Un livre d’égyptologie vieux de plus de 400 ans restauré et expertisé à Ajaccio
Une exposition sur l'ouvrage, qui aura lieu en 2020 en Corse en partenariat avec le musée Fesch, est déjà en préparation
« Chaque fois que je tourne une page, je fais des découvertes »: concentré, Francesco Tiradritti scrute le Thesaurus Hyeroglyphicorum, un traité d’égyptologie datant de 1610, soit 200 ans avant le décryptage des hiéroglyphes par Champollion, découvert il y a deux ans à Ajaccio.
« C’est un livre exceptionnel parce que c’est le premier livre d’égyptologie, il y a tellement de choses à comprendre », explique à l’AFP l’égyptologue italien, en notant minutieusement dans un petit carnet noir des hiéroglyphes remarquables qui, en se répétant, forment un code.
« Il y a quatre ou cinq pages qui vont changer l’histoire de notre civilisation comme nous la concevons. On sait que la Renaissance italienne s’appuyait sur la Rome antique et la Grèce ancienne mais on n’a pas pris en compte l’apport que l’Égypte ancienne a eu pour notre culture », s’enthousiasme ce directeur de la mission d’archéologie italienne à Louxor.
Installé dans la réserve de la bibliothèque patrimoniale d’Ajaccio, il a pu étudier pendant une semaine ce livre rarissime découvert par hasard il y a deux ans « entre le bottin corse et un roman de gare » par Vannina Schirinski-Schikhmatoff, chargée de mission restauration et conservation à la bibliothèque.
« Officiellement, il n’y en avait que sept » exemplaires identifiés dans le monde, explique Mme Schirinski-Schikhmatoff. « En faisant le tour des bibliothèques mondiales, on a pu en déduire que j’avais trouvé le huitième ».
Chaque exemplaire contient « un nombre de pages différent, 24, 25 ou 29 pages. Le nôtre en contient 29 mais nous avons découvert que, étrangement, ceux de 24 pages avaient des planches que ne contient pas celui à 29 planches », détaille Mme Schirinski-Schikhmatoff, qui rêve de tous les réunir.
Enquête à la Sherlock Holmes
Pour le moment, elle a trouvé la trace d’un exemplaire à la Bibliothèque nationale de France (BNF), d’un autre au Musée de l’Homme qui a été transféré à la bibliothèque centrale du Muséum d’histoire naturelle de Paris et d’un troisième en Poméranie (Allemagne) : « C’est un peu comme une enquête à la Sherlock Holmes, on remonte le fil de la vie de cet ouvrage ».
Au fil des planches, on découvre la représentation d’obélisques, d’objets égyptisants et de statues conservées notamment au British Museum, au musée du Louvre ou à celui de Turin.
Ce Thesaurus, commandé par Hans Georg Herwart von Hohenburg, chancelier du Duc de Bavière (1553/1622), et qui a fait partie de la prestigieuse collection de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, « a un intérêt primordial du point de vue de l’histoire de l’égyptologie », il « nous donne le point de départ de l’étude scientifique de l’Égypte ancienne », assure M. Tiradritti.
A ses côtés, Simone Martini, restaurateur italien d’art travaille à lui rendre sa jeunesse.
Pour enlever « la poussière et les excréments d’insectes », ce spécialiste l’a « lavé dans un mélange d’eau et d’alcool éthylique » pour réduire l’acidité -destructrice – du papier. Puis, sur une table lumineuse, il applique à l’aide d’un fer à repasser miniature du papier japonais à pH neutre pour combler un trou. Une opération renouvelée encore et encore. « L’état du livre était assez bon ».
« Le fait qu’il ait été oublié l’a finalement préservé », note-t-il.
Si les recherches de M. Tiradritti ne font que commencer, une exposition est déjà en préparation. Elle aura lieu en 2020 à Ajaccio en partenariat avec le musée Fesch.
« Grâce à Francesco Tiradritti nous pourrons sans doute avoir des collaborations avec le British Museum et le musée du Louvre. Quant à moi, j’essaie d’obtenir une chose rare aussi, ‘la Menza Isiaca’, une plaque de bronze du premier siècle après Jésus Christ qui a servi de modèle à l’une des planches de ce livre et qui est exposée actuellement au musée d’égyptologie de Turin », confie Mme Schirinski-Schikhmatoff.