Israël en guerre - Jour 538

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Analyse

Un raid limité au Liban ne changera pas la donne, mais comporte des risques

Le Hezbollah recule, mais qu'en est-il de ses équipes antichars, qui peuvent frapper Israël depuis l'intérieur du territoire ennemi ; des questions pour l’avenir restent sans réponse

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des véhicules blindés israéliens dans une zone de transit dans le nord d'Israël près de la frontière israélo-libanaise, le 1er octobre 2024. (Crédit : Baz Ratner/AP)
Des véhicules blindés israéliens dans une zone de transit dans le nord d'Israël près de la frontière israélo-libanaise, le 1er octobre 2024. (Crédit : Baz Ratner/AP)

Lundi soir, après des fuites en provenance de Washington et d’amples allusions de la part des dirigeants israéliens, les troupes de l’armée israélienne de la 98e division ont traversé le Liban.

C’est la première fois qu’Israël opère ouvertement et en force à travers sa frontière nord dans le combat d’un an que le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah a entamé le 8 octobre 2023.

Bien que cette opération fasse la Une des journaux et retienne l’attention des dirigeants du monde entier, il ne faut pas en exagérer l’ampleur.

L’opération, que l’on ne peut pas vraiment qualifier de manœuvre terrestre complète, consiste à déplacer des troupes de quelques centaines de mètres – et dans certains cas de quelques kilomètres – à l’intérieur du Liban.

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’affrontements avec des combattants ennemis, car le Hezbollah n’est tout simplement plus là. Le groupe terroriste chiite libanais n’a pas fui devant les colonnes de Tsahal qui le chargeaient ; il a retiré la majeure partie de sa force d’élite Radwan de la frontière une fois que le potentiel d’une incursion surprise du nord a disparu avec le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien.

D’autres unités du Hezbollah, y compris celles destinées à saigner une incursion de Tsahal, ont également été retirées au fur et à mesure qu’elles étaient frappées par les Israéliens.

Armes et équipements du Hezbollah récupérés par l’armée israélienne, au Liban ces derniers mois, sur une photo publiée le 1er octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Lors des dizaines de raids menés au Liban au cours de l’année écoulée, les forces de Tsahal n’ont rencontré aucune opposition. Elles ont également détruit des armes et des infrastructures qui auraient pu être utilisées lors d’une attaque du type de celle du 7 octobre contre le nord d’Israël.

L’objectif de l’opération actuelle n’est certainement pas de vaincre le Hezbollah, ni d’engager et de tuer ses combattants. Il s’agit avant tout d’une opération d’ingénierie, destinée à déraciner l’infrastructure armée le long de la frontière – sites de lancement de roquettes, tunnels, positions défensives et bunkers de commandement.

L’idée n’est pas nouvelle. Le Commandement du Nord de Tsahal avait élaboré un plan similaire, appelé Yaeh Naeh (une expression qui signifie « nettoyage »), avant la Deuxième guerre du Liban en 2006, mais il n’a jamais été mis en œuvre.

En outre, des commandos israéliens effectuent discrètement des raids similaires depuis des mois.

Bien que l’objectif semble être une opération ordonnée et de courte durée, des questions restent sans réponse et des risques existent.

La principale menace que fait peser le Hezbollah sur les habitants des localités frontalières israéliennes, outre celle d’une invasion, est celle des tirs de missiles antichars. Les équipes de missiles antichars du Hezbollah sont très mobiles et tirent à partir d’une couverture fournie par l’épaisse végétation et les zones civiles du sud-Liban. La destruction de bunkers et de positions préparées n’atténue en rien cette menace.

En outre, les missiles antichars Kornet de fabrication russe et Alma de fabrication iranienne du Hezbollah ont une portée de plus de huit kilomètres. Le fait de vider la zone frontalière immédiate des forces du Hezbollah n’empêche pas ses unités en charge des missiles de tirer depuis les crêtes qui surplombent la frontière israélienne.

Bien que le Hezbollah n’ait pas opposé de résistance jusqu’à présent, il pourrait bien être en mesure de le faire.

De la fumée s’élevant du site d’une frappe aérienne israélienne qui a ciblé un quartier de la banlieue sud de Beyrouth, le 1er octobre 2024. (Crédit : Fadel Itani/AFP)

Il est clair que les opérations israéliennes des deux dernières semaines ont réussi à éliminer l’échelon supérieur du Hezbollah et à déstabiliser l’ensemble du groupe terroriste chiite libanais.

La question est de savoir dans quelle mesure cela s’est répercuté sur les équipes tactiques sur le terrain et combien de temps l’avantage d’Israël durera face à une organisation qui s’est révélée très résistante et adaptable.

Les tirs sporadiques de roquettes du Hezbollah sur Israël ne correspondent certainement pas au plan de tir qu’il a préparé pendant des années en cas de conflit avec Israël, et indiquent un niveau de confusion important, pour l’instant du moins.

Si le Hezbollah est capable de coordonner des attaques le long de la frontière, les cibles sont là, au grand jour. L’emplacement des troupes israéliennes n’est pas un secret, et la destruction des infrastructures est un travail de longue haleine. Après avoir été martelé de manière très publique et humiliante pendant des semaines, le « défenseur du Liban » autoproclamé pourrait décider qu’il doit redorer son blason en menant une attaque réussie contre les troupes israéliennes sur le sol libanais.

Des troupes de l’armée israélienne opérant sur la frontière nord avec le Liban, sur une photo publiée le 1er octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Pourtant, Tsahal dispose de nombreux moyens pour protéger ses forces terrestres. Elles disposent de nombreux drones pour surveiller les hauteurs surplombant la frontière et pour frapper rapidement et efficacement tout combattant du Hezbollah qui s’approcherait. L’artillerie israélienne tire sur les sites d’embuscade potentiels afin d’effrayer les attaquants potentiels et d’éliminer ceux qui sont assez fous pour s’approcher.

Mais Israël n’opère que dans un petit secteur le long de Etzba HaGalil – ou la péninsule de Galilée – qui s’avance vers le nord le long de la vallée de Hula et le fait de manière très transparente. S’il décide de reproduire à l’identique la même opération dans le secteur ouest, où la topographie est encore plus avantageuse pour le Hezbollah, le groupe terroriste aura le temps de préparer une embuscade concertée qui, espère-t-il, coûtera cher aux forces de Tsahal.

Si cela se produit, il est difficile d’imaginer que l’armée s’abstienne de changer de méthode et de stationner des troupes supplémentaires sur des terrains clés afin de protéger les unités qui détruisent les positions ennemies. Cela signifierait que la mission s’est élargie et que les troupes chargées de sécuriser les lignes de crête pourraient également essuyer des tirs en provenance du nord.

S’immiscer dans une guerre décisive contre le Hezbollah – ce que les hauts responsables israéliens ne cherchent pas à faire pour l’instant – est la pire façon de s’atteler à la tâche.

Des soldats libanais et des casques bleus de la FINUL observant depuis le village d’Adaisseh, dans le sud du Liban, les chars Merkava de l’armée israélienne qui participent à des manœuvres de routine près de la ligne de démarcation de la frontière, à proximité du kibboutz Misgav Am, le 2 juin 2020. (Crédit : Jalaa Marey/AFP)

Cela signifierait une campagne lente, à partir de la direction la plus prévisible, et ne présenterait aucun des avantages dont l’armée, très mobile, bénéficierait dans une opération qu’elle aurait conçue dès le départ. Mieux vaut essayer de porter le coup de grâce au moment choisi par Israël, avec des formations surgissant d’endroits surprenants avant de trancher à travers les défenseurs du groupe terroriste chiite libanais débordés.

Mais Israël n’en est pas encore là. Pour l’instant, il s’efforce de dégrader les capacités du Hezbollah depuis les airs en détruisant les caches d’armes et les commandants, parallèlement aux travaux d’ingénierie réalisés au nord de la frontière.

Israël espère que les coups vertigineux portés au groupe terroriste chiite libanais suffiront à le convaincre enfin de mettre un terme à la lutte désastreuse qu’il a engagée contre l’État juif.

Si le Hezbollah en arrive finalement à cette conclusion, un renouvellement de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU verra les forces armées libanaises (LAF) et la force multinationale de la FINUL de retour au sud-Liban.

Des manifestants tenant des photos de Hassan Nasrallah, chef défunt du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, lors d’une veillée de protestation dans la ville de Sidon, dans le sud du Liban, le 28 septembre 2024. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)

Le Hezbollah, pour l’instant, devra achever son retrait de la zone frontalière et au-delà.

Cela sera probablement suffisant pour que les habitants du nord d’Israël puissent retourner chez eux. Mais ils ne doivent pas s’attendre à ce que la menace soit définitivement écartée.

Comme il l’a fait au cours de la dernière décennie, le Hezbollah cherchera à nouveau des moyens de faire glisser lentement ses forces vers le sud, en profitant de la faiblesse des LAF et de la FINUL, ainsi que de la présence de villages chiites de soutien à la frontière.

Il conservera également une certaine force de dissuasion à l’égard d’Israël sous la forme de roquettes, bien que le pays ait déjà vu ce que le Hezbollah pouvait lui lancer, et que cela n’ait pas été la tempête de feu que beaucoup craignaient.

Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu (au centre), accompagné du chef de mission et commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) Aroldo Lazaro Saenz (à gauche), visitant le quartier général des forces de maintien de la paix, dans la ville de Naqoura, dans le sud du Liban, le 31 décembre 2022. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)

Israël devra faire respecter l’accord de temps à autre, ce qui sera difficile avec la présence de casques bleus étrangers et ne manquera pas de créer de nouvelles tensions avec les Nations unies et des pays comme la France.

Pour l’instant, Israël est en train de gagner, ce qui a surpris même les critiques les plus virulents de l’establishment de la défense israélienne. Il a ouvert une fenêtre dans laquelle il dégrade le Hezbollah autant qu’il le peut avant que le groupe terroriste ne crie au scandale ou que l’évolution de la situation internationale – comme les élections aux Etats-Unis – n’indique que le retrait est le meilleur choix.

Les fruits du succès d’Israël pourraient durer des années. Mais le Hezbollah – et son protecteur à Téhéran – travaillent furieusement pour s’assurer qu’ils ne durent pas.

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