Un chien de Tsahal avait enregistré l’appel à l’aide d’un otage tué par erreur, quelques jours avant
L'enquête militaire révèle que le chien est entré dans l'immeuble où se cachaient Alon Shamriz, Samar Talalka et Yotam Haim, cinq jours avant qu'ils ne soient abattus par erreur par des soldats
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Une enquête militaire sur le meurtre accidentel de trois otages en fuite dans la bande de Gaza par des soldats israéliens a révélé que l’un des captifs avait été enregistré quelques jours plus tôt en train d’appeler au secours lors d’un échange de coups de feu entre les troupes et les terroristes du Hamas, à l’endroit où ils étaient détenus.
Les nouveaux détails de l’enquête, publiés mercredi par l’armée israélienne, révèlent la distance parcourue par les otages Alon Shamriz, Yotam Haim et Samar Talalka pour signaler leur identité aux forces israéliennes après avoir réussi à s’échapper de leurs ravisseurs. Ils ont fini par s’approcher d’un groupe de soldats, dans l’espoir d’être secourus dans le quartier de Shejaiya de la ville de Gaza vendredi, mais les soldats ont tiré à leur approche, les tuant tous les trois.
Selon l’enquête, le 10 décembre, des troupes de l’unité de reconnaissance de la brigade Golani ont affronté un groupe de terroristes du Hamas qui ont ouvert le feu en leur direction depuis un bâtiment.
Au cours de la fusillade, un chien de l’unité canine Oketz a été envoyé dans le bâtiment. L’armée a déterminé par la suite qu’il s’agissait de l’endroit où les otages étaient détenus. Le chien a été tué par les terroristes du Hamas, qui ont à leur tour été tués par les soldats de Golani, ce qui a permis à Alon Shamriz, Yotam Haïm et Samar Talalka d’échapper à la captivité, selon l’enquête.
Pendant la bataille, une caméra montée sur le chien a enregistré la voix d’un otage, apparemment Alon Shamriz, criant « Au secours » et indiquant qu’il y avait des otages à cet endroit. On ne les voit pas sur les images.
On entend également la voix crier au moins l’un des noms des otages. Les soldats de l’époque ont pu entendre crier de l’hébreu mais ont pensé qu’il s’agissait d’un ruse de la part des terroristes, a constaté Tsahal.
Après avoir apparemment passé cinq jours en cavale, Shamriz, Haim et Talalka ont été tués le 15 décembre.
Les images filmées par la caméra corporelle du chien n’était pas surveillées en direct et n’ont été découvertes que le 18 décembre, une fois le corps du chien retrouvé.
Les familles des otages tuées ont été informées des derniers éléments de l’enquête.
Auparavant, l’armée israélienne avait déclaré que les trois hommes s’étaient approchés des troupes torse nu, en brandissant un drapeau blanc et les mains en l’air, mais les soldats avaient tout de même ouvert le feu sur eux.
Les otages en fuite ont également laissé des inscriptions en hébreu sur lesquelles on pouvait lire « SOS » et « À l’aide 3 otages » sur un autre bâtiment de la zone, mais les soldats ont cru qu’il s’agissait d’une énième ruse du Hamas. Les inscriptions avaient été réalisées à partir de restes alimentaires.
Le Hamas a kidnappé les trois otages durant son assaut sur le sud d’Israël, le 7 octobre dernier.
Mardi, un reportage télévisé a révélé d’autres détails concernant l’enquête menée par l’armée sur la mort des otages, notamment le fait que les troupes n’avaient pas été informées des signes indiquant que les captifs avaient pu se trouver dans la région.
Le bâtiment où étaient accrochées les « pancartes », situé à quelques centaines de mètres du drame, a d’abord été considéré comme potentiellement piégé par le Hamas, le groupe terroriste palestinien ayant tenté d’attirer les soldats dans des embuscades dans la région ces derniers jours.
Selon la chaîne publique Kan, le 17e bataillon, qui a été impliqué dans l’incident, n’a pas été informé par l’unité qu’il remplaçait, la brigade Kfir, que ces derniers avaient repéré le panneau d’appel à l’aide qui se trouvait à proximité.
En outre, l’enquête aurait déterminé que le tireur d’élite de Tsahal qui a tué Shamriz et Talalka n’a pas reconnu le tissu blanc qu’ils portaient. Dans le briefing qu’il a reçu au début de son service, le soldat a été informé que l’ensemble du secteur était une zone de combat et qu’il était autorisé à ouvrir le feu sur toute personne suspecte.
Le reportage précise que l’enquête se concentre sur le meurtre de Haim, qui a été jugé particulièrement grave puisqu’il a réussi à s’enfuir dans un bâtiment voisin après avoir été touché par une balle en même temps que Shamriz et Talalka.
Le commandant du 17e bataillon a crié aux soldats de cesser de tirer, mais l’un d’entre eux a tout de même tiré et tué Haim lorsqu’il est sorti du bâtiment une seconde fois.
Une enquête préliminaire de Tsahal a révélé que le soldat qui a ouvert le feu après avoir identifié à tort les trois hommes comme des terroristes l’a fait en violation des protocoles de tir, tout comme le soldat qui a tué Haim, selon un officier supérieur du Commandement Sud.
Néanmoins, Tsahal a compris que les conditions sur le terrain avaient joué un rôle dans la prise de décision des soldats ; l’officier supérieur a déclaré que l’armée n’avait identifié aucun civil palestinien à Shejaiya au cours des derniers jours. Le scénario lui-même, des otages se déplaçant dans une zone de combat, n’avait pas été pris en compte par Tsahal.
Immédiatement après l’incident, Tsahal a envoyé de nouveaux protocoles aux troupes au sol pour faire face à l’éventualité que d’autres otages parviennent à s’enfuir.
« Vous voyez deux personnes, les mains en l’air et sans chemise – prenez deux secondes », a déclaré dimanche le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, aux soldats de Gaza.Herzi Halevi avait déclaré la veille que les soldats qui avaient abattu les trois personnes avaient enfreint les protocoles d’ouverture de feu de Tsahal.
« Et je voudrais vous dire quelque chose de tout aussi important », a poursuivi Halevi. « Et si ce sont deux habitants de Gaza avec un drapeau blanc qui sortent pour se rendre ? Est-ce que nous leur tirons dessus ? Absolument pas. Absolument pas. »
« Même ceux qui se sont battus et qui maintenant déposent leurs armes et lèvent les mains – nous les capturons, nous ne leur tirons pas dessus. Nous tirons beaucoup de renseignements des prisonniers que nous avons ; nous en avons déjà plus d’un millier », a-t-il déclaré aux soldats.
« Nous ne leur tirons pas dessus parce que Tsahal ne tire pas sur une personne qui lève les mains. C’est une force, pas une faiblesse », a ajouté Halevi.
Il a précisé aux soldats qu’il ne parlait pas pour « dire si [les soldats qui ont ouvert le feu par erreur sur les captifs] avaient raison ou tort, mais pour que nous ayons raison à l’avenir ».
Le chef d’état-major de l’armée israélienne a également déclaré qu’il « faut espérer que nous aurons une autre occasion où les captifs viendront à nous ou que nous atteindrons une maison, et que nous ferons ce qu’il faut ».
La guerre a éclaté lorsque le Hamas a mené quelque 3 000 terroristes dans une attaque transfrontalière dévastatrice le 7 octobre, qui a tué plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils. Au moins 240 personnes de tous âges ont été enlevées et prises en otage.
Israël a réagi par une campagne militaire visant à détruire le Hamas, à lui ôter le contrôle de Gaza et à libérer les otages.
Une trêve d’une semaine a permis la libération de 105 otages, jusqu’à ce que le Hamas viole les conditions du cessez-le-feu et que les combats reprennent. L’un des otages libérés, qui possède la double nationalité russe et israélienne, aurait également réussi à échapper à ses géôliers, mais il a finalement été capturé à nouveau après avoir passé quatre jours à essayer de rejoindre Israël.
Les familles des otages ont à plusieurs reprises exprimé leur inquiétude quant au fait que la campagne militaire israélienne, qui comprend d’intenses frappes aériennes, met en danger la vie des personnes en captivité. Elles ont exhorté le gouvernement à négocier la libération des otages par le biais d’un accord global avec le Hamas.
Mercredi, l’armée israélienne a annoncé que deux soldats avaient été tués à Gaza, ce qui porte à 134 le nombre de soldats décédés depuis l’opération terrestre à Gaza.
Il s’agit du sergent-chef (res.) Ouriel Cohen, 33 ans, commandant logistique de la brigade Givati, originaire de Tzur Hadassah, et du caporal (res.) Lior Sivan, 32 ans, originaire de Beit Shemesh, officier du bataillon 363 de la brigade Harel.
L’armée a également déclaré qu’un fantassin du bataillon Rotem de la brigade Givati a été gravement blessé au cours des batailles dans le sud de Gaza et a été transporté dans un hôpital pour y être soigné.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.