Un shérif de Floride en guerre contre les « ordures » néo-nazies qui veulent sa mort
Mike Chitwood aanonce qu'il va s'en prendre à la Goyim Defense League, l'une des organisations antisémites les plus importantes des États-Unis
JTA – Après la projection de messages antisémites sur le circuit international de Daytona par des groupes de haine dans son comté américain de la côte est de la Floride, le shérif local a donné une conférence de presse avec un message simple : Il en a assez.
« Nous avons affiché leurs photos, parlé de leurs arrestations et fait savoir à tout le monde quelle bande de voyous répréhensibles vivait au sein de notre communauté et ce qu’elle faisait », a déclaré le shérif Mike Chitwood à la Jewish Telegraphic Agency à propos de la conférence de presse du mois de février. Aux côtés de représentants de groupes juifs, interconfessionnels et minoritaires locaux, le shérif avait annoncé qu’il s’en prendrait aux « salauds » qui avaient commis ces actes.
« Après cela, se souvient-il, tout est parti en vrille ».
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Le groupe qui s’était fait remarquer dans le comté de Volusia était la Goyim Defense League, l’une des organisations antisémites les plus influentes du pays, connue pour son harcèlement des fidèles dans les synagogues et pour avoir tapissé certains quartiers de tracts vantant des conspirations anti-juives.
Les dirigeants du mouvement ont récemment quitté la Californie pour s’installer dans la région, et ils ont choisi la Daytona 500, une grande course de NASCAR qui attire plus de 100 000 personnes sur le circuit, pour faire connaître leur présence antisémite. Ils n’ont pas apprécié la déclaration de guerre du shérif.
Après la conférence de presse, plusieurs hommes ont proféré des menaces de mort à l’encontre de Chitwood, en ligne, allant même jusqu’à harceler sa fille et à envoyer des équipes du SWAT au domicile de ses parents. Des groupes antisémites se sont mis à organiser une manifestation publique pour s’opposer spécifiquement à lui, manifestation qui, selon les services de renseignement de Chitwood, était prévue pour le week-end dernier à Ormond Beach.
Chitwood a donc riposté. La semaine dernière, grâce en partie à son intervention, trois hommes de trois États différents – Californie, Connecticut et New Jersey – ont été arrêtés et inculpés pour avoir proféré des menaces de mort en ligne à son encontre. Deux d’entre eux ont déjà été extradés vers le comté de Volusia.
Samedi, le shérif s’est rendu à l’aéroport pour « accueillir » personnellement l’un des hommes. Il espère ainsi faire passer le message aux groupes haineux plus généralement qu’il entend « maintenir la pression », afin qu’ils sachent qu’ils se heurteront à la résistance des forces de l’ordre s’ils tentent la moindre manifestation publique : « Je pense qu’il leur sera un peu plus difficile de répandre leur propagande ».
Dans un contexte de montée de l’antisémitisme à l’échelle nationale, la question qui se pose est de savoir comment lutter contre les activités antisémites de type « troll » mais non violentes. Alors que les autorités européennes ont engagé des poursuites contre la négation de la Shoah et d’autres sentiments antisémites exprimés dans des publications sur les réseaux sociaux, la législation américaine est moins explicite quant au type de publications en ligne qui constituent une activité criminelle. Selon l’Anti-Defamation League, les activités les plus fréquentes de la Goyim Defense League – distribution de tracts, déploiement de bannières et manifestations publiques – constituent le type d’incidents antisémites qui connaît la plus forte croissance aux États-Unis, mais elles ne constituent pas toujours une violation de la loi. L’année dernière, une contravention pour abandon de détritus dans le Wisconsin a été la première accusation connue aux États-Unis liée à la distribution de matériel antisémite par la Goyim Defense League.
Le problème est particulièrement aigu en Floride, où le nombre de Juifs et d’antisémites avoués est en hausse. Selon Chitwood, l’augmentation de la population juive dans l’État est l’une des raisons de l’afflux des suprémacistes blancs dans la région, au même titre que l’assouplissement de la législation sur les armes à feu en Floride.
Dans cet environnement, l’engagement revendiqué et ferme de Chitwood en faveur d’éradication de l’antisémitisme – dans un comté où les Juifs sont relativement peu nombreux – a donné un nouveau ton. Né dans une famille de policiers de Philadelphie – son père portait l’uniforme de la police et il a été l’auteur d’une biographie dans laquelle il racontait sa propre guerre contre les « ordures » – Chitwood a choisi de s’exprimer dans un clip impitoyable, riche en insultes hautes en couleur en direction de ses adversaires suprématistes blancs (qu’il traite notamment de « clowns » et de « gueules immondes »). Sa passion pour le sujet est évidente lorsqu’il évoque son désir de se dresser contre « le citoyen lambda » antisémite ou contre « le fils du p…e armé qui va entrer dans une synagogue ». Il est encore suffisamment vert dans sa connaissance du sujet pour faire fréquemment la confusion entre l’ADL (Anti-Defamation League) et la « JDL », ou Jewish Defense League – un groupuscule radical d’extrémistes juifs.
Chitwood a attiré l’attention pour ses actions et ses engagements – et il a gagné le respect de la communauté juive.
« Ce shérif n’est pas comme tous les autres, dans un sens », s’exclame Oren Segal, vice-président du Centre sur l’extrémisme de l’ADL. « Il a des méthodes différentes et il s’implique en nous montrant une nouvelle réponse possible à apporter à l’antisémitisme ».
Rob Lennick, directeur de la Fédération juive des comtés de Volusia et de Flagler, est l’un des alliés locaux de Chitwood. La Fédération est connue au niveau local pour ses programmes caritatifs, notamment pour sa banque alimentaire en direction des Juifs de la communauté dans le besoin – et Chitwood entretient une bonne relation avec le groupe.
Lennick fait l’éloge de Chitwood qui, selon lui, « a adopté un positionnement très ferme contre ces néo-nazis, contre ces groupes suprématistes blancs qui se présentent devant notre communauté ». (Lennick est arrivé, l’année dernière, dans le comté de Volusia après avoir quitté la Fédération juive du Nouveau Mexique, qui s’était effondrée après avoir été dénoncée par ses employés pour d’importants dysfonctionnements).
Finalement, la manifestation néo-nazie contre Chitwood qui était prévue samedi n’a jamais eu lieu – même si un groupe imposant de « contre-manifestants professionnels », selon le shérif, ont fait leur apparition, brandissant des drapeaux américains et israéliens et remerciant l’homme pour son combat contre l’antisémitisme. Évoluer dans cette foule interconfessionnelle – un grand nombre de personnes présentes étaient venues de l’extérieur du comté en signe de solidarité – a été une expérience forte pour Chitwood : « Cela a été une véritable leçon d’humilité », dit-il. « Je ne crois pas en avoir encore réalisé la portée ».
Segal refuse de préciser le degré de proximité qui s’est établi entre le bureau de Chitwood et l’ADL. Mais il rend hommage à la liberté de ton de Chitwood et il dit avoir le sentiment d’avoir forgé une forme « d’alliance ».
« C’est facile de condamner quelque chose qui a été commis en violation claire de la loi. Ce n’est pas toujours facile de dénoncer quelque chose qui vient contrevenir aux valeurs de nos communautés parce que c’est haineux, parce que ça fait peur aux gens, parce que ça leur donne un sentiment d’insécurité », explique Segal. Il explique que le fait qu’un si grand nombre de néo-nazis aient dorénavant Chitwood dans le collimateur « crée un lien fortuit entre la police et la communauté juive qui sont toutes les deux harcelées par les antisémites ».
Lennick a conseillé aux Juifs locaux de ne pas venir sur les sites des manifestations – et de ne pas participer aux contre-manifestations. « Vous êtes sur la corde raide », leur a-t-il dit. « Vous ne devez pas alimenter ces sales types ».
Chitwood a, malgré tout, mis un point d’honneur à dénoncer les antisémites dans ses rangs, une manière de les mettre au pilori, avec la certitude que le renforcement de l’attention médiatique à leur encontre permettra de révéler leurs agissements, rendant plus difficile pour eux de conserver un emploi.
« Il y a aujourd’hui une mise en lumière de ces types dans tout le pays », dit Chitwood. « Tôt ou tard, ils vont s’en prendre une. Et il y a toutes ces entités qui observent ce qu’ils font ».
Mais le shérif veut aller plus loin. Il a réclamé l’adoption d’une loi, en Floride, qui l’autoriserait, ainsi que les autres polices de l’état, à lancer des poursuites criminelles contre les individus qui distribuent des prospectus ou qui diffusent des messages « d’intimidation ethnique » dans les propriétés privées.
Jeudi, le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, a ratifié la loi pendant une cérémonie à Jérusalem après que Randy Fine, le représentant juif et républicain de l’état qui en était l’auteur, la lui a présentée dans la ville sainte – DeSantis avait, l’année dernière, qualifié les nazis qui se rassemblaient dans son état de « crétins », mais il avait essuyé des critiques pour ne pas les avoir condamnés avec plus de force. La loi a été rédigée spécifiquement pour s’attaquer aux activités auxquelles se prête régulièrement la Goyim Defense League – y compris le message projeté sur le circuit de Daytona qui avait déterminé Chitwood à s’attaquer au problème – et elle a bénéficié du soutien unanime des deux parties.
« Je suppose que nous devons remercier nos ordures néo-nazies pour avoir uni notre communauté contre la haine ainsi que l’état tout entier de la Floride », a écrit Chitwood sur Twitter après la signature du texte par DeSantis.
« Je considère cette législation comme un nouvel outil que nous pourrons utiliser », dit Chitwood à JTA en évoquant son soutien à la législation. « Vous allez dans des propriétés privées et vous laissez vos prospectus sur le pas de la porte ou dans l’allée : Eh bien, c’est dorénavant un délit ».
Chitwood reconnaît que la police peut souvent répondre trop lentement aux crimes d’intimidation ethnique – et en particulier au harcèlement sur internet, ce qui entrave ses capacités à s’attaquer à une menace commune.
Il reconnaît franchement les défaillances de la police s’agissant de prendre en charge de tels comportements. Le fait qu’il soit lui-même shérif, note-t-il, signifie qu’il a été plus facile pour lui d’amener les auteurs des menaces de mort publiées en ligne, depuis l’extérieur de l’état, devant les tribunaux. Et, continue-t-il, une large coopération qui serait mise en place entre les différentes entités responsables de l’application de la loi, dans la lutte spécifique contre l’antisémitisme en Floride, n’existe pas encore : A l’exception de la communication avec des shérifs des comtés voisins et avec le FBI, les initiatives de collaboration au sein de la communauté policières sont lentes à se concrétiser.
Mais, dit-il, il reste ferme dans sa détermination à lutter contre la haine antijuive – au moins dans son comté. « C’est personnel », s’exclame-t-il. « C’est ma communauté ».
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