« Un crime antisémite et impuni », documentaire saisissant sur l’affaire Sarah Halimi
Selon le réalisateur François Margolin, ce film "démontre par A+B comment cette affaire, ce crime, s'est transformée en gigantesque fiasco judiciaire"
La chaîne française RMC story a diffusé dimanche un documentaire saisissant consacré à l’affaire Sarah Halimi, retraitée de 65 ans assassinée parce que Juive à Paris en avril 2017. « Un crime antisémite et impuni », de François Margolin, qui avait déjà réalisé le film « Salafistes », est désormais disponible en replay.
Le film donne ainsi la parole à de nombreux protagonistes de l’affaire : aux principaux experts psychiatres, qui n’avaient quasiment jamais parlé, à la juge d’instruction ou à l’avocat de l’assassin. On y retrouve aussi les témoignages des avocats de la famille Halimi ou des membres de la Commission d’enquête parlementaire créée à l’initiative du député Meyer Habib.
« Ce qui est tout à fait nouveau c’est que tous ces gens parlent, que certains, comme le docteur Bensussan, se demandent s’ils ne se sont pas trompés dans leur analyse et l’on comprend très bien, en les écoutant, que la psychiatrie n’est pas une science exacte. On ne fait pas des mathématiques ! », explique François Margolin, interviewé par Le Figaro.
Selon le réalisateur, ce film « démontre par A+B comment cette affaire, ce crime, s’est transformée en gigantesque fiasco judiciaire, comme l’explique maître Francis Szpiner ».
Il dénonce en effet notamment une enquête bâclée : « On a affaire, dans ce drame, à une juge d’instruction qui est persuadée, depuis le premier jour, que l’assassin est irresponsable et qui n’a cherché à mener l’enquête que pour se conforter dans cette opinion. C’est parfaitement scandaleux et, à mes yeux, le contraire de ce que j’espère de la Justice française. »
Suivant les avis des psychiatres missionnés, la Cour de cassation a estimé en avril 2021 que l’assassin de Sarah Halimi était pénalement irresponsable, car en proie à une « bouffée délirante » après la prise de cannabis. La justice a néanmoins reconnu le caractère antisémite de l’acte – un paradoxe : l’assassin aurait ainsi été motivé par l’antisémitisme mais sans en avoir conscience…
Selon le réalisateur, la juge a manifesté une « absence totale d’empathie pour la victime et expliqué ‘qu’elle avait trop de travail pour effectuer une reconstitution du crime’ ou même, simplement pour recevoir les avocats de la famille. Cela donne la nausée. Et j’ai eu aussi les policiers dont on se demande ce qu’ils ont fait durant les trente minutes qu’ont duré les tortures infligées à Sarah Halimi. »
Surtout, par ce documentaire, François Margolin explique avoir voulu « que Sarah Halimi ne soit pas réduite à une simple photo – toujours la même, en noir et blanc ».
« Je voulais lui rendre la vie, si je peux me permettre de parler ainsi. Je voulais retrouver des gens qui l’avaient connue, qui l’avaient aidée à monter une crèche dans le Marais, des gens qui lui rendent ‘son âme’, comme le grand rabbin Kaufmann, de la Place des Vosges. Cela me semblait essentiel de la faire sortir de l’anonymat », dit-il. « J’ai eu du mal à obtenir ces témoignages car beaucoup de ses voisins se sont défilés, me raccrochant souvent au nez. Ce qui est effrayant, c’est que six ans plus tard, ce sont les proches de la victime qui ont peur et pas les proches de l’assassin. Tout cela, en plein Paris, dans le XIe arrondissement, à deux pas de la rue Saint Maur et de ses bistrots branchés. Les voisins ont peur d’être agressés dans la cage d’escalier s’ils témoignent devant une caméra ! »
« Il ne s’agit évidemment pas d’un simple fait divers mais, sans doute, de l’affaire la plus grave depuis l’Affaire Dreyfus. La plus symbolique pour la communauté juive – si l’on excepte la période de la Guerre, bien sûr – car elle prouve que l’on peut tuer une femme juive, en plein Paris, et ne pas être sanctionné. C’est terrible », dit-il. « Cette affaire ne concerne pas seulement la communauté juive. C’est une affaire française qui concerne tous les Français et, tant qu’on ne l’admettra pas, l’antisémitisme ne fera que croître en France. »