Un élu Likud rompt avec son parti en bloquant la loi visant à fermer le radiodiffuseur public
"La radiodiffusion publique est nécessaire en Israël', déclare David Bitan, critiquant 'ceux qui, au Likud, causent des dommages au parti au nom de la politique'

Il semblerait qu’un projet de loi très controversé visant à fermer le radiodiffuseur public Kan soit entré dans les limbes législatives lundi, après que le président de la commission des Affaires économiques de la Knesset, David Bitan, a annoncé qu’il empêcherait son avancement, ainsi que celui de plusieurs autres projets de loi visant à remanier de manière significative l’écosystème des médias en Israël.
« Je ne peux pas faire avancer ce projet de loi pour une raison simple : la radiodiffusion publique est nécessaire », a annoncé Bitan lors d’une réunion de la commission pour discuter de la législation, provoquant une vive réaction de la part de Tally Gotliv, membre du Likud, qui avait présenté le projet de loi, initialement rédigé par le ministre des Communications, Shlomo Karhi.
« Il y a toujours eu un service public de radiodiffusion en Israël, et je ne suis donc pas favorable à la suppression de ce service », a déclaré Bitan. « Malheureusement, certains au Likud causent des dommages au parti et à ses membres au nom de la politique, et je ne le permettrai pas ».
L’opposition de Bitan signifie qu’il est très peu probable que le projet de loi fasse l’objet d’un vote au sein de la commission, ce qui l’empêcherait d’avancer vers le plénum de la Knesset pour les trois lectures nécessaires à son adoption en tant que loi.
Telle qu’elle est rédigée, la loi exigerait que le gouvernement lance un appel d’offres pour l’achat des réseaux de télévision et de radio contrôlés par la Société publique israélienne de radiodiffusion (IPBC), qui exploite la télévision et la radio Kan, entre autres plates-formes.
La législation proposée stipule que si un acheteur n’est pas trouvé dans les deux ans, le diffuseur sera complètement fermé et sa propriété intellectuelle reviendra au gouvernement.

Un projet de loi similaire visant à privatiser la radio de l’armée en la vendant à un acheteur privé est également promu par la coalition.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a salué la décision de Bitan, en écrivant sur X que « nous ne les laisserons pas démanteler la démocratie en Israël ».
Critiquant son collègue du Likud, Gotliv a fait valoir qu’il n’y avait pas besoin d’un radiodiffuseur public, tandis que le ministre des Communications Karhi a menacé de faire avancer le projet de loi par d’autres voies.
« Il y a d’autres projets de loi concernant la privatisation de l’IPBC qui seront soumis à la commission des Lois, et si ce n’est pas cette proposition, il y en aura une autre », a déclaré Karhi.
« Les projets de loi relatifs au monde des médias et aux grandes réformes qui s’y rapportent ont toujours été examinés par des commissions spéciales créées à cet effet. Ce sera également le cas cette fois-ci », a tweeté le ministre, accusant Bitan et les législateurs de l’opposition de l’avoir empêché de s’exprimer lors du débat de mercredi sur le projet de loi.
Des commissions spéciales ont été créées pour traiter de questions législatives spécifiques par le passé, notamment la loi dite sur l’État-nation et le projet de loi portant création de l’IPBC. S’il bénéficie du soutien de la coalition, Karhi pourrait faire pression pour la création d’un tel organe par le biais de la commission de la Chambre de la Knesset.
Au cours de l’audition, Bitan s’est également engagé à geler les travaux sur la législation qui accorderait au gouvernement un droit de regard sur les données d’audience de la télévision et obligerait les diffuseurs à communiquer régulièrement ces données, ce qui, selon la procureure générale Gali Baharav-Miara, violerait des principes constitutionnels clés, notamment le droit à la vie privée et la liberté de la presse.
Toutefois, Bitan a indiqué qu’il ne ferait pas obstacle à deux autres projets de loi – l’un qui obligerait Kan à justifier ses décisions devant la commission sur une base annuelle, et l’autre qui donnerait au gouvernement un contrôle direct, et non plus indirect, sur le budget du radiodiffuseur. La commission examinera ces propositions.
Selon la proposition de loi du député du Likud Avichai Boaron, le financement de l’IPBC proviendrait directement du budget de l’État, avec l’approbation du gouvernement, qui se verrait accorder le pouvoir de « modifier ou d’annuler un poste du budget de la société ».

Devant la commission, Boaron a nié avoir l’intention d’interférer avec la programmation de l’IPBC, une affirmation tournée en dérision par les législateurs de l’opposition présents à la réunion – qui ont également demandé si Karhi avait l’intention d’obéir à une récente ordonnance de la Haute Cour de justice visant à prolonger les mandats de deux membres du conseil d’administration du radiodiffuseur public Kan.
Les organisations représentant les médias, notamment l’Association de la presse étrangère et l’Union des journalistes en Israël, ont sévèrement critiqué les réformes des médias proposées par Karhi, qui, selon le ministre, sont nécessaires pour libéraliser le marché et accroître la concurrence.
« Nous avons le sentiment que les médias libres font l’objet d’une attaque en règle », a déclaré Oded Ben-Ami, présentateur vedette de la chaîne N12, aux législateurs lors d’une conférence d’urgence sur la liberté d’expression le mois dernier.
Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement en 2022, Israël a perdu 15 places dans le classement annuel de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Tout en lançant des attaques virulentes contre de nombreux médias israéliens, la coalition a injecté de l’argent dans la Quatorzième chaîne, une chaîne pro-gouvernementale, quadruplant presque ses dépenses publicitaires au cours des deux dernières années, selon le site d’information The 7th Eye, qui couvre le secteur des médias locaux.
Après le débat de mercredi, le journaliste du 7th Eye, Shabi Gatenio, a tenté de poser une question à Karhi, ce qui a conduit Elad Zamir, le chef de cabinet de Karhi, à le traiter d' »idiot » et à s’emparer à plusieurs reprises de son téléphone.
כרגע יועץ שר התקשורת @shlomo_karhi תקף אותי, כתב @the7i, והשליך את הנייד שלי לרצפה כי רציתי לשאול שאלה את השר. pic.twitter.com/pab7KWvxfp
— שבי גטניו (@ShabiGatenio) January 15, 2025
Critiquant Zamir pour avoir fait usage de « violence physique », la députée de Yesh Atid Shelly Tal Meron a promis de déposer une plainte auprès de la commission d’éthique de la Knesset.
Lors de la conférence de décembre sur la liberté d’expression, Zamir s’est mis en colère lorsque des journalistes et des législateurs de l’opposition ont interrompu Karhi, et a été expulsé de l’hémicycle après avoir crié que Lapid essayait de « faire taire nos voix ».