Mandelblit juge « malheureuse » la décision d’accorder l’immunité à Haim Katz
La commission s'est prononcée à 16 voix contre 10, permettant au député Likud d'éviter d'être poursuivi pour fraude et abus de confiance ; une décision à confirmer en plénière
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Le procureur général Avichai Mandelblit a jugé « malheureuse » la décision d’une commission de la Knesset d’accorder l’immunité au député du Likud Haim Katz, a rapporté mercredi le diffuseur public Kan.
« Ils ont pris une décision, un événement malheureux mais bon », a déclaré Mandelblit au diffuseur public Kan après le vote du panel.
La commission de la Knesset s’est prononcée, mardi, en faveur de l’octroi de l’immunité parlementaire au député du Likud Haim Katz, poursuivi par la justice pour fraude et abus de confiance.
L’ex-ministre des Affaires sociales est accusé d’avoir fait avancer une loi sur le remboursement des obligations d’entreprises aux petits détenteurs, un texte qui avait été prôné par un consultant financier qui était un ami proche et le conseiller financier de Haim Katz lui-même, une législation qui, une fois adoptée, lui aurait bénéficié personnellement.
L’ancien ministre Likud est également soupçonné d’avoir dissimulé ces conflits d’intérêts.
« Ma vie a été détruite » par ce qu’il a qualifié d’accusations mensongères à son encontre, a-t-il affirmé aux députés présents. « Je suis simplement un être humain de chair et de sang », a-t-il ajouté, « et je ne suis pas un menteur ».
Clamant que sa mise en examen s’apparentait à une interférence du système judiciaire dans le fonctionnement interne de la Knesset, son avocate, Navit Negev, a appelé les membres de la commission qui se sont rencontrés mardi à accorder au député l’immunité sollicitée.
« Nous affirmons que l’inculpation [qui prétend que les agissements de Katz se sont apparentés à de la corruption] a été, dans les faits, basée sur une règle différente de celles qui prévalent à la Knesset. C’est là la base de ces confusions. En fait, il s’agit d’une interférence dans le travail de la Knesset », a expliqué l’avocate, insistant sur le fait que son client n’avait pas contrevenu aux règlements du Parlement israélien lui-même définissant les conflits d’intérêt.
La commission de la Knesset s’est exprimée à trois reprises sur trois requêtes distinctes soumises par Haim Katz concernant son immunité, chacune pour des motifs différents.
L’une des demandes, dans lesquelles l’ancien ministre affirmait que les procureurs avaient agi « de mauvaise foi », a été rejetée par ses pairs à 16 voix « contre » et quatre voix « pour ». Mais la commission a accepté la demande finale – qui clamait qu’il avait déjà été sanctionné par la commission d’Éthique de la Knesset et que les poursuites intentées à son encontre ne servaient en rien le bien public – et elle a voté l’octroi de l’immunité à 16 voix « pour » et 10 voix « contre ».
Le vote final a suivi la logique partisane – les représentants du Likud, d’Yisrael Beytenu, du Shas, de Yahadout HaTorah et de Yamina ont pris le parti de Haim Katz ou se sont abstenus tandis que ceux de Kakhol lavan, de l’alliance Parti travailliste-Gesher, du Camp démocratique et de la Liste arabe unie se sont prononcés contre l’immunité ou ont eu recours à l’abstention.
La demande d’immunité sera maintenant présentée en séance plénière du Parlement pour un vote final de ses 120 membres.
Immédiatement après le vote, Haim Katz, qui a été sorti de la salle à plusieurs reprises pendant la réunion parce qu’il interrompait le procureur-général Avichai Mandelblit qui présentait le dossier de mise en examen de l’ex-ministre, a exprimé son soulagement et présenté ses excuses à ses pairs.
« Je vous présente mes excuses pour vous avoir obligé à passer un si grand nombre d’heures ici à cause de moi », a-t-il indiqué à la commission. « Je vous demande pardon. J’ai tiré les leçons nécessaires. Merci beaucoup », a-t-il ajouté.
Le vote de la commission a été fustigé par le groupe Mouvement pour un gouvernement de qualité qui a estimé dans un communiqué que « la Knesset israélienne ne vise pas à être un refuge pour les personnalités mises en examen ». Il a par ailleurs déclaré que les accusations lancées à l’encontre de Haim Katz étaient « très graves » et qu’elles devaient être examinées dans le cadre d’un procès.
L’organisation a promis de faire appel de cette décision devant la Cour suprême.
Jeudi, lors du premier débat de la commission sur la requête soumise par Katz, Mandelblit avait déclaré qu’en taisant ses liens personnels – notamment financiers – avec la loi qu’il prônait alors pour le compte de son conseiller financier et qui devait bénéficier aux autres clients de ce dernier, Katz s’était rendu coupable « d’actes répréhensibles qui constituent un délit criminel ».
L’acte d’accusation se concentre sur des allégations selon lesquelles Haim Katz, lorsqu’il était président de la commission du Travail et des Affaires sociales de la Knesset de 2009 à 2013, aurait apporté son soutien à l’amendement 44 à la loi sur les valeurs mobilières à la demande de Mordechai Ben Ari.
La législation stipulait que les sociétés devaient rembourser les petits détenteurs d’obligations avant de rembourser les actionnaires majoritaires – une tentative de diminuer l’influence des investisseurs riches et puissants afin d’aider à protéger les intérêts des actionnaires plus modestes.
L’entreprise de Ben Ari représentait des groupes de petits détenteurs d’obligations dans plusieurs entreprises.
Le procureur général avait dit aux députés, la semaine dernière, que Katz avait gagné de grosses sommes d’argent en investissant selon les conseils de Ben Ari et par l’intermédiaire de l’homme d’affaires lui-même. Le magistrat avait ajouté que cette relation constituait un conflit d’intérêts important, l’ex-ministre ayant prôné un amendement directement lié à ces investissements – et ce, même s’il n’y avait pas eu de versement direct de fonds entre les deux hommes.
Après la décision de la mise en examen de Katz, au mois d’août, le ministre des Affaires sociales avait renoncé à son poste au sein du gouvernement, en vertu d’une pratique établie dans les années 1990 par les démissions, confirmées par la cour, des membres du cabinet Aryeh Deri et Raphael Pinhasi.
L’avocate du député a clamé, mardi, que l’inculpation représentait « un manque de compréhension ou de référence aux normes exigibles auprès des membres de la Knesset ».
« Les règles du conflit d’intérêts qui s’appliquent aux membres de la Knesset sont complètement différentes de celles qui sont applicables aux fonctionnaires non élus. Les normes que Katz aurait prétendument violées n’existent pas en réalité et elles n’ont ni base légale, ni base normative », a-t-elle ajouté.
Katz, pour sa part, a nié tout méfait, défendant son travail sur l’amendement 44 comme étant essentiel à la protection des petits investisseurs.
Selon la loi de 2005 sur l’immunité, il existe quatre « motifs » que les députés peuvent invoquer pour se protéger contre des poursuites judiciaires.
Un député peut demander l’immunité si : a) le délit présumé a été commis dans l’exercice de ses fonctions parlementaires ; b) l’acte d’accusation est établi de « mauvaise foi » ; c) le délit présumé a été commis dans l’enceinte de la Knesset et a déjà été traité au sein de la Knesset ; d) les poursuites judiciaires « causeraient un préjudice réel au fonctionnement effectif de la Knesset ou à l’une de ses commissions, ou à la représentation de l’électorat, et le fait de ne pas mener une telle procédure – compte tenu de la gravité du délit, de sa nature ou des circonstances – ne causerait pas de préjudice important à l’intérêt public.
Dans sa demande d’immunité, Haim Katz avait invoqué la première raison, affirmant que ses actions faisaient partie de son travail en tant que député et qu’elles étaient toutes menées de bonne foi. Selon la loi, « l’immunité de fond » – une forme d’immunité parlementaire qui bloquerait de façon permanente une mise en accusation et pas seulement lorsque l’accusé est en fonction – peut être accordée pour un crime présumé qui, selon la commission, a été commis dans l’exercice de fonctions parlementaires.
S’exprimant, mardi, après la présentation des arguments de Me Negev, Mandelblit a précisé que les avantages apportés à Katz par la loi qu’il avait contribué à faire voter « ne sont pas très éloignés d’un fait de corruption ».
Mandelblit a expliqué que les agissements qui pouvaient être reprochés au législateur ne se limitaient pas à avoir fait avancer la loi dans un contexte de conflit d’intérêts non déclaré, mais qu’ils incluaient également « une variété d’actions trompeuses et de mauvaises représentations, avec notamment une dissimulation délibérée. Ce qui représente une fraude et un abus de confiance au plus haut degré ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.