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Un docu lance le débat sur l’éducation laïque dans les yeshivot de New York

Dans “An Unorthodox Education” Joe Kolman publie les plaintes d'anciens étudiants qui affirment ne pas avoir reçu les outils nécessaires pour évoluer dans une société non-orthodoxe

Un homme passe devant une yeshiva orthodoxe à Brooklyn, le 29 septembre 2020. (Daniel Moritz-Rabson / via JTA)
Un homme passe devant une yeshiva orthodoxe à Brooklyn, le 29 septembre 2020. (Daniel Moritz-Rabson / via JTA)

JTA — Les étudiants en yeshiva sont-ils privés de la solide éducation laïque garantie par la loi ? Les yeshivot de la ville de New York doivent-elles être libres de définir leurs propres programmes religieux et exemptées du contrôle de l’État ?

Depuis qu’une plainte a été déposée en 2015 par des partisans d’une meilleure éducation laïque dans les yeshivot, c’est une question récurrente dans la politique de la ville. Cette année, lors de l’élection primaire pour la mairie, de puissants dirigeants orthodoxes ont accordé leur voix aux candidats qui les soutiennent. La plainte de 2015 a déclenché une enquête qui a confirmé les allégations d’apprentissage laïque de qualité inférieure, mais elle n’a pas encore conduit à une action.

À présent, un documentaire, « An Unorthodox Education », s’est emparé du débat.

Le film documente le conflit entre les dirigeants des yeshivot, représentés par une organisation appelée Pearls, et Yaffed, un groupe de militants pour que les étudiants diplômés des yeshivot reçoivent une éducation laïque.

Joe Kolman, le réalisateur du film, avoue que le projet de ce film dérive de sa propre opinion – que les yeshivot doivent obéir à la loi et fournir une éducation laïque « équivalente en substance » à celle dispensée par les écoles publiques. Mais Kolman a affirmé qu’il avait souhaité écouter les arguments de ses adversaires.

« La majorité des diplômés des écoles ultra-orthodoxes… sont satisfaits de l’éducation qu’ils ont reçue et n’ont aucune envie de partir », a-t-il raconté. « Mais ceux qui veulent quitter leur communauté se sentent emprisonnés par l’éducation qu’ils n’ont pas reçue. »

Nous avons interviewé Kolman sur les raisons pour lesquelles il a décidé d’aborder ce sujet. Cette conversation a été modifiée et condensée.

JTA : Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce sujet de l’éducation laïque dans les yeshivot haredies ?

Joe Kolman : Mon grand-père était le grand rabbin de la communauté yéménite de Holon, en Israël. Il est arrivé du Yémen en Palestine britannique en 1922 et s’est assuré que ses enfants reçoivent une bonne éducation religieuse et une éducation laïque. Ma mère est allée dans une yeshiva pour jeunes-filles religieuses à Tel Aviv, puis elle a étudié à l’Université de Londres et ensuite à la faculté de droit de Chicago, et elle a obtenu un doctorat de Columbia.

Je suis le bénéficiaire direct de cette croyance de mon grand-père en l’éducation laïque. Alors quand j’ai appris il y a quelques années qu’à Brooklyn, que des dizaines de milliers de personnes sont privées d’une éducation de base, j’étais absolument furieux.

Ma femme et moi avons appris cela de première main, lorsque nous nous sommes portés volontaires pour accueillir un membre de Footsteps [un groupe de soutien pour anciens orthodoxes] dans notre chambre d’amis. Elle étudiait pour obtenir son B.A. et nous a raconté ces histoires cauchemardesques sur les obstacles monstrueux qu’elle avait dû surmonter. C’était terriblement choquant.

Avant de commencer à travailler sur ce documentaire, quelle image aviez-vous du monde orthodoxe ?

Je le connaissais très bien parce que j’ai passé des étés en Israël. Chez mon grand-père, un interrupteur éteignait le téléphone le vendredi après-midi et il n’était rallumé que le dimanche matin. Et puis le vendredi soir, il y avait 50 personnes à la maison parce que tout le monde venait pour le dîner de Shabbat, et le samedi la maison était encore remplie de monde. Je connaissais le sens de la vie orthodoxe. Ce n’était pas quelque-chose d’étrange pour moi, et je pense toujours que c’est une chose incroyable.

Y a-t-il quelque-chose en particulier qui vous a surpris pendant vos recherches pour ce documentaire ?

Oh mon Dieu. J’ai été de surprises en surprises. Je veux dire, je n’en croyais pas mes yeux. Nous sommes le peuple du livre, mais ce qui m’a surpris, ce sont ces jeunes qui étaient techniquement analphabètes. Vous rencontrez des enfants qui ne savent pas écrire leurs propres noms en anglais. On ne leur apprend pas que la terre tourne autour du soleil, on leur apprend à haïr tous ceux qui ne sont pas juifs.

Nous ne cessons de répéter que l’éducation en yeshiva varie considérablement, nous ne parlons pas de toutes les yeshivot. Certaines font un bon travail d’enseignement des matières profanes, en particulier celles qui relèvent de l’orthodoxie moderne et certaines écoles religieuses, mais d’autres n’enseignent pas du tout les matières profanes, il faut écouter les récits des gens eux-mêmes.

Le film le montre de façon incontestable, et je pense que les gens sont inévitablement aussi surpris que moi. Ils restent bouche bée. Après avoir vu cela de vos propres yeux, vous ne pouvez pas affirmer que ce n’est pas vrai ou que nous avons tout inventé de toutes pièces.

Y a-t-il un lien officiel entre Yaffed et ce film, en termes d’influence ou de production ?

J’ai appelé Pearls. Et la première chose que j’ai dite, c’est que je faisais ce documentaire indépendant et [le porte-parole] m’a demandé : « Bien sûr, vous êtes financé par Yaffed, n’est-ce pas ? » J’ai répondu que non, qu’il s’agissait d’un documentaire indépendant, et quand je dis indépendant, ça veut dire qu’on n’a pas d’affiliation, je ne suis pas un mercenaire, ce n’est pas un documentaire corporatiste. Et ils ne pouvaient littéralement pas comprendre ce que cela signifiait.

Naftuli Moster s’exprime lors d’une conférence de presse pour Yaffed devant l’hôtel de ville de New York, le 24 juillet 2019. (Crédit : Mo Gelber / Yaffed / via JTA)

Comment avez-vous pu présenter les opinions des deux bords, notamment dans la mesure où les représentants des yeshivot ont refusé de vous parler et n’avaient pas vraiment confiance en votre indépendance ?

J’ai tenté de contacter des professeurs qui soutiennent ce point de vue mais tous ont refusé de me recevoir. J’ai dit très honnêtement : « Ecoutez, j’ai une position, une position selon laquelle il y a un problème ici dans la communauté. » Et j’ai été très clair, je n’allais pas leur mentir en prétendant que ce film est autre chose que ce qu’il est. Mais j’ai dit aussi : « Je veux entendre votre point de vue. » Et personne ne voulait être interviewé.

En réalité, j’ai interviewé un professeur, mais il s’est rétracté après l’entretien, alors nous ne l’avons pas publié. Donc, la seule chose que nous pouvions faire, c’était d’utiliser les images dans le domaine public, disponibles en ligne. La première version du documentaire durait 20 minutes et les gens nous ont dit qu’on n’entendait pas assez l’autre côté. Et j’ai dit, Ok, vous avez raison.

C’est à ce moment-là que nous avons entrepris de donner plus de place au point de vue opposé, parce nous voulions vraiment un débat entre les deux partis. Si vous ne parlez pas du point de vue opposé, vous ne pouvez convaincre personne. Vous devez appréhender les problèmes de leur point de vue.

Avez-vous l’impression qu’il y a deux partis sur cette question ?

La façon dont j’ai formulé le débat est qu’il y a la loi de l’État, qu’elle prescrit certaines choses, que cette loi de l’État doit être respectée, et qu’il y a des preuves évidentes qu’elle n’est pas respectée. Les gens ont la volonté et le droit, en vertu de cette loi, de pratiquer leur religion comme ils le souhaitent. Et ils doivent respecter la loi de l’État sur d’autres aspects. Et je pense que c’est ainsi que je le perçois.

Un panneau d’affichage de YAFFED devant une yeshiva, exhortant les parents à penser à l’éducation laïque de leurs fils. Les écoles de la communauté ultra-orthodoxe pratiquent presque toutes la ségrégation sexuelle. (Autorisation : Yaffed)

Selon vous, pour une juste résolution de ce problème, comment le gouvernement devrait-il réglementer et déléguer l’éducation laïque dans les yeshivot ?

Je pense qu’il faut déterminer un moyen de nous assurer que les enfants en yeshiva reçoivent une éducation décente. Cela ne signifie pas que des inspecteurs entrent et examinent les manuels dans les casiers. Cela signifie trouver un moyen objectif. Comme exemple de moyen objectif, on pourrait imposer des tests, comme les tests Regents.

L’un des membres de Pearls souligne à juste titre que les écoles publiques ne font pas un excellent travail d’enseignement laïque, et c’est vrai. Alors assurons-nous que toutes les yeshivot soient au moins d’aussi bonne qualité, sinon meilleures, que les pires écoles publiques, ou les écoles publiques moyennes, et trouvons un moyen de le faire. Nous n’avons pas à leur dire combien d’heures par jour ils étudient, ni quelles matières ou quels manuels utiliser, mais il doit y avoir une façon objective de connaître la vérité.

La question est de savoir si les enfants diplômés de ces institutions ont les capacités de devenir des adultes indépendants s’ils le souhaitent. Si quelqu’un sort d’une yeshiva et ne parle pas assez bien anglais pour obtenir un emploi ailleurs qu’à l’usine et au smic, alors on doit se demander s’il reçoit une éducation adéquate.

Je pense qu’une meilleure éducation laïque permettrait aussi aux gens qui restent dans la communauté de vie une vie plus prospère et de résoudre une partie des problèmes qui engendrent leur [dépendance] aux aides sociales gouvernementales, dans nombre de ces communautés. Kiryas Joel [l’enclave hassidique de Satmar dans le nord de l’État de New York] reçoit davantage d’aide au logement de la section 8 que le reste du pays et les autres communautés.

Dans mon esprit, il n’y a pas de conflit entre le fait de recevoir une éducation laïque et de pratiquer sa religion. Ma mère était une femme vraiment dévote. Son éducation laïque n’a jamais interféré avec sa foi. Alors je ne comprends pas pourquoi les gens en ont si peur.

Qu’espérez-vous que les gens retiennent de en regardant [votre documentaire] ?

J’aimerais qu’ils se demandent ce que nous devons aux enfants, ce que nous devons à nos enfants, et ce qui se passe lorsque nous ne leur donnons pas l’éducation dont ils ont besoin pour devenir indépendants.

« An Unorthodox Education » (2021, Elm Court Productions) est en streaming ici.

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