Un documentaire explore la transformation du deuil en force de réconciliation
Le nouveau film d'Esther Takac, psychologue australienne spécialiste des traumatismes, se penche sur des familles endeuillées des deux côtés du conflit israélo-palestinien
Nombreux sont les mots qui ont pu être écrits sur l’amitié improbable qui lie Bassam Aramin, un musulman palestinien, et Rami Elhanan, un Juif israélien, deux pères réunis par le deuil qui ont cofondé le Cercle des Parents, une organisation qui rassemble des familles israéliennes et palestiniennes qui ont en commun d’avoir perdu un être aimé.
C’est une histoire qui a été souvent racontée et notamment dans le roman de Colum McCannparu en 2020, Apeirogon, le récit romancé de cette relation, un livre dont Steven Spielberg a acquis les droits.
Aujourd’hui, c’est la psychologue australienne Esther Takac qui s’attarde sur Aramin et Elhanan, présentant leurs traumatismes et leur processus de guérison dans « The Narrow Bridge », un documentaire consacré à leur amitié. Elle porte aussi son attention sur deux autres membres de familles en deuil qui tentent, eux aussi, de transformer la souffrance insupportable de la tragédie personnelle qu’ils ont vécue en fondation d’un possible mouvement de paix.
Takac, dont c’est la première expérience de réalisatrice, porte son regard de psychologue sur Aramin et Elhanan, ainsi que sur Meytal, dont le père a été tué à la hache dans son jardin de la vallée du Jourdain et sur Bushra, dont le fils a été tué par les forces israéliennes aux abords de l’habitation familiale.
Le documentaire intercale ses entretiens avec les protagonistes et des images de la cérémonie conjointe qui est organisée tous les ans à l’occasion de Yom HaZikaron par le Cercle des Parents et par le groupe Combattants pour la paix. Un rassemblement annuel honni par certains qui estiment qu’il est de mauvais goût et insultant pour les victimes du terrorisme.
Takac dit avoir eu l’envie de réaliser un film comme « The Narrow Bridge » après avoir elle-même personnellement assisté à l’une de ces cérémonies, une année.
« J’ai été époustouflée par cette cérémonie et j’ai eu le sentiment qu’il fallait que d’autres connaissent cette histoire », explique Takac. « Elle est, à mes yeux, un modèle pour les personnes aux prises avec un traumatisme et un modèle aussi pour la résolution de conflit ».
Takac déclare avoir été surprise qu’aucun film n’ait été réalisé auparavant sur cette cérémonie toute particulière de Yom HaZikaron, même si l’amitié liant Aramin et Elhanan a déjà, dans le passé, retenu l’attention des cinéastes.
Takac, pour sa part, dit avoir réfléchi au sujet sous l’angle du trauma et de la résolution de conflit, deux problématiques qui reviennent souvent, dit-elle, lorsqu’elle intervient comme psychologue à l’hôpital de l’université Hadassah – des consultations qu’elle fait régulièrement lors de ses visites au sein de l’État juif.
Elle raconte être souvent frappée par les tensions et par le conflit qui se font parfois ressentir entre les Palestiniens et les Israéliens dans cette petite communauté étroite que forme Hadassah, ainsi que par l’intimité et la vulnérabilité qui existent entre ces improbables voisins dans le cadre de l’hôpital.
« J’ai vraiment le sentiment que le deuil est une expérience qui place les individus sur un pied d’égalité », commente-t-elle.
Takac finit par poser son regard de psychologue spécialiste du traumatisme dans le film, déclenchant les pensées puissantes et les émotions d’Aramin, Elhanan, Meytal et de Bushra.
Elle tente de comprendre comment ses sujets sont parvenus à passer de la colère, de la rage et du ressentiment au désir de comprendre et d’apaiser la souffrance induite par des sentiments incroyablement complexes.
Takac explique que grâce au processus de réalisation du documentaire, elle a été obligée de repousser ses propres limites et ses propres idées sur le conflit opposant Israël aux Palestiniens.
Aramin, par exemple, a insisté pour que leur entretien ait lieu dans sa ville natale de Beit Jala, un village palestinien qui se trouve de l’autre côté de la Ligne verte avec Israël et qui est difficile d’accès pour toute personne dotée d’un passeport israélien, comme c’était le cas pour Tabak et son équipe.
De la même manière, un rassemblement de femmes du Cercle des Parents qui avait été organisé au domicile de Bushra lui a permis d’avoir un autre aperçu de la manière dont certaines mères ayant perdu un enfant considèrent le « martyre » de ce dernier, et des réactions des amis et des voisins face à leur participation au groupe.
« Cet angle ‘personne de l’intérieur vs. personne de l’extérieur’ peut être utile », note Takac. « J’ai des connaissances et je parle hébreu, mais peut-être que le fait d’avoir été ici en tant ‘qu’étrangère’ m’a offert une nouvelle perspective. Je pense également qu’être psychologue spécialisée dans le trauma m’a aidée, j’ai eu le sentiment que j’assurais le lien pour eux ».
« The Narrow Bridge » est actuellement présenté dans des festivals du film aux États-Unis et il avait été projeté au festival du film de Jérusalem, l’été dernier. Takac estime que le documentaire est un outil susceptible d’avoir un impact social et qu’il pourrait être utilisé pour sensibiliser à la possibilité de négocier la paix.
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