Un mémorial pour une communauté juive vieille de 400 ans près d’Auschwitz
Peu de visiteurs du camp d'Auschwitz passent par la ville d'Oswiecim, mais cela pourrait bien changer alors que les sites du passé juif de la ville sont restaurés et numérisés
OSWIECIM, Pologne – Quatre-vingts ans après que la Grande Synagogue d’Oswiecim a été incendiée par les occupants allemands de la Pologne, un parc mémorial sera construit où la shul légendaire accueillait autrefois jusqu’à 2 000 fidèles.
Située à quelques kilomètres de l’ancien camp nazi d’Auschwitz-Birkenau, la Grande Synagogue d’Oswiecim était le centre d’une communauté juive florissante vieille de 400 ans. Certains des meilleurs penseurs juifs de Pologne sont venus d’Oswiecim – appelé Auschwitz en Allemand – et des familles juives y ont installé certaines des premières usines de Pologne.
Le nouveau parc mémorial doit ouvrir le 28 novembre, exactement 80 ans après que la Grande Synagogue a été détruite par les nazis. Des descendants de Juifs qui appelaient autrefois Oswiecim leur foyer, mais aussi des résidents actuels de la ville, participeront à la cérémonie d’ouverture.
Projet du Centre juif d’Auschwitz, le parc commémoratif est l’un des nombreux sites gérés par l’organisation. Parmi eux, celle qu’on appelle la synagogue d’Auschwitz, construite en 1913, est la seule maison de culte juive qui soit restée intacte après l’assaut des nazis. La modeste salle de prière a été restaurée et rattachée à un bâtiment adjacent avec un petit musée juif. Ensemble, ils forment le siège du Centre juif d’Auschwitz.
« Le parc commémoratif est un autre projet de commémoration et éducatif sur la communauté juive décimée qui, jusqu’à la guerre, constituait près de 60 % de la ville voisine d’Auschwitz », explique Tomasz Kuncewicz, directeur du centre juif d’Auschwitz, dans un échange avec The Times of Israël.
« C’est un projet qui relie les résidents non-juifs actuels de la ville et les descendants des Juifs d’Oswiecim vivant en Israël et dans d’autres pays à travers le monde », a déclaré Kuncewicz, qui a été le premier à utiliser des applications pour faire découvrir aux visiteurs de la ville d’Oswiecim l’histoire des Juifs de la ville.
Pour financer le projet, le Centre juif d’Auschwitz a organisé des campagnes de financement participatif en polonais et en anglais, a déclaré Kuncewicz. Chacune des campagnes a permis de réunir environ 100 donateurs, y compris des résidents actuels d’Oswiecim.
Parmi les légendes associées à la Grande Synagogue, il y a la « danse de la mort » de Simha Torah, qui a fait ressurgir les âmes des juifs d’Oswiecim pour une nuit de mystère. L’une des histoires les plus étonnantes sur le lieu de culte, cependant, a eu lieu plus récemment.
« Un espace d’accueil et de réflexion »
Les Juifs d’Oswiecim disposèrent d’un certain temps de préavis avant que les occupants nazis ne mettent le feu à la Grande Synagogue en novembre 1939, et ils en firent bon usage.
Sous un plancher près d’un escalier menant à la galerie des femmes, un trésor d’objets sacrés a été enterré en toute hâte. Les rouleaux de la Torah, les chandeliers et les livres de prières ont été placés dans le sol sans emballage ni boîte.
Plus de six décennies après l’enterrement clandestin, Yariv Nornberg, ancien résident d’Oswiecim, a parlé aux archéologues de la cache secrète. Il avait entendu parler de l’enterrement par un autre natif d’Oswiecim, complétant ainsi un cercle qui a aidé les chercheurs à trouver les objets.
Vers la fin des fouilles en 2004, les archéologues ont retrouvé la lumière perpétuelle de la shul, 10 lustres, une menorah en bronze et les restes de livres sacrés. À d’autres endroits du plateau herbeux, les objets extraits de la terre comprenaient des restes de bancs calcinés et des éléments décoratifs en marbre.
Selon les archéologues, un aspect remarquable des artefacts de la Grande Synagogue mis au jour est lié à l’utilisation du site pendant la Seconde Guerre mondiale. Après avoir déblayé les décombres de la synagogue, le sol a été « labouré » par la construction d’abris. Malgré toute cette activité humaine, les trésors qui se trouvaient à quelques centimètres sous terre n’ont pas été touchés, du moins certains d’entre eux.
Au cours des cinq prochains mois, le terrain sur lequel se trouvait la Grande Synagogue subira sa dernière transformation. L’ancien périmètre de la shul sera délimité par un trottoir et de la verdure, et une petite partie du plancher original déblayé sera exposée aux visiteurs.
« L’accent sera mis sur la biodiversité et sur sa transformation en un espace d’accueil et de réflexion », a déclaré Kuncewicz du Centre juif d’Auschwitz, qui a préconisé une approche « minimaliste » de la construction sur le site.
Vu d’en haut, l’élément principal du parc sera de grandes dalles de pierre recyclée disposées comme un chemin pour symboliser la destruction, a déclaré Kuncewicz. Pour encourager l’utilisation de l’espace, des bancs seront placés avec une maquette du candélabre trouvé en 2004. La réplique sera suspendue entre les arbres près du centre de l’ancienne synagogue.
« Une étoile de David brisée »
Après la Shoah, plusieurs dizaines de Juifs sont retournés à Oswiecim, vestige d’une communauté qui comptait au moins 6 000 personnes avant la guerre. Comme dans d’autres parties de la Pologne, nombre de ces survivants ont été à nouveau déplacés lorsqu’ils ont fui le pays à partir de 1946, après le pogrom de Kielce, ou dans les années qui ont suivi, pendant les vagues d’antisémitisme sanctionnées par l’État.
Le parc commémoratif de la Grande Synagogue d’Oswiecim reconnaîtra ce passé complexe par son installation symbolique. Les visiteurs pourront admirer des photographies historiques de la synagogue dans une grande structure triangulaire, le triangle symbolisant à la fois une étoile de David brisée et – selon Kuncewicz – la direction dans laquelle les survivants de la Shoah ont émigré depuis la Pologne après 1946.
Le motif du triangle est présent dans tous les bâtiments gérés par le Centre juif d’Auschwitz, y compris dans une partie de la place adjacente à la petite synagogue d’Auschwitz et au musée juif. Sur cette place, 5 000 résidents juifs de la ville ont été rassemblés avant d’être déportés dans plusieurs ghettos, et de là dans des camps de la mort.
A deux pas de l’emplacement de la Grande Synagogue se trouve l’ancienne maison Haberfeld, qui abritait autrefois la famille juive la plus célèbre de la ville. Pendant des générations, la famille a distillé de la vodka et produit d’autres boissons destinées à être utilisées en Pologne et exportées dans le monde entier. Leur manoir et la distillerie adjacente ont été démolis en 2003, et un hôtel Hampton Inn par la chaîne Hilton a récemment ouvert ses portes sur le site.
Le seul cimetière juif encore existant à Oswiecim se trouve à 15 minutes à pied du centre historique de la ville. Le terrain s’est considérablement rétréci depuis 1939, alors que le cimetière couvrait ce qui est maintenant des routes et des parkings adjacents. L’emplacement de plusieurs dizaines de pierres tombales au cours des dernières années ne peut être que symbolique, puisque les pierres tombales originales ont été détruites par les nazis ou utilisées pour les travaux de construction d’après-guerre.
Couvert de lierre et de mousse, le cimetière arboré possède deux tombes funéraires relativement récentes. L’une est pour Shimshon Kleuger, connu comme « le dernier juif vivant dans la ville d’Auschwitz » jusqu’à sa mort en 2000.
Pendant des décennies après la Shoah, Kleuger vécut en ermite dans sa maison familiale adjacente à la synagogue d’Auschwitz. Les habitants de la ville ont placé de la nourriture, de l’eau et du café dans un seau pour lui, et les journalistes n’ont pas osé frapper à la porte du fougueux Kleuger.
En 2014, le Centre juif d’Auschwitz a transformé l’ancienne maison de Kleuger en un café sur le thème d’Oswiecim, appelé Café Bergson. Une profonde encoche de mezuzah est visible à côté de la porte bordeaux, là où les gens ont anonymement déposé les aliments de première nécessité pour Kleuger.
A l’intérieur du bâtiment restauré, une collection de livres, de cartes postales et de souvenirs rappelle le passé d’Oswiecim, que les Juifs polonais considéraient comme « un endroit où il fait bon vivre ». Le café accueille également des conférences sur l’histoire d’Oshpitzin – le nom yiddish d’Oswiecim, qui signifie « invités ». Après quatre siècles de prospérité relative à Oshpitzin, les Juifs se sont avérés être des invités provisoires.
Actuellement, le Centre juif d’Auschwitz reçoit quelques centaines de visiteurs par mois, alors que plus de 2,1 millions de personnes ont visité Auschwitz-Birkenau l’année dernière. Avec des développements comme l’application « Oshpitzin », le café Bergson du musée et le futur parc commémoratif de la Grande Synagogue, Oswiecim, la « ville d’Israël » effacée, se transforme à nouveau en lieu accueillant pour ses visiteurs Juifs.