël cultivés en terre sainte pourraient être une exportation internationale. Et particulièrement ceux de Bethléem en Galilée, a déclaré Jaeger, où il y a toujours eu une question de savoir si Jésus y avait vécu.
Cette année, le KKL a envoyé un scientifique visiter la ferme de Jaeger pour voir comment il s’occupe de ses arbres et a ajouté une nouvelle espèce, le cyprès argenté, dans l’espoir que cet arbre élégant aux feuilles vert glacé pourrait créer un nouveau marché pour les arbres de Noël cultivés en terre sainte.
« Je pense que nous allons les faire pousser en pot, pour qu’il soit plus facile de les mettre à l’intérieur, » estime aujourd’hui Jaeger.
Il y a eu d’autres changements en cours de route. Il a arrêté l’élevage de moutons quand sa troisième épouse – Jaeger a divorcé de sa deuxième femme après son quatrième enfant avec elle, et a maintenant deux autres enfants avec sa troisième épouse – a souhaité dormir avec lui dans un vrai lit plutôt que dans la grange.
Il a également découvert le tir à l’arc, et dirige maintenant un club de tir à l’arc qui possède des champs de tir intérieurs et extérieurs parmi les cèdres.
Entre les arbres, le tir à l’arc, une maison d’hôtes et même un café qui fonctionne par intermittence, ainsi que son atelier où il aime collectionner des nids d’oiseaux inutilisés, de vieux outils agricoles et tout ce qu’il trouve sur son terrain, Jaeger est vraiment occupé.
La terre, cependant, ne sera pas à lui pour toujours. Il y a aujourd’hui des plans pour construire de nouvelles maisons sur une partie de sa petite forêt, et alors qu’il pensait se battre contre cela, il est en train de revenir sur sa décision.
« Un de mes amis m’a fait remarquer que ce n’est pas ma terre », a déclaré Jaeger, se référant à ses droits en tant que fermier sur des terres appartenant au gouvernement.
« Je pense qu’il a raison en fin de compte. Mais pour le moment j’ai quand même l’impression d’être au centre du Jardin d’Eden. »
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