Un outil numérique relie des ados nord-américains et israéliens en temps de guerre
L'initiative One2One, qui en est à sa 4e année, facilite les conversations en anglais et les échanges culturels entre des milliers de lycéens juifs situés de part et d'autre du monde
Rom Buchacho, une élève de Première de Netanya, a été surprise d’apprendre que les jeunes Juifs du monde entier traversent leur propre lot de difficultés résultant du massacre du 7 octobre, après s’être inscrite à un programme qui met en relation des adolescents juifs d’Israël à leurs homologues d’Amérique du Nord pour une série de conversations vidéo en tête-à-tête.
« Ici, en Israël, nous vivons la guerre, les sirènes de roquettes, les nouvelles et tout le reste, mais nous avons notre pays, notre peuple et notre armée », a-t-elle déclaré. En Amérique, a expliqué Buchacho, son interlocutrice ne se sent pas toujours à sa place, surtout « lorsqu’elle va à l’école et qu’il y a des étudiants pro-palestiniens qui apportent des drapeaux ». « C’est effrayant de vivre comme ça. Cela m’a vraiment surprise. »
Il s’est avéré que les deux filles « ont beaucoup en commun, bien que nous vivions si loin l’une de l’autre ». « J’ai passé un bon moment avec elle à parler de la situation et des différences dans la façon dont nous vivons tout cela », a expliqué Buchacho.
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Le programme auquel elles ont participé, One2One, a été lancé au plus fort de l’épidémie de COVID en 2021 et en est aujourd’hui à sa quatrième année, avec une demande croissante. La première année, le programme comptait 600 participants, 2 500 la deuxième et 4 100 la troisième, selon les chiffres fournis par One2One. Pour l’année scolaire en cours, la quatrième du programme, les organisateurs s’attendent à ce que plus de 5 000 étudiants y participent.
En raison de l’augmentation de la demande israélienne, l’équipe de One2One s’efforce de trouver suffisamment de partenaires anglophones en Amérique du Nord.
Basé sur la vieille idée des correspondants, le programme vise à favoriser la compréhension mutuelle, la connexion et le dialogue entre les lycéens juifs israéliens et nord-américains, selon les organisateurs.
One2One est une initiative d’ENTER, une fondation basée à Jérusalem et créée par Charles Bronfman et d’autres philanthropes. Les discussions en anglais sont organisées en une série de cinq réunions hebdomadaires et durent au moins 30 minutes chacune. L’appariement individuel est effectué par un algorithme basé sur l’âge, les intérêts et les antécédents, un peu à la manière d’un service de rencontre, et il est privé.
« J’ai participé deux fois au programme One2One et, à chaque fois, j’ai rencontré des personnes avec lesquelles j’ai eu des conversations profondes, significatives, amusantes et, surtout, faciles », a déclaré par courriel Danielle Borsutsky, une élève de Première du New Jersey, l’interlocutrice de Buchacho.
Elle a raconté qu’au moment où la guerre a éclaté, son lycée a fait l’objet de l’attention des chaînes d’information locales et de Fox News en raison des dissensions entre les élèves. « Les gens s’entassaient dans les réfectoires et se criaient des commentaires offensants, des drapeaux palestiniens étaient apportés à l’école et de nombreux messages inappropriés et antisémites étaient postés par des élèves de mon école à l’intention d’autres enfants. »
« J’ai trouvé intéressant que mon binôme en Israël se sente plus en sécurité dans son école que moi dans la mienne. Comme elle savait que tous les élèves de son école étaient Israéliens, ce sentiment de solidarité lui donnait l’impression que, quoi qu’il arrive, ses camarades de classe et ses enseignants seraient à ses côtés », a déclaré Borsutsky.
Le 7 octobre, une date qui nous touche de près
En plus d’être un sujet de conversation et de partage, la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas a touché directement les participants : l’une des premières participantes israéliennes à One2One, Karina Ariev, 19 ans, a été enlevée le 7 octobre et est toujours retenue en otage à Gaza. Elle faisait partie des trois jeunes femmes figurant dans une vidéo diffusée par le Hamas la semaine dernière.
Ariev avait participé à One2One en 2022. Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires, elle a commencé son service dans l’armée israélienne et était en mission en tant qu’observatrice avancée le long de la frontière de Gaza lorsque sa base a été envahie par le Hamas dans la matinée du 7 octobre.
Les milliers de terroristes du Hamas qui ont envahi le sud d’Israël ce jour-là ont brutalement assassiné près de 1 200 personnes, en majorité des civils, dont 364 jeunes qui participaient à un festival de musique. 253 personnes ont également été enlevées et emmenées dans la bande de Gaza, où près de la moitié d’entre elles sont toujours détenues, et pas toutes en vie.
L’enlèvement d’Ariev montre que le travail de One2One « concerne des personnes réelles ». « Lorsque vous lisez des articles sur quelqu’un en ligne, c’est quelque chose de très lointain, mais là c’est différent », a déclaré Yaël Rosen, directrice de One2One, au Times of Israel.
« Pour le judaïsme mondial, cette période nous affecte tous. Partout, les adolescents et leurs communautés traversent des épreuves auxquelles ils ne s’attendaient pas. Du côté israélien, les écoles et les enseignants nous disent que leurs élèves et eux-mêmes souhaitent entrer en contact avec des adolescents juifs à l’étranger, surtout en ce moment », a-t-elle fait remarquer. « Nous concevons One2One comme ‘l’interaction en tant que premier secours’. Nous considérons qu’il s’agit d’un besoin urgent pour les deux parties. »
Partager en temps de guerre
Le Times of Israel a récemment organisé un appel vidéo conjoint avec un petit groupe d’adolescents ayant participé au programme. Certains d’entre eux y ont participé à de multiples reprises au cours des dernières années.
Talia Decoursey, une élève de Première du nord de l’État de New York, a suivi le programme deux fois. La première fois, c’était au printemps dernier : elle a affirmé que cela avait été une excellente préparation pour un voyage d’été en Israël avec le BBYO. Elle a ensuite participé au programme One2One en pleine guerre entre Israël et le Hamas, en novembre.
« J’ai l’impression que le programme a été un très bon moyen de se soutenir mutuellement pendant cette période. Évidemment, nous sommes dans des situations différentes (…), mais [mon binôme] peut comprendre comment les choses se passent ici, et je peux en quelque sorte comprendre comment les choses se passent là-bas. Nous pouvons nous soutenir mutuellement de cette manière », a-t-elle expliqué.
« La plupart de mes amis américains ne sont pas Juifs. Ils essaient de me soutenir, mais parfois ils ne comprennent pas », a ajouté Decoursey.
Avia Biton, une élève de Seconde qui vit dans la petite communauté de Meitar, dans le sud d’Israël, a été jumelée avec Decoursey pour la session de novembre. « La deuxième fois, j’étais avec Talia. J’ai aimé parler avec une Américaine pour savoir comment elle se sentait pendant la guerre, avec tout l’antisémitisme. J’ai été surprise quand elle m’a dit que beaucoup de gens là-bas ne savent pas ce qui se passe ici. C’est devenu une tendance de haïr Israël et de soutenir Gaza », a-t-elle déclaré.
Adi Wagner-Jaget, élève de 3e au collège Yitzhak Shamir à Tel Aviv, a admis qu’elle ne connaissait pas grand-chose de la culture juive américaine avant de participer.
« J’ai entendu dire qu’ils célébraient d’autres fêtes que nous », a-t-elle déclaré. « Je ne savais pas que les Juifs fêtaient aussi Halloween. Cela m’a beaucoup surprise, car je pensais qu’il s’agissait d’une fête chrétienne. Ils fêtent aussi Thanksgiving, et bien d’autres choses dont j’ignorais l’existence. »
Améliorer l’anglais, améliorer les liens
Les élèves israéliens pensent souvent à « ce monde onirique des Juifs américains, mais ils ne le connaissent pas vraiment ». « Je pense qu’aujourd’hui, avec la montée de l’antisémitisme à l’étranger, la prise de conscience de la complexité de la vie juive aux États-Unis est quelque chose de très nouveau pour les adolescents israéliens », a déclaré Ziona Levi, directrice du département des langues et de l’enseignement de l’anglais au ministère de l’Éducation, lors d’un récent appel téléphonique.
Le programme One2One est déployé en Israël par le biais d’une liaison avec les professeurs d’anglais du secondaire, sous la supervision de Levi et de son département. L’un des principaux objectifs du programme est d’améliorer les compétences des élèves israéliens en anglais, en particulier à l’oral.
Noa Kinan, élève de Terminale dans la ville de Nahariya, dans le nord du pays, a suivi le programme One2One trois fois et prévoit de le suivre une quatrième fois. Sa participation a « sans aucun doute aidé mon anglais », a-t-elle dit.
Elle ne parle pas encore couramment, mais son élocution s’est nettement améliorée, a-t-elle expliqué, et a décrit « une lutte pour parler » lors de ses premières sessions. « J’ouvrais un dictionnaire, je n’étais pas sûre que ça marcherait. Mon binôme a été d’un grand soutien et très compréhensif, et nous avons réussi à communiquer », s’est-elle souvenue.
Les sujets de discussion sont préparés à l’avance pour les adolescents, « mais lorsqu’ils se rencontrent, je suis sûre qu’ils n’en parlent pas ». Le programme est individuel, personne n’intervient, personne n’écoute, ce qui leur donne grandement confiance en eux, ce qui est l’un des facteurs les plus importants dans l’apprentissage d’une langue étrangère », a déclaré Mercedes Hadad, professeure d’anglais de longue date, qui a été l’une des premières à inscrire ses élèves à One2One.
Au cours de l’été, juste avant la guerre, Borsutsky, dont le lycée du New Jersey a attiré l’attention des médias, s’est rendue en Israël avec un partenaire de One2One, RootOne.
« Je suis reconnaissante d’avoir pu voir tout ce que j’ai vu en Israël avant que la guerre n’éclate, mais je suis également horrifiée que tout ait changé si rapidement », a déploré Borsutsky.
« Je me demande constamment s’il est arrivé quelque chose aux endroits que j’ai visités ou si les personnes que j’ai rencontrées pendant le voyage sont en sécurité. »
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