Un lauréat du prix Nobel et du prix d’Israël met en garde contre la fuite des cerveaux
Le professeur Aaron Ciechanover du Technion a lancé son avertissement lors de la "Conférence d'urgence nationale", à laquelle ont assisté des hommes d'affaires et des universitaires de premier plan
Israël court un grave danger en raison du départ de ses esprits les plus brillants qui veulent vivre « dans une démocratie libre et libérale », pas dans un pays « où le gouvernement prend le pouvoir par la force » et où un trop grand nombre de personnes « gardent le silence et ne réagissent pas », a dit le professeur Aaron Ciechanover.
Ciechanover, 76 ans, biologiste associé au Technion-Institut israélien de la Technologie, est l’un des plus grands scientifiques israéliens. Il avait remporté le prix Nobel de biologie en 2004 et il a été lauréat du Prix d’Israël en 2003.
« Il y a une vague énorme de départs du pays », a déclaré Ciechanover dans un discours qui a été prononcé dimanche lors de la « Conférence d’urgence nationale » qui était organisée au Kibboutz Nir Oz.
« La majorité des médecins les plus qualifiés quittent les hôpitaux ; les universités ont des difficultés à recruter des professeurs dans des disciplines de premier plan. Cette communauté est ‘très étroite’, » a-t-il noté.
Citant des rapports économiques, Ciechanover a ajouté que « dès que
30 000 de ces personnes auront quitté le pays, nous n’aurons plus d’État ici ».
« Ce sont des gens qui quittent le pays parce qu’il n’est pas bon pour eux… à cause de ce qu’il était devenu avant la guerre », a-t-il ajouté, faisant référence aux énormes manifestations de 2023 qui visaient à dénoncer le plan de refonte radicale du système judiciaire très controversé qui était alors avancé par le gouvernement. Ciechanover, comme un grand nombre d’autres personnalités présentes lors de la conférence de dimanche, avait pris part avec ferveur à ce mouvement de protestation.
Les Israéliens qui partent « veulent vivre dans un pays démocratique libre, libéral, ils ne veulent pas vivre dans un pays où le gouvernement prend le pouvoir par la force… Ce sont des individus qui ont décidé qu’ils ne pouvaient dorénavant plus vivre dans ce pays », a noté Ciechanover.
Selon des données récentes qui ont été communiquées par le Bureau central des statistiques (CBS), le nombre d’Israéliens qui se sont définitivement exilés du pays a connu un pic après le pogrom du 7 octobre et le début de la guerre qui a suivi. Les chiffres ont ensuite baissé dans les mois suivants.
Diffusés au mois de juin, les chiffres ont révélé une forte augmentation de l’émigration au mois d’octobre 2023 – lorsque les terroristes palestiniens avaient envahi le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Cette invasion meurtrière avait déclenché la campagne militaire à Gaza qui est encore en cours.
Environ 12 300 Israéliens avaient quitté le pays, ce mois-là, et ils n’avaient pas encore fait leur retour sur le territoire en juin. Un chiffre à comparer aux 3 200 départs définitifs qui avaient été enregistrés au mois d’octobre de l’année précédente – et qui représente une hausse de 205 %.
Environ 30 000 Israéliens sont partis vivre à l’étranger entre le mois de novembre 2023 et le mois de mars 2024 – une diminution de 14 % par rapport à la même période au cours des années antérieures. Les données indiquent toutefois que 21 % d’Israéliens de moins sont revenus de l’étranger au cours de la même période.
Dans ses propos tenus dimanche, Ciechanover a également évoqué le retour des otages détenus à Gaza – un sujet central aux yeux des organisateurs de la conférence – en affirmant qu’il était le « seul objectif » que le gouvernement était tenu de poursuivre. Un échec à obtenir leur rapatriement marquerait une rupture du « contrat le plus fondamental conclu entre la société, le gouvernement et l’armée israélienne », a-t-il estimé.
Si le gouvernement ne réussit pas à garantir le retour des otages, a-t-il ajouté, les mères sauront alors qu’elles doivent confier la vie de leurs enfants à des gens « qui les abandonnent à leur triste sort ».
Ciechanover a déclaré qu’un trop grand nombre d’Israéliens « gardent le silence et ne réagissent pas » face aux multiples difficultés qu’Israël doit affronter. Il a notamment appelé le président Isaac Herzog, largement considéré comme une figure médiatrice entre les différents camps politiques israéliens, « à faire quelque chose ».
La Conférence, qui s’est tenue au kibboutz Nir Oz, une communauté évacuée qui avait payé un lourd tribut lors du pogrom du 7 octobre, a rassemblé une centaine de dirigeants d’entreprises et d’universités. Parmi eux, Nir Zohar, directeur-général de Wix, Harel Wiesel, président-directeur-général de Fox et Eyal Waldman, fondateur de Mellanox et récent lauréat du prix d’Israël. Waldman a perdu sa fille, Danielle Waldman, 24 ans, le 7 octobre. Son petit ami Noam, avec qui elle était depuis six ans, avait aussi perdu la vie lors du festival Supernova.