Un groupe anti-Israël autorisé à manifester le 7 octobre à l’université du Maryland
Un juge fédéral a estimé qu'interdire le rassemblement contreviendrait au Premier amendement ; les groupes anti-israéliens saluent une décision "qui protège les étudiants désireux de pleurer un génocide"
JTA – L’Université du Maryland devra autoriser un groupe d’étudiants pro-palestiniens à organiser un rassemblement sur le campus à l’occasion du premier anniversaire du pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, a décidé un juge fédéral américain mardi. L’établissement d’enseignement supérieur avait initialement donné le feu vert à l’événement avant de faire volte-face.
La décision qui a été prise par Peter Messitte, juge de district, est un camouflet pour les groupes juifs et pro-israéliens de l’université de College Park qui s’étaient opposés à ce que la manifestation prévue par la branche de l’organisation « Students for Justice in Palestine » puisse avoir lieu à la date-anniversaire du massacre. Ce jour-là, les hommes armés du Hamas, après avoir franchi la frontière séparant Israël de Gaza, avaient tué plus de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage au sein de l’enclave côtière.
Les organisations défavorables à la tenue de l’événement avaient estimé que le rassemblement était antisémite, déclarant qu’il ne devait pas pouvoir avoir lieu.
« C’est une question de droit, pas de sentiments potentiellement blessés », a écrit le magistrat Messitte dans son jugement. Mentionnant des mouvements de protestation antérieurs qui avaient pris d’assaut les campus – citant notamment les agitations qui avaient eu lieu lors de la guerre du Viêt Nam ou à l’époque de l’apartheid Sud-Africain – il a ajouté que « la liberté d’expression garantie par le Premier amendement est peut-être la loi la plus importante dont dispose ce pays ».
« La Cour ordonnera à l’UMCP d’autoriser la tenue de l’événement du 7 octobre. La loi penche fortement en faveur de cette décision », a-t-il indiqué.
Le Council on American-Islamic Relations controversé, dont l’un des responsables avait officiellement salué le pogrom du 7 octobre (CAIR) et Palestine Legal, qui ont tous les deux soutenu l’action en justice lancée par l’organisation SJP, se sont réjouis de la décision dans un communiqué. Les représentants des deux groupes accusent Israël de commettre un « génocide » à l’encontre des Palestiniens, ce qu’Israël nie avec véhémence.
« Nous sommes ravis de la décision qui a été prise par le tribunal. Si le Premier amendement ne protégeait pas les étudiants qui veulent pouvoir pleurer un génocide et éduquer au mieux le public au sujet de ce qui se passe actuellement à Gaza, alors il n’aurait aucun sens », a déclaré Gadeir Abbas, le directeur-adjoint chargé des litiges au sein du CAIR, dans le communiqué.
« Critiquer le génocide israélien qui est actuellement en cours à Gaza est protégé par le Premier amendement, point final », a renchéri Tori Porell, qui est avocate au sein de Palestine Legal.
Dans un communiqué, l’université du Maryland a expliqué qu’elle « reconnaît et respectera la décision du tribunal », précisant « qu’elle travaillera avec tous les étudiants organisateurs des événements réclamés pour le 7 octobre ». L’université a ajouté qu’elle restait préoccupée par le maintien de la sécurité du campus ce jour-là – une inquiétude qui, a-t-elle dit, a été sa principale motivation pour refuser d’autoriser SJP à maintenir le rassemblement prévu.
Le SJP avait initialement demandé une autorisation pour organiser ce que le groupe avait appelé une « veillée » à l’occasion de cette date-anniversaire – « veillée » qui, avait-il fait savoir, se tiendrait en partenariat avec le groupe antisioniste Jewish Voice for Peace. Craignant que l’organisation Students for Justice in Palestine n’utilise cet anniversaire pour faire l’éloge du Hamas, des parents juifs pro-israéliens et des groupes d’étudiants, dont Hillel, avaient adressé une requête à l’établissement d’enseignement supérieur, le mois dernier, lui demandant de ne pas accorder son autorisation à l’événement. Le président de l’université avait alors annoncé que « seuls les événements parrainés par l’université et qui favorisent la réflexion » obtiendraient une autorisation sur le campus, le 7 octobre.
Le SJP avait poursuivi l’université avec le soutien juridique de Palestine Legal, du CAIR et de l’Union américaine pour les Libertés civiles. Lors des plaidoiries de lundi, les avocats des étudiants ont affirmé qu’en tant que groupe reconnu par l’université, ils avaient le droit d’utiliser l’espace de cette dernière et ils ont fait remarquer qu’organiser le rassemblement à une autre date n’aurait pas le même impact.
Les avocats de l’université ont, de leur côté, souligné les problèmes en matière de sécurité que poserait l’événement – citant des menaces précises qui avaient été reçues lorsque la manifestation avait été autorisée et ajoutant que l’établissement avait des raisons d’empêcher le rassemblement.
Le juge, pour sa part, s’est rangé aux arguments qui ont été avancés par SJP, notant dans sa conclusion que les risques de violences « ne justifient juridiquement en aucun cas cette rétractation ». Envisager d’autres lieux, y compris à d’autres dates, pour le rassemblement programmé par le groupe SJP serait aussi inacceptable, a écrit Messitte, car « aucun canal de communication ne serait aussi spectaculaire » pour l’organisation pro-palestinienne qu’une manifestation en date du 7 octobre et au sein de l’université.
Messitte a aussi examiné les arguments présentés par certains parents juifs qui s’étaient opposés à l’événement et qui avaient tenté de définir les limites à ne pas dépasser concernant la critique d’Israël – ils avaient notamment évoqué les accusations de génocide à Gaza. Même si de tels propos sont offensants, a estimé le magistrat, l’université doit pouvoir protéger le droit des étudiants à les exprimer.
« Le SJP a choisi une date particulièrement controversée pour organiser un événement destiné à rendre hommage aux victimes de la guerre de Gaza, à dénoncer le ‘génocide’, selon le groupe, qui serait actuellement en cours dans la bande et à promouvoir de multiples aspects de la vie et de la culture palestiniennes », a-t-il écrit. « Mais – qu’on le veuille ou non – ces mêmes termes apparaissent dans les médias presque tous les jours. Ces activistes expriment des idées, aussi viles puissent-elles paraître aux yeux de certains. Il n’y a aucune raison pour que ces idées soient privées de la protection de la liberté d’expression lorsqu’elles sont exprimées dans le cadre d’une université publique ».
Ce jugement est rendu alors que le premier anniversaire du 7 octobre semble constituer une nouvelle ligne de fracture – au cours d’une année qui en a compté un grand nombre. Les groupes juifs et pro-israéliens espèrent profiter de cette journée pour pleurer les Israéliens qui avaient été massacrés par le Hamas lors de ce Shabbat noir.
De leur côté, les groupes pro-palestiniens – et notamment Jewish Voice for Peace – considèrent dorénavant cette date comme le début de la guerre lancée par Israël contre le Hamas à Gaza et ils se désintéressent largement du pogrom en lui-même – lui apportant leur soutien pour certains. Les branches des groupes SJP et JVP, dans le Maryland, affirment qu’Israël a tué plus de 180 000 Palestiniens – un chiffre encore bien supérieur aux estimations faites par le Hamas lui-même qui, de son côté, ne fait pas de distinction entre civils et terroristes.
Des mouvements de protestation devraient côtoyer les veillées et les manifestations pro-israéliennes dans certains endroits, lundi – alors que les campus se préparent à des reprises potentielles du conflit entre les deux parties. L’université du Maryland n’est pas la seule où des groupes pro-palestiniens prévoient d’organiser des événements ce jour-là : La branche du groupe SJP, au Vassar College, a aussi programmé une « veillée » pour le 7 octobre.