Un second tour marqué par le départ spectaculaire de maires de longue date
Une série de victoires-surprises de nouveaux arrivants ont démis de leurs fonctions des maires de longue date, doublant le nombre de femmes à la tête de villes et de conseils
Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le second tour des élections locales en Israël s’est terminé mardi par certains séismes dans la politique locale.
Il a été supposé pendant longtemps qu’il était presque impossible de déloger les maires. En tant qu’institution, le maire israélien est une sorte de campagne politique permanente en lui-même – présent lors de l’inauguration de jardins d’enfants, lors des rassemblements de citoyens préoccupés, réglant les problèmes considérés comme faisant partie du quotidien des électeurs, négociant des arrangements de pouvoir au sein des instances municipales au service de tous les habitants. Les maires semblent être aussi, de manière régulière, abattus en plein vol par les enquêtes pour corruption. Mais pas par les électeurs.
C’est ce qui a changé cette année lors du vote du premier tour dans 251 municipalités, le 30 octobre, et même de manière plus spectaculaire encore au cours des 54 seconds tours du 13 novembre. A Haïfa, Bat Yam, Ashkelon, Ramat Gan, Rishon Lezion, Nahariya, Umm al-Fahm, Tiberias, Petah Tikva, Kiryat Shemona, Raanana et Maalot-Tarshiha, entre autres, des maires ont été poussés vers la porte de sortie par des challengers qui se sont avérés, contre toute attente, forts – certains semblant même émaner de nulle part.
Et cela s’est avéré particulièrement vrai dans deux des quatre plus grandes villes israéliennes : Haïfa et Rishon Lezion. La course à la mairie de Haïfa, décidée le 30 octobre, a permis à la candidate relativement peu connue Einat Kalisch Rotem de faire tomber Yona Yahav, en poste depuis 15 ans. A Rishon Lezion, la quatrième ville d’Israël, Dov Tzur, maire depuis deux mandats, qui avait remporté le score en 2013 de 71 % des suffrages, s’est incliné mardi face à Raz Kinstlich à 47 % contre 53 %.
Et en effet, la sagesse conventionnelle estimant que plus longtemps est maire reste en place, plus il est difficile de le déloger, trouve aujourd’hui ses limites, comme l’a appris à ses dépens Shlomo Buhbut à Maalot-Tarshiha mardi soir, après 42 ans de service.
« Je ne pense pas que qui que ce soit brisera ce record », a-t-il plaisanté mardi soir à l’annonce des résultats.
Chaque course à la mairie présente son narratif unique. A Maalot-Tarshiha, la défaite de Buhbut face au russophone Arkady Pomerantz a représenté un glissement du pouvoir qui est passé des anciens migrants mizrahis à la population russophone plus récemment arrivée.
« J’ai fait venir cette vague formidable d’immigrants », a commenté Buhbut mardi en fin de journée. « Puis l’un d’entre eux m’a dit : ‘Shlomo Buhbut, je te remplacerai’. »
Il a à la fois assumé et vilipendé ce vote russophone qui s’est finalement retourné contre lui, insistant : « Je n’ai rien contre ces gens : je les ai fait venir. Mais il y a eu des malfrats [dans la campagne de Pomerantz]. Ce n’est pas facile de s’attaquer au [chef du parti Yisrael Beytenu Avigdor] Liberman, qui a envoyé ses gens et je suis sûr qu’ils ont dépensé beaucoup d’argent » en soutien à Pomerantz.
En défense de Pomerantz, il est improbable que des magouilles un peu minables aient décidé du vote. La participation a été extraordinairement élevée mardi dans la ville – elle a atteint 59 % contre une moyenne nationale de 43 % – ce qui laisse penser à un fort engagement des électeurs et Pomerantz l’a emporté à une vaste majorité, à 64,5 % contre 35,5 % pour Buhbut. Plus la participation est forte et plus la victoire est déséquilibrée, plus il est dur d’attribuer le résultat final à un autre facteur que le seul désir des électeurs.
On peut peut-être pardonner sa surprise à Buhbut à l’annonce des résultats. D’autres maires inopinément écarté ont partagé le même sentiment.
A Nahariya, le maire Jacky Sabag a terminé son mandat par une plainte laconique : « Après 30 années, j’en suis arrivé à la conclusion que les habitants de Nahariya sont des ingrats ».
Le taux de participation élevé a été une bonne nouvelle pour la diversité.
Seules cinq femmes avaient été désignées à la tête de villes, de municipalités ou de conseils régionaux en Israël au cours du dernier cycle électoral. Après le scrutin de mardi et les victoires au second tour de Hagar Perry Yagur à Pardes Hana-Karkur (avec 54 % des suffrages) et de Yeela Michal Maklis à Yahud-Monson (56 %), ce chiffre a plus que doublé, passant à 13. Tandis que ce chiffre représente seulement 5 % du total des 250 maires et chefs de conseil, les femmes dirigeront certains des centres urbains majeurs au sein de l’Etat juif, notamment Haïfa, Netanya et Beit Shemesh.
A Umm al-Fahm, une ville dirigée pendant 30 ans par des représentants du mouvement islamique, un principal de lycée réformiste et indépendant, le docteur Samir Mahamid, a surfé sur la vague du changement, battant Sheikh Khaled Hamadan.
Un autre signal du nouveau désir de changement des électeurs s’est manifesté dans l’inadéquation des initiatives prises par les partis nationaux sur la scène locale.
Un exemple parmi beaucoup d’autres concerne Bat Yam, où Tzvika Brot, membre du Likud, l’a emporté mardi contre le maire sortant Yossi Becher.
Malgré l’appartenance de Brot au parti au pouvoir du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ce dernier avait apporté son soutien à son adversaire, Becher. Après la victoire de Brot, le maire élu a adopté un ton magnanime, disant mardi soir que : « Le Premier ministre m’a appelé et m’a félicité. Nous avons convenu de nous rencontrer dans les prochains jours et de travailler ensemble sur toutes les questions importantes à Bat Yam. Nous avons évoqué cette grande réussite pour le mouvement du Likud : Pour la première fois en 25 ans, le Likud a remporté la mairie et il est devenu le principal parti représenté au conseil municipal ».
La magnanimité affichée par Brot envers Netanyahu pourrait bien refléter ses futures aspirations – parce qu’il est peu de dire qu’elles ne reflètent pas les initiatives prises en sa faveur par le parti national du Likud. De Bat Yam à Yeruham à Jérusalem, il a été prouvé, au cours de cette élection, qu’il existait un écart significatif entre le parti du Likud et ses branches locales.
Et les électeurs ont semblé capables – et désireux – de compartimenter les politiques nationale et locale.