Un ministre palestinien s’oppose aux grèves de la faim des prisonniers
Issa Qaraqe affirme que les privations sont dangereuses pour la santé des prisonniers, mais les représentants du Fatah affirment qu’il n’y a pas d’alternative
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Les grèves de la faim individuelles des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes représentent un trop grand risque pour leur santé, et devraient être remplacées par des méthodes alternatives de protestation collective : c’est ce qu’a déclaré samedi le ministre palestinien des Affaires des prisonniers.
Le ministre Issa Qaraqe a déclaré que, malgré leur caractère de « défiance héroïque » contre Israël, les grèves de la faim sont « très coûteuses et dangereuses » pour la santé des prisonniers, et devraient faire place à « des actions conjointes à l’intérieur de la prison ».
Qaraqe s’exprimait depuis le village cisjordanien de Einabus, au sud de Naplouse, lors d’une visite à la famille de Mohammed Allaan, un détenu palestinien sans charges qui a cessé sa grève de la faim de 65 jours la semaine dernière. Sa détention a été suspendue pour le moment par la Haute Cour de justice israélienne, qui a constaté qu’il avait subi des dommages au cerveau.
« Notre objectif était de sauver la vie du prisonnier Allaan et de mettre fin au crime qu’Israël voulait commettre, estimant que la mort d’un prisonnier à la suite d’une grève [de la faim] mettrait fin à des grèves et des manifestations dans les prisons, » a affirmé Qaraqe, cité par le site officiel du Fatah et expliquant l’appel de l’Autorité palestinienne formulé à la Haute Cour au nom d’Allaan par un groupe d’organisations de la société civile.
Selon le député de la Liste arabe unie, Youssef Jabareen, quelques 10 détenus administratifs palestiniens sont actuellement en grève de la faim, sur un total de quelque 400 prisonniers détenus par Israël pour des raisons de sécurité et sans charges.
Les déclarations de Qaraqe n’ont cependant pas fait l’unanimité dans le camp du leadership palestinien.
Fares Qadoura, un ancien ministre palestinien du Fatah, qui dirige actuellement l’organisation non-gouvernementale Palestinian Prisoners Club, a déclaré dimanche qu’il était irréaliste pour le gouvernement palestinien d’édicter aux prisonniers leur mode de protestation.
« Ce n’est que du blabla médiatique, » a déclaré Fares au Times of Israel. « Si demain un prisonnier décide de commencer une grève de la faim, allons-nous lui dire d’ « aller en enfer ? » s’est interrogé Fares, visiblement en colère, dans un entretien téléphonique.

Il a affirmé que le gouvernement palestinien n’avait pas de véritable stratégie pour remplacer les grèves de la faim individuelles.
« En principe, il est préférable d’aller en grève ensemble, en tant que collectif, » a déclaré Fares. « Mais vous ne pouvez pas formaliser cela comme une décision du gouvernement ».
Plutôt que de débattre des formes de protestation, et du risque possible pour la santé des prisonniers, le gouvernement palestinien devrait concentrer ses efforts sur la lutte contre la loi israélienne qui autorise la détention administrative en premier lieu, a poursuivi Fares.
« Il est inutile de parler d’une nouvelle stratégie. Je ne pense pas que les gens seront assez disciplinés pour y adhérer », a-t-il conclu.