Un grand reporter péruvien victime d’antisémitisme après avoir enquêté sur la police
Des manifestants ont harcelé Gustavo Gorriti avec des chants et des images racistes après qu'il a enquêté sur des meurtres commis par des agents des forces de l'ordre
LIMA, Pérou (JTA) – Des manifestants d’extrême-droite ont pris pour cible Gustavo Gorriti, un célèbre journaliste juif péruvien, le harcelant avec des chants et des affiches antisémites devant son domicile en raison d’enquêtes sur la violence policière découlant des troubles actuels dans le pays.
Des organisations juives et non juives ont pris la défense de Gorriti après qu’une trentaine de personnes ont manifesté devant son domicile à Lima mardi dernier, avec des pancartes le représentant lui et un autre journaliste non-juif, comme des rats tenant des sacs d’argent.
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent également certains des manifestants hurlant des slogans antisémites, tels que « nous allons continuer à rendre visite à ce Juif, ses jours sont comptés ». D’autres criaient « Gorriti n’est pas péruvien, il est juif ».
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les manifestants faisaient partie de La Resistencia, « un mouvement d’extrême-droite dont les dirigeants avaient publié l’adresse de Gorriti sur les réseaux sociaux et encouragé les adeptes à le harceler ».
Le Pérou est plongé dans une crise politique depuis décembre, depuis que l’ancien président de gauche, Pedro Castillo, a tenté de dissoudre le Congrès et de gouverner par décret de manière inconstitutionnelle. Il a rapidement été destitué et sa vice-présidente, Dina Boluarte, a prêté serment pour lui succéder. De nombreux Péruviens, en particulier les citoyens à faibles revenus et ceux d’origine indigène, s’opposent au nouveau gouvernement.
Des manifestations de grande ampleur – allant de rassemblements à des tentatives d’occupation d’aéroports – se poursuivent sans relâche depuis le mois de décembre. Si la majorité des activités de protestation ont été pacifiques, l’armée et la police péruviennes ont eu recours à la violence à plusieurs reprises. Au moins 49 manifestants et un policier ont été tués en conséquence directe des protestations.
Le 12 février, le site d’information IDL-Reporteros, dont Gorriti est le rédacteur en chef, a publié une enquête sur certains des décès survenus à Ayacucho, une ville du sud du pays qui a été un haut lieu de la contestation. L’enquête a révélé que certains des manifestants tués par la police étaient en réalité innocents ; l’un d’eux a été tué alors qu’il portait assistance à une personne blessée, tandis qu’un autre, âgé de 15 ans, ne participait même pas à la manifestation. L’équipe de journalistes a déclaré que certains des meurtres commis par la police pouvaient être qualifiés « d’exécutions extra-judiciaires ».
Gorriti, qui est devenu célèbre dans les années 1980 grâce à ses reportages sur le gouvernement péruvien, a fondé IDL-Reporteros en 2009. Il a déjà été la cible de harcèlement antisémite de la part d’une série de critiques, dont un ancien président péruvien.
Dans une interview de 2005, Gorriti a parlé de sa judéité.
« Je suis agnostique et je n’aime pas les rituels religieux. Cependant, je m’identifie à la vision du judaïsme qui consiste à ressentir la grande histoire qui bat en soi », a-t-il déclaré.
Jeffrey Radzinsky, avocat et analyste politique juif péruvien, a déclaré que bien que La Resistencia soit un groupe marginal, l’antisémitisme au Pérou est « quelque chose de partagé par les deux extrêmes idéologiques », et pas seulement par l’extrême-droite. Il a donné l’exemple de Vladimir Cerrón, un ancien gouverneur de gauche qui s’est exprimé sur Twitter sur les « pouvoirs juifs péruviens ». L’agence de presse de Gorritti a déjà fait état de l’antisémitisme de Cerrón.
Sur son site web, IDL-Reporteros a condamné le harcèlement comme étant « antisémite » et a noté qu’il s’agit du quatrième épisode d’attaques contre l’organisme de presse et contre Gorriti lui-même au cours des 36 derniers jours.
Samedi, le groupe communautaire de l’Association juive du Pérou a publié une déclaration condamnant les attaques contre Gorriti.
« Nous rejetons catégoriquement le harcèlement et les menaces chargées de racisme antisémite qu’un groupe de personnes a récemment exercé devant le domicile du journaliste Gustavo Gorriti », a écrit le groupe. « La liberté d’expression est l’une des valeurs essentielles de notre société. Notre pays connaît un climat de polarisation, et les Péruviens doivent rechercher des espaces de dialogue et de compréhension, pour lesquels il est essentiel d’éliminer le racisme et la violence physique et verbale. »