Un forum recommande aux entrepreneurs israéliens de s’intéresser au monde arabe
Lors du lancement d’un forum consacré aux entreprises du Moyen-Orient, l’américano-israélien Yadin Kaufmann a expliqué pourquoi et comment il a fondé la toute première firme d’investissement visant les start-ups palestiniennes
Même si Israël se situe géographiquement au Moyen Orient, toutes sortes d’obstacles politiques et sociaux ont empêché les personnalités dynamiques de la nation des start-ups à ignorer leur propre région dans leur chasse à de nouveaux marchés.
Cherchant à changer cette tendance, deux étudiants en MBA de l’université de Tel Aviv ont lancé, dimanche, le Middle East Business Forum, qui a pour objectif de « sensibiliser et de faciliter le réseautage » en permettant aux hommes d’affaires formés en Israël de chercher des opportunités dans les pays avoisinants.
L’événement prévu pour le lancement du forum, qui s’est déroulé dans une salle de l’Université avec l’aide du Centre Whitman pour la Coexistence, a réuni environ 50 étudiants et membres de la faculté.
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Le point d’orgue de cette rencontre a été le discours prononcé par Yadin Kaufmann, immigrant américain en Israël qui, en 2001, a cofondé Sadara (« Avant-garde » en arabe), la première firme d’investisseurs à cibler les start-ups de technologie palestiniennes.
Sadara a amassé 30 millions de dollars en deux ans et demi, même si l’entreprise avait commencé à collecter des fonds alors que la crise financière mondiale était à son apogée au cours de l’été 2008.
La firme est appuyée par des investisseurs de premier plan, dont les milliardaires George Soros, le fondateur d’AOL Steve Case, et l’ancien président d’eBay Jeff Skoll, ainsi que par Google, Cisco et la European Investment Bank.
L’entreprise a jusqu’à présent investi dans six start-ups technologiques palestiniennes, et joue un rôle essentiel dans la croissance du petit marché palestinien de la high tech qui existe actuellement.
Kaufman, dont le partenaire et cofondateur de Sadara est l’américano-palestinien Saed Nashef, a déclaré à l’assistance qu’il voulait rendre ce qu’il avait appris en Israël à la fin des années 1980 et au début des années 1990, ajoutant qu’il ne cessait depuis de s’efforcer de reproduire ce modèle en faveur des Palestiniens.
« Il s’agit de faire du commerce et de faire de l’argent pour nos investisseurs », a expliqué Kaufmann en évoquant Sadara.
Mais il y a également cette valeur ajoutée qui est d’aider à créer un marché florissant consacré aux hautes technologies au sein de l’Autorité palestinienne, et qui offrira plus de stabilité aux Palestiniens comme aux Israéliens, a-t-il ajouté.
« Cela ne nous fait aucun bien à nous qui vivons ici [en Israël] d’avoir un taux de chômage élevé, de ne pas avoir de croissance du PIB et de nourrir le désespoir. Nous nous sentirons bien mieux si les gens là-bas [dans l’Autorité palestinienne] sont mieux lotis », a-t-il indiqué.
Kaufmann a ajouté qu’une telle notion « est très bien acceptée, presque indépendante de vos visions politiques ».
Il a noté que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Avigdor Liberman avaient tous les deux évoqué les bénéfices sécuritaires qui seraient entraînés par l’amélioration de l’économie palestinienne.
Evoquant le commerce dans le monde arabe en général, Kaufmann a expliqué que c’est précisément parce que la région « ne figure en premier sur aucune liste » en Europe ou en Amérique, il reste un espace pour l’entrepreunariat local sur le marché.
(Kaufmann avait raconté une première fois son histoire lors d’une conférence de TEDX organisée en mars 2014 à Rome).
C’est de ce marché régional fertile que les deux fondateurs du Middle East Business Forum, Jowan Qupty, 26 ans, originaire de Jérusalem et Jesse Divon, 31 ans, qui vient du Royaume Uni, espèrent pouvoir profiter.
Les deux étudiants se sont rencontrés alors qu’ils suivaient un programme international de MBA à l’Université de Tel Aviv. Divon dirige également l’initiative de Kaufmann qui vise à trouver des stages de formation pour les Palestiniens dans les entreprises technologiques israéliennes.
« Nous avons commencé à discuter et nous avons réalisé qu’il n’y a aucune boîte qui travaille avec les entreprises du Moyen-Orient », explique au Times of Israël Qupty, qui est aussi un ancien membre de l’équipe nationale israélienne de natation.
Il ajoute que l’Université « a adoré » cette idée, et que le duo a rencontré les dirigeants de « grandes sociétés internationales » au sein de l’état juif qui étaient intéressées par l’idée de participer au projet.
Les activités, pour le forum, comprendront des visites dans les entreprises, dans les usines et dans les zones industrielles pour voir directement les lieux où la coopération commerciale israélo-arabe est établie.
L’esprit présent dans la société de Kaufmann – l’entreprise envisagée comme vecteur de coexistence – est un modèle que Qupty espère pouvoir suivre.
Mais certaines personnes présentes lors du lancement de l’initiative et qui se sont entretenues avec le Times of Israël, affichent leur scepticisme. Elles soulignent les obstacles politiques que devront surmonter le nouveau forum universitaire et les entreprises commerciales israélo-arabes en général.
« Je pense que nous n’avons pas parlé de ce qui fâche : Les arabes ne peuvent pas faire d’affaires avec nous », déplore Ami Marom, 40 ans, étudiant en maîtrise dans un programme consacré à la sécurité et à la diplomatie.
Israël n’entretient pas de relations diplomatiques ouvertes avec les pays arabes, hormis avec l’Egypte et la Jordanie, et les populations de ces deux pays se montrent même généralement hostiles à l’idée d’une coopération commerciale avec Israël.
Marom, qui indique qu’il « réfléchit à différentes pistes pour faciliter les relations entre les Israéliens et les Arabes à travers des entreprises ou autres commerces », note que malgré les défis politiques, il y a déjà des hommes d’affaires israéliens qui passent des accords à travers tout le monde arabe, notamment dans le Golfe.
Mais, dit-il, « si le volume commercial devient trop important, ou si les relations deviennent trop publiques, il peut y avoir une réaction violente de la part de ceux qui sont défavorables à une normalisation des choses ».
Il fait référence ici à ceux qui sont opposés à des niveaux de relations variés avec Israël dans la mesure où, affirment-t-ils, cette normalisation viendrait légitimer l’occupation militaire de la Cisjordanie qui dure depuis 50 ans.
En réponse à « ce qui fâche », Divon réplique que « personne ne nie qu’il y a ici un élément diplomatique ».
« Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. Il y a suffisamment de forums qui évoquent déjà cette question. Nous n’avons pas besoin de le faire ici. Nous ne nions ni le contexte politique, ni le contexte social, mais nous sommes ici pour parler de l’entreprise », conclut-il.
Mais Ershied, qui prépare une licence en commerce, a déclaré au Times of Israël que c’était les prospectus annonçant une conférence sur les entreprises israéliennes qui l’avaient motivée à assister à cet événement.
« Je m’intéresse vraiment à tout ce qui peut venir améliorer l’économie palestinienne, à l’intérieur ou à l’extérieur de ce que nous connaissons comme étant Israël », explique-t-elle.
La conférence, conclut-elle, « m’a vraiment amenée à vouloir obtenir mon diplôme et à oeuvrer pour aider l’économie palestinienne à se renforcer ».
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