Un nouveau livre se penche sur le procès de Jack Ruby, le « vengeur » de JFK
Dans "Kennedy's Avenger", Dan Abrams et David Fisher examinent le procès d'un propriétaire juif de boîte de nuit, qui a tué Lee Harvey Oswald et fait parler les complotistes
Deux jours après l’assassinat du président des États-Unis John F. Kennedy à Dallas, au Texas, en novembre 1963, le tueur présumé, Lee Harvey Oswald, est lui-même abattu par le propriétaire d’une boîte de nuit, Jack Ruby.
Ruby – né Jacob Rubenstein dans une famille juive de Chicago – sera jugé pour meurtre en 1964. Le moment où il a tiré sur Oswald a été filmé en direct à la télévision et vu par des millions de téléspectateurs. Pourtant, le procès qui s’ensuivit fut loin d’être gagné d’avance, comme l’explique un nouveau livre,Kennedy’s Avenger, de Dan Abrams et David Fisher.
L’avocat des célébrités, Melvin Belli, a contribué à faire de l’affaire Ruby une affaire de longue haleine, avec une défense fondée sur des allégations de maladie mentale de Ruby, une tactique rare à l’époque.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Belli a combattu l’accusation avec force objections – y compris des accusations d’antisémitisme – dans un procès ponctué par le témoignage du rabbin de Ruby, et interrompu par une prise d’otages menée par des fugitifs d’une prison située un étage plus haut. Pendant ce temps, une enquête plus large était en cours avec la Commission Warren qui examinait l’assassinat, tandis que les théories conspirationnistes sur JFK circulaient dans le public.
Dans une interview téléphonique accordée au Times of Israel, Fisher a déclaré que la nièce de Ruby a contacté les auteurs après avoir lu le livre et a partagé des histoires inédites sur son oncle défunt. Elle leur a raconté qu’après l’assassinat de Kennedy, Ruby avait appelé sa mère à Chicago dans la journée.
« Il pleurait comme un fou », a dit Fisher. « Il a dit qu’il voulait rentrer à la maison parce qu’il était tellement bouleversé par cette histoire. Sa mère a dit ‘ne rentre pas à la maison, reste là’. Il l’a fait. Deux jours plus tard, il a tué Lee Harvey Oswald. »
Le livre fait partie d’une série co-écrite par les auteurs sur des affaires judiciaires individuelles illustrant des moments clés de l’histoire juridique américaine. Chaque affaire se déroule au cours d’un siècle différent et toutes impliquent des présidents américains dans une certaine mesure – notamment le futur président Abraham Lincoln travaillant comme avocat de la défense dans une affaire de meurtre en 1859.
M. Fisher a co-écrit de nombreux autres livres avec d’autres auteurs, notamment des titres distincts avec le regretté George Burns, l’ancien lanceur des Mets, Tug McGraw, et le candidat à la présidence des États-Unis de l’époque, Donald Trump. (Interrogé sur sa collaboration avec le 45e président des États-Unis, Fisher a ri et a mentionné certains de ses autres collaborateurs, des lauréats du prix Nobel aux stars du sport en passant par le célèbre député libéral Robert Wexler).
Il a noté quelques autres réalisations, notamment le fait qu’il soit devenu l’unique journaliste à avoir jamais obtenu un accès complet au laboratoire de criminologie du FBI, ou bien qu’il ait assisté à des lancements de fusées russes dans les montagnes de l’Oural.
« J’ai eu le privilège de passer du temps avec des personnes extraordinaires, des personnes vraiment extraordinaires », a-t-il déclaré.
L’un d’eux est son coauteur actuel, M. Abrams, avocat et responsable des affaires juridiques d’ABC. Leur partenariat a débuté après que M. Fisher a trouvé une transcription du procès pour meurtre de 1859 défendu par le futur président Lincoln – son 29e et dernier procès de ce type. Il a contacté Abrams et un livre est né. La série en est maintenant à quatre épisodes, six étant prévus au total.
L’affaire qui fait l’objet de leur livre actuel s’articule autour de la série d’événements qui ont eu lieu le dimanche 24 novembre 1963, et dont la résonance reste encore à ce jour palpable.
Ce matin-là, Ruby se rendit dans le centre-ville de Dallas avec sa chienne préférée, qu’il appelait sa femme. Laissant la chienne dans la voiture par cette chaude journée, il s’est rendu dans un bureau Western Union pour envoyer 25 dollars à une strip-teaseuse qu’il employait et qui devait payer son loyer. Ensuite, il a marché jusqu’au quartier général de la police de Dallas, où Oswald était transféré en prison.
Ruby portait souvent de grosses sommes d’argent sur lui en raison de son travail dans les boîtes de nuit, et il portait également une arme. Sa profession l’avait familiarisé avec la police de Dallas, dont certains membres visitaient ses boîtes de nuit, bien que Fisher dissipe les rumeurs selon lesquelles il avait également des liens avec la mafia.
Sans rencontrer de difficulté, Ruby est entré dans le sous-sol du quartier général de la police et s’est approché d’Oswald. Ruby a abattu Oswald d’une balle dans l’estomac, un événement retransmis en direct par NBC et regardé par des millions de téléspectateurs. Cette large couverture a fait de cet événement l’une des questions les plus épineuses à résoudre lors de la sélection du jury pour le procès.
« Voici que ce crime odieux a été commis à la télévision nationale », a déclaré Fisher. « Deux questions se sont posées. Tout était nouveau. Si quelqu’un avait vu le crime se commettre, pouvait-il être juré ? Deuxièmement, peut-on laisser les caméras de télévision entrer dans la salle d’audience ? Aucune de ces questions n’avait été débattue ou réglée. »
Le livre détaille le débat ultérieur sur ces problématiques et d’autres, y compris la question de savoir s’il fallait changer complètement le lieu du procès. Pourtant, le lieu est resté à Dallas alors qu’une épreuve de force juridique s’engageait entre Belli, l’avocat de Ruby, et le procureur, Henry Wade, qui allait redevenir célèbre dix ans plus tard en tant qu’opposant à l’avortement dans l’affaire Roe vs. Wade devant la Cour suprême.
« [Belli] était l’avocat le plus flamboyant d’Amérique à l’époque », dit Fisher. « Cette affaire allait faire sa réputation… Elle allait être son plus grand moment ». Quant à Wade, « il se vantait d’avoir traité 24 affaires de peine capitale et sur ces 24, 23 personnes avaient été exécutées. Il voulait faire exécuter Jack Ruby. »
Pour sauver son client, Belli se tourne vers une stratégie peu orthodoxe et prétend que Ruby souffre d’une maladie mentale rare, récemment découverte.
« Quand on lit les transcriptions, quand on lit les personnages qui témoignent, qui racontent leur histoire, on est absolument perplexe », a déclaré Fisher.
Pourtant, au moins deux témoins de la défense ont livré un témoignage poignant : Alice Nichols, l’ancienne petite amie de Ruby, et Hillel Silverman, le rabbin de Ruby.
« Nichols a décrit Jack comme quelqu’un d’un peu troublé mais avec un bon fond », a déclaré Fisher. « Son rabbin a raconté que Ruby s’était présenté chez lui au moment de l’assassinat, pleurant de manière hystérique. En somme, tous deux ont dit que le comportement de Ruby à différents moments était inapproprié au vu de la portée de l’événement », ce qui corroborait ce que Belli essayait de démontrer au jury pour soutenir l’argument de la maladie mentale.
« Il y avait d’autres personnes en plus de ces deux-là, mais ils étaient deux des témoins clés », a déclaré Fisher.
Un article sur le site Web de la congrégation Shearith Israel décrit Silverman comme ayant donné une conférence l’année dernière sur ses expériences à Dallas, y compris ses rencontres avec Ruby, ainsi qu’avec un autre membre de la congrégation – Abraham Zapruder, qui a filmé l’assassinat de Kennedy.
« Je pense que ce qui est important, c’est que le procès marque le début du phénomène de théories de conspiration sur Kennedy », a déclaré Fisher. « Cela ne fonctionne pas sans Jack Ruby, toute la revendication de conspiration ne tient pas. Il remplit beaucoup de vides pour beaucoup de gens qui veulent dire ou démontrer qu’il y avait une conspiration. »
Les auteurs approfondissent les théories conspirationnistes dans le livre, écrivant que « les amateurs de conspiration, dont les theories commençaient à gagner de l’ampleur, suggéraient que Ruby faisait partie d’un complot plus large et qu’il avait tué Oswald pour l’empêcher de nommer les personnes qui l’avaient embauché et payé – et peut-être même que c’était lui qui aurait tiré sur le président en cet après-midi à Dallas ».
« Plusieurs personnes ont affirmé avoir vu Oswald et Ruby ensemble avant l’assassinat de Kennedy », mais le procureur Wade a refusé d’appeler l’une d’entre elles à la barre, écrivent Abrams et Fisher. Ils citent Wade disant qu’il estimait « qu’il n’y avait aucune preuve que Ruby et Oswald se connaissaient », alors que trois personnes ayant soutenu le contraire avaient passé des tests au détecteur de mensonges et avaient échoué.
Fisher a déclaré n’avoir “jamais cru à la conspiration », citant des entretiens avec des enquêteurs du FBI chargés de l’affaire. « Je ne crois pas un seul instant à une conspiration ».
A l’issue du procès de Ruby en 1964, les jurés ne croient pas à la maladie mentale et rendent leur verdict : coupable.
« J’ai eu le sentiment que la défense avait en fait présenté un assez bon dossier », se souvient Fisher.
Ce n’est pas la fin de l’histoire et il y a eu plusieurs développements inhabituels. En prison, Ruby est interrogé à deux reprises par la Commission Warren et se soumet à un détecteur de mensonges. Sa condamnation est annulée, mais il doit subir un nouveau procès. Peu de temps avant qu’il ne passe à nouveau devant le tribunal, on lui diagnostique un cancer du poumon et il meurt deux semaines plus tard, en 1967, d’une embolie pulmonaire.
Fisher se rappelle avoir examiné les résultats du détecteur de mensonges.
« Vous entendez cette personne terriblement perturbée qui supplie quelqu’un de lui prêter attention, de croire ce qu’il affirmait à l’époque », se souvient Fisher. « C’est déchirant ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel