Un musée de la Shoah aux Pays-Bas bâti à l’endroit même où 500 enfants juifs ont « disparu »
Au cœur de l'ancien quartier juif d'Amsterdam, un ancien établissement de formation d'enseignements rendra hommage aux 102 000 juifs hollandais qui ont péri pendant la Shoah
AMSTERDAM – Un ancien établissement de formation d’enseignants, où plus de 500 enfants juifs ont été sauvés pendant la Shoah va devenir le premier musée hollandais entièrement dédié à la Shoah.
Sans site internet ni publicité, le National Holocaust Museum est déjà ouvert depuis le mois de mai dernier. Il occupe un immeuble en brique de trois étages, dans l’ancien quartier juif d’Amsterdam, près d’autres lieux liés à la Shoah.
Pour l’instant, seulement quelques endroits du rez-de-chaussée sont ouverts au public, notamment un petit auditorium et une salle de lecture. Le musée devrait être terminé d’ici 2020, et aura coûté 24 millions de dollars.
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« Nous voulons forger des liens entre des personnes au vécu différents, en présentant notre histoire collective comme un pilier de la démocratie d’aujourd’hui et de notre sens de la justice », peut-on lire sur le communiqué placardé à l’entrée du musée.
Plus de 102 000 juifs hollandais ont été assassinés par les nazis, 30 000 juifs vivent actuellement aux Pays-Bas. La facilité avec laquelle les juifs hollandais ont été isolés et déportés pendant la guerre continue de hanter les témoins, et les Pays-Bas ont perdu plus de juifs que tous les autres pays, à l’exception de la Pologne.
« Dans les années à venir, une exposition permanente sera mise au point. Elle racontera l’histoire des persécutions et du génocide par les nazis, et les évènements qui nous y ont conduit, ainsi que la complexité des conséquences », a indiqué le musée.
Cette « complexité des conséquences » pourrait aborder le traitement des juifs à leur retour des camps de la mort. Le gouvernement et les autorités ecclésiastiques n’étaient pas disposés à rendre aux familles les enfants juifs cachés.
Peu après la guerre, le premier édifice que les survivants ont voulu construire, c’était une expression littérale de « gratitude » à l’égard de la société hollandaise, et non pas un monument à la mémoire des proches disparus.
Pour le moment, le musée de l’Holocauste n’aborde pas à la politique, mais se concentre davantage sur des histoires personnelles. Dans une pièce, des photos d’enfants sont associées à des jouets de l’époque, notamment un violon, un journal intime et des jeux de société. Les sols et les estrades sont conçues avec du bois brut, pour évoquer les vies qui se sont arrêtées trop tôt.
Peu d’artefacts sont aussi parlants que ce bâtiment à l’aspect ordinaire, où des résistants hollandais et juifs ont mis en scène un sauvetage au nez et à la barbe de leurs oppresseurs.
Quand 500 enfants « ont disparu »
C’est l’emplacement de cet établissement de formation qui a rendu possible cette opération. Il accueille aujourd’hui le National Holocaust Museum et se situe en face du Hollandsche Schouwburg, un théâtre yiddish populaire. Après deux ans d’occupation nazie à Amsterdam, les nazis ont transformé le théâtre en un centre de triage pour envoyer les juifs en déportation.
Au début du mois de juillet 1942, des milliers de juifs hollandais ont été incarcérés dans le théâtre désaffecté, avant d’être transférés dans le camp de transit de Westerbork. Les nazis ne toléraient pas les cris et les pleurs des enfants. Ils ont donc pris la décision de transférer les enfants vers une crèche sur le trottoir d’en face, qui – par chance – partageaient leur cour avec l’établissement de formation.
L’opération clandestine a été coordonnée par Walter Süskind, un juif allemand nommé au Conseil juif. Süskind a listé le nom de tous les juifs qui ont été placés dans le théâtre ainsi que les noms des enfants qui ont été emmenés dans le bâtiment d’en face.
Après avoir confirmé que les parents de l’enfant étaient d’accord d’envoyer son enfant se cacher, Süskind a effacé le nom de l’enfant des registres des nazis. Puis, l’équipe de crèche a pris ces enfants « disparus » via la cour et les a emmenés dans l’établissement de formation. Une fois dans l’école, l’héroïque directeur Johan van Hulst ainsi que des étudiants ont fait entrer clandestinement les enfants chez des familles hollandaises.
Selon les survivants, le « héros oublié, Süskind avait réussi à se faire ami avec l’officier SS en charge des déportations. Il l’a gâté en schnapps et en cigares. Aussi connu sous le nom du « Schindler hollandais », Süskind a été déporté avec sa famille et est mort durant une marche de la mort en Pologne. Cependant, l’opération de sauvetage qu’il a menée, grâce à laquelle 500 autres adultes ont pu être cachés, n’a jamais été découverte par les nazis.
En plus de la cour partagées, certains juifs ayant réussi à s’échapper ont utilisé le tramway qui desservait un arrêt entre le théâtre et l’établissement de formation. Les sentinelles allemandes n’avaient que très peu de champ de vision, puisque les wagons étaient à l’arrêt. Ils ne pouvaient donc pas voir qui entrait dans l’école. Certains ont donc pu sortir et longer la ligne de tramway.
L’ancien quartier juif va prochainement abriter un Mémorial des Noms, très attendu. Conçu par Daniel Libeskind, l’édifice listera les noms de 102 000 juifs hollandais assassinés durant la Shoah, ainsi que les 220 victimes de Roma et Sinti. Les noms, dates de naissance et de mort seront gravés au laser dans la brique. Vu d’en haut, le monument formera le mot hébreu lizkor, se souvenir.
Le National Holocaust Museum et le Mémorial des Noms sont situés dans le quartier culturel juif inauguré en 2013. Les touristes peuvent acheter un ticket pour visiter les lieux tels que le musée juif, la synagogue portugaise, et Hollandsche Schouwburg, désormais un mémorial, qui dévoile une exposition petite mais impressionnante sur le sort des juifs d’Amsterdam.
La visite des synagogues du quartier juif met en lumière l’apogée de la vie juive à Amsterdam, mais la version béta du musée de l’Holocauste et le Hollandsche Schouwburgvoisin rappellent la quasi-extermination du judaïsme hollandais, sujet qui fait toujours débat aux Pays-Bas.
« Les deux endroits représentent l’histoire de l’Holocauste : [l’ancien théâtre] est un lieu de déportation, de collaboration et de souvenir, et l’école est un endroit où l’on se rappelle du courage humain et de l’altruisme », selon le musée qui espère être « un flambeau pour l’avenir ».
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