Un rabbin globe-trotter utilise Instagram pour attirer la génération Y juive
De Gallipoli à Safed, le rabbin Daniel Bortz documente ses voyages, dans l'idée de répandre la spiritualité et la pleine conscience auprès de ses 26 00 abonnés
NEW YORK — Plutôt que réciter simplement le kiddouch du soir de Shabbat, le rabbin Daniel Bortz préfère une « expérience de repas en pleine conscience ». Lorsqu’il célèbre Tu BiShvat, la fête juive en l’honneur des arbres, il utilise des huiles essentielles en plus de la traditionnelle assiette de fruits, pour solliciter tous les sens.
Daniel Bortz décrit ces pratiques, parmi d’autres, comme un moyen de se rapprocher des millennials, cette génération née entre les années 80 et 2000 .
« Je vois cela comme une opportunité de mêler sagesse ancienne et créativité d’aujourd’hui », explique-t-il
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Tentant d’atteindre ses coreligionnaires dans les endroits les plus improbables, comme le festival de musique hédoniste Coachella en Californie, le rabbin Bortz n’a clairement pas peur d’adopter une approche créative.
Daniel Bortz est connu sur les réseaux sociaux comme le « Millennial Rabbi », et a engrangé en deux ans plus de 26 000 abonnés sur Instagram, où il publie régulièrement des messages inspirants, allant de la Torah à la spiritualité, à la méditation et la pleine conscience.
Né en Afrique du Sud et ayant grandi aux États-Unis, il parcourt aujourd’hui la planète — souvent avec sa famille — pour tenter de défaire l’image stéréotypée du rabbin orthodoxe, même si cela implique que d’autres pourraient remettre en doute ses méthodes.
Ses abonnés Instagram peuvent ainsi le voir faire semblant de tenir le soleil entre ses mains à Gallipoli, en Italie, ou poser avec une casquette de baseball à l’envers dans l’une des villes les plus saintes du judaïsme, Safed.
Lorsqu’il entame ses études supérieures à la yeshiva Mayanot de Jérusalem, la spiritualité et la pleine conscience étaient déjà une passion pour lui. Son amour de la Torah grandit, et cinq plus tard, il se fait ordonner par le rabbin Yitzchak Yehuda Yaroslavsky, l’une des plus hautes autorités du mouvement Habad en Israël.
Plutôt que de fonder une synagogue et d’y faire venir des membres de la communauté locale, Daniel Bortz décide d’essayer quelque chose de différent. Il a toujours été globe-trotter, parcourant les quatre coins du monde pour admirer les créations de Dieu et découvrir de nouvelles choses sur lui à chaque fois.
« Exactement comme pour connaître une artiste, il faut s’intéresser à ses œuvres, c’est ce que je me dis à chaque que je voyage et voit un autre aspect de la création de Hashem », dit-il. « Mon compte Instagram dit ‘Magnifier des étincelles’ car où que l’on aille, il est possible d’avoir une bonne intention, de faire une bénédiction et d’apprécier la beauté de l’œuvre divine ».
Aujourd’hui, le rabbin issu de la génération Y est une célébrité d’Instagram, et popularité grandit à chaque nouveau voyage qu’il documente. Sa page compte plus de 300 publications, chacune avec sa touche personnelle, et modernisant certaines traditions des plus anciennes du judaïsme.
Certaines de ses publications les plus originales sont celles où il tente de trouver des Juifs à Coachella. Le festival, qui regroupe musique électronique, sexe, drogues et alcool, n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, très casher. Mais à trois reprises, il a installé un stand et réussi à mettre la main sur des Juifs prêts à s’asseoir et discuter avec eux. Son objectif était de converser et d’initier une espèce d’expérience spirituelle dans les endroits les plus improbables.
Quand il ne voyage pas avec sa famille, le rabbin basé à San Diego, en Californie, il travaille avec des adolescents et de jeunes adultes dans différents groupes, dont JTeen San Diego ou Soul X, donnant des clés aux jeunes pour qu’ils entrent en connexion avec leur spiritualité.
Le Times of Israel s’est entretenu par téléphone avec Daniel Bortz, pour discuter de son odyssée au sein du judaïsme et du message qu’il tente de transmettre à ses abonnés.
Comment vous est venue l’idée de vous présenter comme le « Millennial Rabbi » ?
C’est le surnom que m’a donné quelqu’un dans ma communauté, car j’utilisais la culture et la technologie modernes, que le développement d’internet et des réseaux sociaux a favorisées.
Plus qu’une génération les millennials (terme anglophone désignant la génération Y, qui regroupe l’ensemble des personnes nées entre 1980 et 2000), pour moi, vivent à l’ère du changement. Je me souviens être allé voir un ami quand j’ai créé mon compte Instagram. Je lui ai dit, « Je ne suis pas un rabbin âgé. Qui suis-je pour faire figure d’autorité dans un contexte d’enseignement ? ». Il m’a répondu, « Tu regardes les choses sous le mauvais angle ? Pense au nombre de gens pour qui ton type de message va résonner, dont tu les prives en ne publiant pas [sur ta page] ».
Nous avons tous une façon unique de partager des choses. Ne pas partager avec le reste du monde pourrait causer du tort. Les réseaux sociaux sont mon opportunité de le faire. J’aime beaucoup le fait que cela demande rapidité et précision. Je prends une idée longue et complexe et trouve une parabole ou une histoire à laquelle relier ce message.
Pourquoi avoir choisi cette voie ? En quoi c’est un bon moyen de propager les messages de la Torah, la spiritualité et le bien-être ?
Je suis très conscient de la réalité sur le terrain. Je travaille avec les jeunes et la communauté en Californie. Je sais ou les yeux de tous sont rivés et ce qui suscite leur attention. C’est important de les atteindre là où ils sont, de ne pas attendre à ce qu’ils se rendent à la synagogue après l’école ou un dimanche. C’est moi qui vais vers eux. C’est là que se trouve leur attention. Je veux être relié à ma communauté et au monde.
Pourquoi êtes-vous devenu rabbin ?
Je suis toujours mon instinct, mon âme et mon intuition quand quelque chose me parle beaucoup. Ce n’est pas que je voulais jouir du titre de « rabbin ». Je ne voulais même pas avoir la semicha [l’ordination rabbinique], mais c’est ce que j’ai fini par faire. Je veux partager mon savoir juif avec mes coreligionnaires et le monde entier. Être rabbin signifie être capable de se relier aux gens. J’adore les gens ! J’adore enseigner. J’aime être quelqu’un sur qui on peut compter et dont on peut recevoir l’aide. Ce qui est chouette aussi quand on est rabbin, c’est que j’aime différentes choses, le sport, les arts martiaux, la musique, la philosophie et la psychologie. Ils représentent tous un moyen d’entrer en contact avec quelqu’un de nouveau. J’aime cet aspect de la fonction de rabbin. J’aime aller au-delà des discussions banales et entrer dans des conversations profondes. On me pose tout le temps des questions comme « Pourquoi les choses mauvaises arrivent ? » Et j’adore ça.
Comment avez-vous découvert le MMA et décidé d’en faire ? En quoi cela vous rapproche de ceux que vous voulez atteindre avec vos messages ?
J’ai toujours aimé briser les stéréotypes, me défaire du moule. Je travaille avec beaucoup de jeunes, et j’ai trouvé quelque chose qui pouvait leur parler. Je préparais un garçon à sa bar mitzvah, son père était passionné de ju-jitsu et m’a suggéré d’essayer. J’ai fait de la boxe au lycée, alors j’ai essayé ce nouveau sport. Le ju-jitsu permet de garder la forme et c’est très addictif, parce qu’on y apprend plein de choses différentes. Je suis intimement convaincu qu’il faut se dépasser pour se développer. Le meilleur moyen de se développer, c’est de faire quelque chose de difficile et qui nous fasse sortir de notre zone de confort.
Qu’est-ce qui vous pousse à voyager dans tous ces endroits différents et exotiques ?
Quand je suis en voyage, je prends autant de photos que possible de lieux uniques. Je voyage pas mal. C’est en parti dû à mes parents — mon père est sud-africain et ma mère vient de France — qui nous emmenaient toujours en voyage quand on était petits. J’ai toujours pensé que tout ce que l’on voit nous permet d’apprendre et de se mettre en relation avec Dieu.
Combien d’endroits avez-vous visité cette année ?
Le mois dernier, on est allés en famille en Italie, en Écosse et dans la campagne anglaise. La beauté de la nature y est incroyable. Quand je traversais l’Écosse et l’Angleterre, j’ai vu plein de terrains vides. Nombre de nos patriarches et prophètes étaient des bergers, vivant dans les champs avec leur troupeau. Ils avaient beaucoup de temps pour ne rien faire et contempler. C’est très difficile d’atteindre le niveau de conscience et l’élévation spirituelle dont on est capables. J’ai dirigé une retraite juive à Poconos et organisé un « bain de sons » avant Shabbat. Nous étions assis dans la forêt, et j’ai trouvé qu’être dans la nature était une opportunité beaucoup plus puissante d’entrer en connexion avec Dieu.
Quelles sont vos autres techniques ? Pourquoi aller à Coachella, par exemple ?
C’était une expérience intéressante. Là-bas, on découvre quelque chose sur la rencontre avec l’autre. Rencontrer des gens en plein air, lorsqu’ils se trouvent dans un endroit où ils sont plus détendus et ouverts — on distribuait de la nourriture et des boissons gratuites — j’ai eu une épiphanie. J’ai réfléchi à la façon dont est né le judaïsme ? Ça a commencé avec Abraham et Sarah, sous une tente au milieu du désert, qui distribuaient gratuitement à manger et à boire aux passants et tenaient des discussions sur le monothéisme. Une grande partie de ce que je souhaite accomplir consiste à revenir à ce que le judaïsme a toujours été. On nous prive parfois de cette expérience.
Quels sont les défis que vous avez rencontrés ?
Les conditions physiques sont très dures, car il fait très chaud. C’est très poussiéreux et sec. Il y a du vent la nuit, alors votre tente peut s’envoler. Vous voyez des gens sous l’emprise de certaines substances. Trouver des gens n’est pas facile, mais il y en a beaucoup qui gravitent autour de vous. La plupart du temps, c’est chouette, des âmes curieuses qui viennent voir ce qu’il se passe.
Spirituellement, il s’y passe beaucoup de choses que vous ne souhaiteriez pas côtoyer. Mais quand on est occupé à essayer d’être une bonne influence, c’est très différent de quand on vient recevoir et qu’on laisse tout ce qui nous entoure nous affecter. C’est vous qui essayez d’influencer votre entourage avec une perception différente. C’est une expérience extrêmement inspirante pour moi.
Quel est votre prochain objectif avec les réseaux sociaux comme avec vos étudiants californiens ?
Nous nous trouvons à une époque intéressante de l’histoire. La plupart des Juifs que je connais en Californie ne sont pas très pratiquants, mais ils ont envie d’apprendre.Alors j’essaye de montrer la beauté du judaïsme et la joie, avec l’approche faite d’amour inhérente au judaïsme. En ce moment, on promeut beaucoup la santé, le bien-être et la méditation, et il en existe plusieurs formes. C’est une époque incroyable pour tirer profit de tous les outils dont nous disposons et de l’ouverture de notre communauté pour expérimenter tout ce que le judaïsme a à offrir d’une façon encore jamais exploitée. Nous devons créer un certain environnement, que ce soit en étant dehors et en apprenant quelque chose ou en méditant sous un angle juif.
Où se trouve la subtilité entre passer d’une orthodoxie traditionnelle à sa modernisation tout en gardant les traditions ?
Le baromètre, c’est la halacha [la loi juive]. Il y a beaucoup de place pour la créativité. Mais le hassidisme, [son fondateur, le Rabbi Israel Ben Eliezer] Baal Shem Tov et le judaïsme dans leur ensemble s’accordent pour dire que l’objectif ultime est d’éveiller la conscience et d’intégrer la spiritualité et le divin… dans nos vis quotidiennes. C’est le but que nous tentons d’atteindre avec notre office spirituel. Il s’agit de se saisir du principe de « Dans toutes tes voies, songe à lui » (Proverbes 3 ; 6), et de trouver différents moyens d’élever tout ce avec quoi nous entrons en contact à un autre niveau.
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