Un fossé grandissant entre le nord et le sud d’Israël ?
Moria Dror habite le moshav de Netiv Haasara à proximité de Gaza ; elle se sent incomprise du reste de la société israélienne
Une salve de roquettes dans le sud d’Israël mercredi a frappé trois maisons dans la ville de Netiv Haasara, située près de la frontière nord de la bande de Gaza.
C’est le tout dernier chapitre d’une longue série de dommages causés par les mortiers dans la ville.
Au cours des huit dernières années, 63 roquettes ont frappé à moins de 200 mètres de la maison de Moira Dror, et trois d’entre elles ont touché directement sa maison. Quand elle a vu aux informations télévisées que le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël était sur le point de s’effondrer mardi après-midi, elle savait exactement à quoi s’attendre.
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« Chaque fois qu’il y a un cessez-le-feu, chaque fois, nous savons ce qui va se passer » dit-elle, le mercredi matin, en sortant de son miklat [mot hébreu qui désigne la chambre forte qui sert de refuge]. « Nous savons que nous allons être bombardés. »
Depuis que le Hamas a lancé des roquettes vers Beer Sheva mardi après-midi, Netiv Haasara et le reste des villes de la périphérie de Gaza sont confrontées sans cesse à des salves de roquettes et de mortiers. « Depuis, cela n’a pas cessé, de toute la journée et de toute la nuit », a déclaré Moira Dror, notant que cela n’a surpris personne. « Nous le savons. Cela va faire quand même 14 ans ».
Pour Dror et ses voisins, cet été, il y avait une « lueur d’espoir » que peut-être quelque chose pourrait changer de façon permanente leur problème de sécurité avec Gaza. Mais ensuite, ils ont entendu les discours enflammés du Hamas, et ils ont aussitôt perdu cet espoir.
« Lorsque vous entendez le Hamas parler avec la façon dont ils parlent, on se dit, ‘comment peut-on s’asseoir avec eux ?' » affirme- t-elle. « Ils n’ont aucun respect pour Israël ou pour la vie de leur propre peuple. »
Netiv Haasara, un moshav [communauté agricole coopérative], est situé à seulement 50 mètres de la frontière avec Gaza, et la maison de Dror est l’une des plus proches de la frontière. Sa maison a subi des dommages directs à trois reprises. Au fil des années, trois personnes ont été tuées par des mortiers à Netiv Haasara, y compris un travailleur thaïlandais le 24 juillet dernier.
Une des plus grandes difficultés dans la situation actuelle pour Dror est la déconnexion qu’elle ressent entre les résidents du Sud, qui sont la cible de roquettes depuis les quatorze dernières années, et le reste du pays, qui a commencé à courir aux abris seulement récemment, et sur une base moins fréquente.
Lors d’une manifestation sur la Place Rabin, jeudi soir dernier, où les résidents du Sud ont exigé l’arrêt permanent des roquettes, Dror a fait savoir qu’elle était choquée et blessée de la réaction de gens du centre du pays.
« Les gens de Tel Aviv qui me parlaient, c’était comme, ‘ô ma pauvre, vivre là-bas’ ! » explique Dror. « J’étais malade de la façon dont les gens parlaient de nous. Comme si c’était ma faute si je vis là où je vis ! ».
Moira Dror, 60 ans, a fait son alyah d’Ecosse en 1972. Elle a vécu à Neviot dans le Sinaï, à environ 70 kilomètres au sud d’Eilat, jusqu’au retrait d’Israël de la péninsule en 1982.
« Le gouvernement m’a donné cette terre, qui n’est pas dans la bande de Gaza, quand ils m’ont fait sortir du Sinaï » dit-elle. « Cela n’a rien à voir avec les territoires occupés, c’est Israël ici. Je suis à seulement 14 km d’Ashkelon. En 45 minutes, je suis à Tel Aviv ».
« Les gens m’ont demandé si j’étais restée à Netiv Haasara au cours des événements. Et j’ai dit, oui, nous étions ici la plupart du temps. Et ils m’ont dit : « Kol Hakavod ! [Bravo !] Pourquoi Kol Hakavod ? Diriez-vous cela à un habitant de New York qui y est resté après le 11 septembre ? Ce n’est pas la façon dont vous parlez à quelqu’un ».
Au cours d’une conversation de 20 minutes, les sirènes d’alerte rouge d’avertissement de roquettes nous interrompent sept fois. La facture de carte de crédit de Dror de juillet a explosé à cause de sa consommation d’essence, vu qu’elle a dû aller dans le Nord quand elle et son mari ont décidé de prendre une pause de quelques jours et de séjourner dans l’appartement de leur fille.
Dror a du mal à mettre sa vie quotidienne dans un contexte compréhensible pour les personnes vivant en dehors de la bande de Gaza. « C’est comme si vous viviez à New York, et c’est comme s’ils tiraient sur vous tous les jours du New Jersey, si vous pouvez imaginer ce que c’est de se faire tirer dessus tous les jours pendant près de 14 ans », lance-t-elle. « Parfois, nous avons quelques jours de calme. Mais vous ne savez jamais quand la prochaine bombe tombera ».
Le pire, c’est quand des gens bien intentionnés lui demandent pourquoi elle reste à Netiv Haasara, étant donné la proximité avec la bande de Gaza et les tirs de roquettes fréquents.
« J’ai une belle maison ici ; nous l’avons construite de nos propres mains » explique-t-elle. « Alors quand les gens disent, ‘Pourquoi vous ne la laissez pas ?’ C’est de très mauvais goût ».
Même si elle voulait partir, note Dror, ils seraient coincés : personne ne veut acheter une maison maintenant à Netiv Haasara, et ils auraient besoin de vendre leur maison pour aller n’importe où ailleurs.
« Bien, si quelqu’un vient vers moi et me donne une centaine de millions de dollars », plaisante-t-elle, « je serais probablement allée prendre ma retraite à Sedona, en Arizona… »
Dans le même temps, cependant, elle et sa famille tentent de passer à travers les mailles du conflit actuel, volant du sommeil entre les sirènes, plaidant pour une solution permanente avec le gouvernement et le reste du pays, et essayant malgré tout de pouvoir communiquer avec les gens qui n’ont pas idée de ce à quoi leur vie quotidienne ressemble. Mercredi, elle estime qu’elle a fui pour aller dans son miklat au moins vingt fois, entendant boom après boom.
«Je suis allée dans un café jeudi [après la manifestation à Tel-Aviv], et ils ne savaient même pas où se situait Netiv Haasara et ils ne savaient pas qu’il y avait une manifestation », s’est lamentée Dror.
« C’est un sentiment horrible. Pourquoi personne ne réalise ce que c’est ? »
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