Un nouveau film explore l’histoire problématique du surf
Josh Green, passionné de ce sport depuis l'adolescence, a été consterné de découvrir que son passé était entaché par ses nombreux visuels nazis
Quand il avait 13 ans, Josh Greene s’était installé avec sa famille à San Clemente, en Californie, une ville connue pour être l’un des meilleurs spots de surf de la côte Ouest des États-Unis. Greene s’était rapidement passionné pour ce sport – allant jusqu’à organiser sa fête de bar-mitzvah dans un musée local qui lui était consacré.
Adolescent « frêle, absolument pas sportif à la base », Greene raconte s’être fait beaucoup harceler – avec certains harcèlements « carrément antisémites », dit-il. Les élèves de son école comparaient son physique à celui d’un survivant de la Shoah.
Le surf avait été un refuge pour le jeune homme mal dans sa peau.
« Le surf a été le moyen, pour moi, de trouver ma place et de trouver aussi la confiance, le courage et la force physique qui m’étaient nécessaires », dit-il à JTA.
Mais des années après sa bar-mitzvah, Greene avait appris que ses parents s’étaient arrangés avec le Surfing Heritage and Culture Center, le musée local où il avait organisé sa fête, de manière à faire disparaître les planches décorées de croix gammées qui était exposées, de façon à ne pas gâcher la joie du jeune homme. Sa curiosité attisée, il avait alors voulu en apprendre davantage et il avait découvert que l’histoire de ce sport était remplie de visuels nazis, particulièrement dans les années 1960 où la vision d’une planche de surf ornée d’une croix gammée ou de surfeurs faisant le salut nazi était tristement banale. Les meilleurs surfeurs se qualifiaient d’ailleurs eux-mêmes de « nazis du surf » pour signaler leur passion de ce sport.
Réalisateur en herbe – il avait reçu sa première « vraie caméra » en cadeau pour sa bar-mitzvah – Greene a décidé de combiner ses deux passions et d’examiner cette facette obscure du surf.
Le résultat de son travail – un film terminé avant qu’il ne reçoive son diplôme de l’Université de Californie du sud au mois de mai 2022 – est un documentaire, « Waves Apart, » qui fait la chronique de l’histoire de l’antisémitisme dans le surf. Réalisé par Greene, le documentaire, qui a été produit par l’étudiant, a été finaliste, cet automne, pour recevoir un Student Academy Award, une distinction décernée par la prestigieuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences, la célèbre institution en charge des Oscars.
« Waves Apart » a fait sa première mondiale au Festival international du film de Santa Barbara jeudi. Il sera projeté dans des festivals du film juif et dans des festivals consacrés aux documentaires en Californie, à Denver, à Toronto et dans le Maryland.
Après avoir fait la chronique de sa propre histoire de surfeur passionné et après avoir raconté l’incident survenu en amont de la bar-mitzvah, Greene s’entretient avec Dan Duane, un écrivain spécialiste du surf, et Steven Ross, professeur d’histoire juive qui offre une image d’ensemble de l’histoire plus générale du surf et du nazisme et de leur triste chevauchement dans le sud de la Californie. Comme Duane l’avait écrit dans un article du New York Times en 2019, ce chevauchement a des origines profondes – les premières planches de surf commercialisées en Californie auraient été connues sous le nom de « modèle swastika », un modèle commercialisé dans les années 1930 par l’entreprise Pacific Systems Homes qui proposait également des maisons préfabriquées. L’icône du surf Miki Dora avait, dans les années 1960, décoré lui-même l’une de ses planches d’une croix gammée.
Duane évoque un argument souvent utilisé – celui que les premiers surfeurs qui voulaient être considérés comme appartenant à une sous-culture rebelle cherchaient, à travers l’image de symboles nazis, à irriter la société mainstream qui les entourait. Il note néanmoins que leur antisémitisme entrait dans le cadre de la culture manifeste de racisme qui régnait au sein de la communauté des surfers, largement blanche.
« J’ai entendu toutes les excuses prévisibles – comme celle que la croix gammée était un ancien symbole sanskrit », avait-il écrit dans le Times. « Mettre une croix gammée sur une planche pour irriter autrui implique qu’on sait pertinemment qu’un tel symbole va mettre en colère – et qu’on sait également très probablement pourquoi ».
Dans son film, Greene s’entretient aussi avec des surfeurs juifs – d’anciens camarades d’études au sein de l’USC et des légendes juives du sport comme Shaun Tomson et Israel « Izzy » Paskowitz. Paskowitz raconte avoir rencontré un surfeur dont la planche était ornée d’une croix gammée – que son père, le célèbre surfer Dorian « Doc » Paskowitz, avait détruite sous le coup de l’emportement.
« Juste avant de recevoir mon diplôme, il y a eu la première projection de notre film dans le cinéma de l’université », déclare Greene. « La salle était pleine – ce qui a été très gratifiant, c’était le signe que le message du film était le bon et qu’il y avait une connexion avec notre public. On a vu des gens pleurer, des gens qui souriaient à la fin – la fin du documentaire est remplie d’espoir et elle transmet un message pour l’avenir ».
Tomson lui-même se fait l’écho de ce message d’espoir. Ancien surfeur professionnel devenu conférencier et auteur de livres de développement personnel, il avait été à l’apogée de sa carrière lorsqu’il avait gagné le championnat de la Ligue mondiale de surf en 1977. Il avait remporté au total 19 championnats majeurs de surf et il est membre du Hall of Fame des sportifs juifs internationaux.
Tomson, qui est né à Durban, en Afrique du sud, a aussi vécu une expérience qui a combiné sa passion pour le surf et sa bar mitzvah. Son père l’avait emmené à cette occasion à Hawaii, « le mont Everest du surf », raconte-t-il.
« A mes yeux, ce voyage était totalement ce que doit représenter une bar mitzvah – l’entrée dans l’âge adulte », confie Tomson à JTA. « J’étais là, jeune adolescent, assis sur ma planche de presque huit pieds pour m’éloigner du rivage – c’est un moment qui a changé ma vie. Je suis revenu en Afrique du sud et ma carrière et mon rôle dans mon sport ont changé après ce cadeau de bar mitzvah« .
Tomson explique avoir été victime d’antisémitisme dans le passé et pas dans son sport – un soldat qu’il côtoyait, adolescent, dans l’armée sud-africaine l’avait traité de « gamin juif » – mais qu’il n’a jamais subi de haine antijuive dans le milieu du surf, dans lequel il avait fait son entrée dans les années 1970.
« Je sais que ce n’est pas une excuse mais je pense qu’il y a simplement énormément d’ignorance », dit Tomson. « Quand je parle d’ignorance, c’est que ces mots ne sont pas vraiment dirigés contre les Juifs ; ce sont des mots d’une stupidité absolue qui témoignent d’un manque de connaissance de ce qui s’est passé pendant la Shoah ».
Il n’y avait pas beaucoup de surfers juifs en Afrique du sud quand Tomson y a grandi – mais il dit avoir ressenti un lien direct entre ses identités de juif et de surfeur.
« Quand vous êtes là, sur l’océan, il y a assurément un lien spirituel et religieux qui s’instaure et qui s’aligne totalement sur les valeurs juives », explique-t-il.
Aucune expérience vécue n’illustre mieux ce lien que la mort tragique du fils de Tomson, Matthew, décédé en 2006 à l’âge de 15 ans en résultat d’un « jeu d’étouffement » dans une cour de lycée qui a mal tourné. Un récit douloureux que Tomson raconte dans le documentaire.
Tomson explique que son domaine d’expertise est le tube – une technique extrême et très impressionnante du surf qui consiste à surfer à l’intérieur d’une vague géante. Deux heures avant la mort de son fils, ce dernier avait appelé son père pour lui lire une rédaction qu’il avait écrite sur la manière dont, avec cette technique, « la lumière brille devant ». Quelques heures plus tard, Tomson avait appris la nouvelle dévastatrice.
« Alors que j’essayais de trouver un nouveau sens au monde et à ma vie, que je me demandais pourquoi Dieu m’avait imposé cette épreuve, je suis revenu dans ma vieille synagogue », déclare Tomson. « Cette vieille synagogue où j’avais fait ma bar-mitzvah. Et j’ai regardé cette lumière éternelle qui représente la foi et l’espoir du judaïsme. J’ai pensé aux mots écrits par mon fils : ‘la lumière brille devant’. Et j’ai réalisé que le judaïsme parle de l’espérance ».
Le film se termine sur cette espérance : Dans les dernières scènes, un groupe de surfeurs juifs se trouve sur une plage de Malibu, récitant la prière du Shema dans l’eau avant d’affronter les vagues à l’orée du jour. Dans la dernière scène, le groupe partage un repas de Shabbat sur le sable.
« Le surf peut être considéré comme un microcosme de toutes les problématiques qui se posent par ailleurs et je pense que nous rendrions un mauvais service à notre sport si nous ignorions ce qu’il peut avoir d’obscur », affirme Greene. « Je pense qu’en réalisant un film comme celui-là, nous pouvons dissiper l’ignorance, les divisions et promouvoir au contraire l’inclusivité, la communauté et l’égalité – pour tous les surfeurs et pour tous les autres ».
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