Un expert du comportement propose un confinement réservé aux seniors
Il faut faire revenir le pays à la normale, isoler les personnes âgées et s'assurer qu'il n'y a pas de contact entre elles et les plus jeunes, dit un scientifique du Technion

Israël devrait exiger de ceux qui sont les plus vulnérables face à la pandémie de coronavirus qui balaie le monde qu’ils restent confinés à domicile tout en laissant tous les autres reprendre une existence normale, a déclaré un expert du comportement, dans la journée de lundi, qui a clamé qu’un confinement partiel ou même complet était irréaliste.
Des informations fournies lundi dans la soirée ont indiqué que le gouvernement pouvait se préparer à émettre des restrictions plus drastiques, en obligeant les Israéliens à rester à leur domicile, en mettant un terme à l’activité des transports publics ainsi qu’à celle de tous les commerces, exception faite des épiceries et des pharmacies. Les seules personnes autorisées à s’aventurer à l’extérieur seraient les employés des secteurs considérés comme essentiels.
Mais Ido Erev, scientifique spécialiste des comportements au Technion – Institut israélien de technologie, déclare que de telles mesures entraîneraient « de gros dégâts » et qu’il était « impossible à les mettre en œuvre ».
Ido Erev, spécialiste de la manière dont les gens sont amenés à prendre leurs décisions au quotidien, explique que les Israéliens ne seront tout simplement pas en mesure de rester confinés à leur domicile pendant toute la journée.
« Ma recherche suggère que pour réussir à faire appliquer une règle, il faut se montrer très spécifique. Mais ce qu’on tente de mettre en œuvre ne l’est pas et ne réussira pas. Les gens pourront toujours dire qu’ils vont faire des courses ou qu’ils vont au travail », dit-il.
« Je pense que ce serait beaucoup plus efficace – au lieu d’organiser le confinement de la population toute entière – de se focaliser exclusivement sur les personnes âgées », ajoute-t-il.

Ido Erev clame que dans la mesure où les restrictions décidées dans le contexte de la crise du coronavirus ont pour principal objectif de protéger les personnes les plus âgées – qui doivent faire face à une menace accrue de décès des suites de la maladie – maintenir ces dernières strictement à domicile et laisser la population âgée de moins de 65 ans se déplacer librement est la meilleure solution.
« Il est temps de laisser les jeunes retourner au travail de manière à éviter l’effondrement de l’économie », estime-t-il.
Un reportage diffusé par la Douzième chaîne, lundi – et dont le contenu n’a pas été confirmé – a suggéré que le gouvernement songeait à mettre en place un confinement de tous les hommes de 70 ans et plus et de toutes les femmes de 65 ans et plus, qui auraient l’interdiction de quitter leur domicile.
Le reportage n’a suggéré à aucun moment que cette mesure ouvrirait la voie à un retour à la normale pour le reste de la nation. Mais Ido Erev, qui est président de l’Association européenne pour la prise de décision, déclare qu’il y a peu de logique à soumettre les individus plus jeunes et en meilleure santé à des restrictions lourdes si, par ailleurs, les personnes âgées sont isolées et gardées en sécurité face à une éventuelle contamination au virus du COVID-19.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti que si les personnes âgées et celles affichant des facteurs de comorbidité étaient disproportionnellement vulnérables face à la maladie, les données issues de nombreux pays montrent que les individus âgés de 50 ans et moins représentaient une « proportion significative » des malades nécessitant une hospitalisation.
« Aujourd’hui, j’ai un message pour les jeunes : vous n’êtes pas invincibles », a clamé le directeur-général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le 21 mars. « Ce virus peut vous envoyer à l’hôpital pendant des semaines ou même vous tuer ».
Ido Erev déclare également que si le gouvernement tente de faire appliquer de force des restrictions d’ampleur sur une période de plusieurs mois, l’adhésion de la population s’affaiblira. Il note qu’il existe déjà un effet « cela ne m’arrivera pas » – qui a pour conséquence la violation des règles par certains Israéliens qui partent du principe qu’ils ne joueront aucun rôle dans la propagation du virus.
Il explique que cet effet est tellement fort que même ceux qui comprennent pleinement les dangers encourus par les personnes âgées leur rendent encore visite, mettant leur santé en péril.
« C’est la nature humaine », affirme-t-il, ajoutant que lui-même s’est trouvé dans cette situation et que malgré ses études du coronavirus et trente ans de recherche en sciences du comportement, il est entré dans la maison de sa mère âgée au lieu de laisser les courses effectuées pour elle à sa porte.

Ido Erev explique que les personnes âgées sont moins amenées à ressentir le sentiment d’invincibilité des plus jeunes qui continuent à sortir, et déclare que si l’État n’est pas en mesure de répondre aux besoins de tous les citoyens confinés pendant un mois ou plus, il peut néanmoins se permettre de fournir aux plus anciens ce qui leur est nécessaire pour pouvoir rester chez eux dans des conditions relativement favorables.
« Nous pouvons revenir à la normale et offrir aux seniors une très bonne vie, avec notamment de bons repas en provenance des restaurants », affirme-t-il, ajoutant le gouvernement devra fournir des personnels de soutien – régulièrement dépistés pour le coronavirus – qui prendront soin de leurs besoins et qui pourront les former à utiliser des technologies, telles que les discussions par vidéo, pour réduire leur solitude.
Le gouvernement devra également assumer le coût qui permettra de réunir des amis ou des fratries âgés désireuses de partager le même toit, dit Ido Erev.
« S’il y a des sœurs septuagénaires qui veulent vivre ensemble, l’État devrait investir de l’argent pour les tester pour le coronavirus puis payer un déplacement en taxi à l’une pour qu’elle puisse aller vivre avec l’autre », note-t-il.
Les personnes âgées de moins de 55 ans pourraient rester confinées chez elles pendant une heure par jour, suggère-t-il, ce qui permettrait aux plus anciens d’aller se promener.
Ido Erev reconnaît que ces initiatives auraient un prix à payer lourd, mais il a ajouté que c’était précisément à ce prix que les personnes âgées seraient protégées, et aussi parce que les proches de ces derniers n’accepteront de rester à l’écart que s’ils ont la certitude que leurs parents et leurs grands-parents reçoivent les soins et l’attention appropriés.
Il estime que de telles mesures « n’aideront pas seulement à sauver des vies, mais elles aideront à faire reprendre aux enfants le chemin de l’école parce que si les plus âgés restent à la maison et que leurs enfants et leurs petits-enfants ne culpabilisent pas à l’idée de ne pas les voir et de ne pas leur rendre visite, alors le retour à la normale s’effectuera plus rapidement ».

Ido Erev souligne qu’il favorise des mesures « douces » pour garantir que les règles seront suivies – comme celle d’offrir une bonne qualité de vie – mais il déclare qu’il doit y avoir des conséquences négatives à la violation des règles, et il fait une suggestion radicale : celle de ne pas accorder la priorité aux contrevenants s’ils doivent être hospitalisés, atteints par le coronavirus.
« Si vous avez plus de 65 ans et que vous allez à l’extérieur, et que nous avons 300 lits pour les malades et une demande élevée, alors vous ne devez pas en bénéficier d’un », dit-il. « C’est du suicide ».
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