Israël en guerre - Jour 340

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Un nouveau rapport sur les avant-postes encourage l’annexion de la Cisjordanie

Les conclusions du comité Zandberg, qui, selon les critiques, considèrent les territoires comme faisant partie intégrante d'Israël, sont déjà mises en œuvre sur le terrain

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Constructions dans l'implantation ultra-orthodoxe de Beitar Illit, avec le village arabe de Wadi Fukin au premier plan, le 17 juin 2015. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)
Constructions dans l'implantation ultra-orthodoxe de Beitar Illit, avec le village arabe de Wadi Fukin au premier plan, le 17 juin 2015. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Alors qu’Israël a les yeux fixés sur tout ce qui concerne l’Iran et sur le transfert de l’ambassade des États-Unis, la publication, la semaine dernière, d’un document qui fournit à l’État des outils pour légaliser des milliers de maisons en Cisjordanie, est passée largement inaperçue.

Alors que les recommandations du rapport Zandberg de 201 pages ont été saluées par un certain nombre de députés de la coalition qui comptent les résidents israéliens des implantations parmi leurs plus fidèles électeurs, un seul député de l’opposition a publié un communiqué qui critique sévèrement les conclusions du rapport.

Peut-être y avait-il un sentiment de « fait accompli » parmi les parlementaires et les médias, qui ont présenté de façon agressive deux rapports similaires sur la construction d’implantations lors de leurs publications respectives en 2005 et 2012.

Le premier, le rapport Sasson, a fustigé la bienveillance de l’État en ce qui concerne les constructions illégales en Cisjordanie par les Israéliens, considérant ces constructions illégales comme un délit criminel et, par conséquent, appelant à la démolition de tous les avant-postes non autorisés.

Sept ans plus tard, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a commandé une nouvelle étude sur la question qui a abouti à des conclusions radicalement différentes. Le rapport Levy non seulement affirme que les implantations israéliennes sont « casher » au regard du droit international, mais il recommande que les dizaines d’avant-postes non autorisés en Cisjordanie soient légalisés plutôt que rasés.

Les rapports Sasson et Levy, diamétralement opposés, avaient un point commun : Ils sont tous les deux restés largement inappliqués.

La magistrate de la cour de district de Jérusalem Haya Zandberg. (Autorisation : ministère de la Justice)

Effectivement, un certain nombre d’avant-postes ont été démolis depuis le rapport Sasson et d’autres se sont vus accorder un statut juridique légal par l’État depuis le rapport Levy. Cependant, les décisions sous-jacentes des gouvernements qui les ont commandés étaient de les mettre entre parenthèses, soit parce que leurs conclusions étaient considérées comme trop extrêmes, soit parce qu’ils n’avaient pas la volonté politique de traiter leurs implications.

Les recommandations du rapport Zandberg publié vendredi dernier vont encore plus loin que celles du rapport Levy, car elles fournissent les outils juridiques nécessaires à la mise en œuvre des conclusions de l’ancien juge de la Cour suprême Edmund Levy et de son équipe en 2012.

Énonçant leurs principes directeurs de ce document, les auteurs énumèrent clairement parmi eux leur intention de « légaliser les communautés et les quartiers israéliens existants en Judée et en Samarie (Cisjordanie) ».

En conséquence, on peut peut-être s’attendre à ce que le document élaboré par le juge du tribunal de district de Jérusalem, Haya Zandberg, comme ses deux prédécesseurs, soit relégué au sommet d’une étagère recouverte de toiles d’araignée au bureau du Premier ministre.

Alors quoi ?

La ministre de la Justice, Ayelet Shaked, qui a joué un rôle important dans l’élaboration du rapport et qui a exercé des pressions énergiques en faveur de la nomination de Mme Zandberg l’an dernier, est convaincue que les dernières conclusions seront appliquées.

« En fait, certaines l’ont déjà été », a-t-elle indiqué lors d’une conversation téléphonique avec le Times of Israel.

Shaked a fourni deux exemples de précédents juridiques tirés du rapport Zandberg qui ont déjà été adoptés par le procureur général Avichai Mandelblit en réponse aux requêtes de la Haute Cour au cours des six derniers mois.

La première concernait le pavage d’une route d’accès à l’avant-poste central de Haresha en Cisjordanie sur des terres appartenant à des Palestiniens.

Se prononçant en faveur du pavage de la route d’accès, Mandeblit a cité un arrêt rendu en octobre 2017 par le juge de la Cour suprême Salim Joubran, qui a écrit que « les résidents israéliens de la région (Cisjordanie)… font également partie de la population civile de la région », et que l’organe décisionnel « est donc obligé d’agir pour leur bien-être… même en violant les droits de propriété » des propriétaires fonciers palestiniens originaux.

La ministre de la Justice Ayelet Shaked arrive à la réunion hebdomadaire du cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 29 avril 2018. (Amit Shabi/Flash90)

Le rapport Zandberg recommande que le précédent établi par Joubran et utilisé par Mandelblit soit mis en œuvre dans toute la Cisjordanie pour légaliser les avant-postes qui ont été construits sur des terres appartenant à l’État mais sans les permis nécessaires.

Shaked a poursuivi en soulignant que la recommandation du rapport Zandberg de légaliser des milliers de logements construits illégalement en utilisant la « régulation du marché » était également une politique qui avait déjà été adoptée par Mandelblit.

En décembre, Mandelblit a utilisé le précédent, selon lequel les maisons israéliennes illégales ont été construites de bonne foi par des résidents non avertis, pour autoriser la construction de 91 maisons sur un terrain dans l’implantation d’Ofra et dont le ministère de la Défense avait récemment découvert qu’elles appartenaient à des Palestiniens.

Une adoption généralisée de la « régulation du marché », comme le recommande le rapport Zandberg, verrait la légalisation de facto de milliers de maisons construites sur des terres supposées appartenir à l’État qui, par la suite, se verrait signifier le contraire par le ministère de la Défense.

Shaked a fait valoir que la volonté passée de Mandelblit d’adopter le précédent juridique est de bon augure pour le nouveau document qu’elle a contribué à réaliser.

Ksenia Svetlova, la seule membre de l’opposition à avoir fait paraître un communiqué contre le rapport le jour de sa publication, a fait part de perspectives similaires en ce qui concerne ses répercussions.

Vue sur des collines au sud d’Hébron en Cisjordanie (Crédit photo: Hadas Parush/Flash90)

« Parce que le gouvernement n’a pas été en mesure de mettre en œuvre le rapport Levy, il lui faut pouvoir montrer des résultats sur cette question », a déclaré la députée de l’Union sioniste.

« Cela encouragera les résidents des implantations à continuer à construire illégalement », a fait valoir Mme Svetlova.

Elle a qualifié le rapport de « carte blanche juridique », ce qui offre un autre moyen de faire progresser la loi dite « Loi de régularisation ».

Cette loi plus générale permet au gouvernement israélien d’exproprier des terres palestiniennes privées où des avant-postes illégaux ont été construits a posteriori, à condition que les avant-postes aient été construits de bonne foi ou qu’ils bénéficient du soutien du gouvernement.

Ksenia Svetlova, députée russophone de l’Union sioniste. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Mais avant même qu’elle ne soit adoptée par la Knesset en février 2017, Mandelblit a annoncé qu’il n’appuierait pas la proposition de loi, affirmant qu’elle ignorait les droits des résidents palestiniens de Cisjordanie. Elle a depuis lors été gelée par la Haute Cour dans l’attente d’une décision sur les requêtes déposées contre elle par des propriétaires fonciers palestiniens et des groupes israéliens de défense des droits.

Bien que Svetlova ait reconnu que le rapport Zandberg pourrait être moins radical que la loi sur l’expropriation des terres, « l’idée reste la même ».

Michael Sfard, le conseiller juridique du groupe de défense des droits Yesh Din, a déclaré que la mise en œuvre du rapport marquerait la fin de l’une des seules décisions de la Haute Cour sur les questions de propriété foncière en Cisjordanie qui est encore appliquée près de quatre décennies plus tard.

En 1979, le tribunal a statué que les terres palestiniennes ne pouvaient pas être confisquées par l’État pour la construction d’implantations. « L’adoption de ce rapport signifierait la fin de cette décision, a dit M. Sfard. « Il est régulièrement bafoué sur le terrain, mais jamais auparavant sur le plan juridique. »

Différend immobilier ordinaire

Présentant des arguments similaires à ceux employés par Shaked, plusieurs experts juridiques qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont insisté sur le fait que le rapport était simplement consacré à la résolution des litiges de propriété.

Avi Bell, professeur de droit à l’Université de Bar Ilan, a expliqué que le rapport « fournit des outils pour traiter des questions de propriété, de découpage en zones et municipales » qui, pendant des décennies, sont restées sans solution, en grande partie à cause des lois du 19e siècle sur la propriété qui sont encore utilisées pour gouverner la Cisjordanie.

Les normes, qui ont été adoptées sous la domination ottomane de la Palestine de l’époque, se basent sur le fait que la terre a été cultivée ou non. Pour prouver la culture, les responsables israéliens – jusqu’à ce jour – étudient des photos aériennes sur plusieurs décennies. Si les photos montrent que la terre a été travaillée pendant au moins dix ans, alors le bien est considéré comme étant palestinien – même si l’identité du propriétaire est inconnue.

Evacuation des manifestants de l’implantation d’Ofra, en Cisjordanie, le 28 février 2017. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Si la pratique régulière de la culture ne peut être prouvée, la terre peut être confisquée par l’État.

Bell a fait valoir que le système draconien de lois encore utilisé par l’État pour juger les litiges de propriété en Cisjordanie a rendu la plupart d’entre eux difficiles à résoudre.

« Il a créé un environnement juridique dans lequel les gens construisent d’abord et demandent la permission ensuite », a-t-il dit. « Ce que ce rapport fait, c’est fournir les outils juridiques pour répondre correctement à bon nombre de ces différends. »

Mais Talia Sasson, l’ancienne procureur du bureau du procureur de l’État qui a rédigé le premier rapport sur les avant-postes illégaux, a soutenu que le document de Zandberg a été écrit « sur la base du fait que le débat politique sur la Cisjordanie est terminé ».

« Il ne s’agit pas des droits fonciers des gens pris au hasard… comme ils le souhaitent », a-t-elle dit, faisant référence aux auteurs du rapport et à leurs défenseurs. « Ces différends se déroulent dans un contexte politique plus large où nos droits sur les terres en question ne coïncident pas avec le droit international ».

Talia Sasson (photo credit: CC-BY-ND Ralph Alswang/Flickr)
Talia Sasson (Crédit : Ralph Alswang/CC-BY-ND/Flickr)

Mme Sasson, qui est actuellement présidente du New Israel Fund, a également contesté la légitimité juridique de nombreuses conclusions du rapport Zandberg.

Elle s’est prononcée, en particulier, sur la recommandation d’empêcher l’“équipe de la Ligne bleue” du ministère de la Défense d’examiner les anciennes saisies de terres par l’État pour s’assurer qu’elles ne portent pas atteinte aux droits des propriétaires fonciers palestiniens.

« Leur attitude juridique à l’égard des questions de propriété foncière se résume à ‘nous ne voulons pas savoir' », a soutenu Mme Sasson.

Mais Robbie Sabel, professeur de droit international à l’Université hébraïque, a fait valoir que les auteurs du rapport tentaient de limiter les dégâts dans une situation déjà mauvaise.

« Ces gens (les résidents israéliens des implantations) auraient-ils dû construire illégalement ? Bien sûr que non, mais ce n’est pas comme s’il y avait des gens qui y vivaient avant », explique Sabel, qui a également été conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères.

« Nous pouvons donc soit démolir et expulser, soit accepter la réalité comme quoi quelqu’un y vit actuellement », a-t-il expliqué.

Mais Svetlova, Sasson et d’autres opposants au rapport affirment qu’il s’appuie sur l’affirmation implicite qu’il n’y a pas de différence juridique entre la Cisjordanie et Israël proprement dit, une affirmation qui, selon eux, n’est pas dans l’intérêt à long terme d’Israël.

« Je crois en la légitimité internationale et personne n’a reconnu notre souveraineté en Cisjordanie », a déclaré Mme Svetlova.

Bell, le professeur de droit à Bar Ilan, a rejeté cet argument.

« Ils prétendent que tout tourne autour de l’occupation et que toute tentative d’aborder ces questions foncières revient à ‘blanchir la propriété' », a-t-il dit, soulignant que le rapport indique expressément qu’il n’aborde pas les questions de souveraineté.

Ceux qui prétendent que les conclusions du rapport conduiront à une souveraineté israélienne de facto sur les territoires sont paranoïaques, a affirmé Bell. « Il y a des gens qui ont des obsessions professionnelles. »

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