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Un tour en bateau pour sauver la mer Morte révèle les merveilles de son évaporation

Noam Bedein et Ari Fruchter s'efforcent de sauver ce trésor écologique en sensibilisant les touristes à l'aide de visites immersives et en créant un musée d'art de la mer Morte

Des passagers s'aventurent dans les eaux de la mer Morte depuis le bateau de Noam Bedein lors d'une récente excursion. (Crédit : Noam Bedein)
Des passagers s'aventurent dans les eaux de la mer Morte depuis le bateau de Noam Bedein lors d'une récente excursion. (Crédit : Noam Bedein)

MER MORTE, Israël (JTA) – En tant que propriétaire du deuxième bateau à avoir sillonné la mer Morte ces 75 dernières années, Noam Bedein s’y connaît mieux que quiconque en eaux salées. Récemment, ses excursions lui ont permis de découvrir des sites que ni lui ni personne d’autre n’avait jamais vus.

Quelques jours avant la Journée mondiale de l’eau, fin mars, Noam Bedein est tombé sur un affluent bouillonnant qui se jette dans la mer et qu’il a baptisé « la rivière de Jérusalem ». Le ruisseau, les animaux qui l’entourent et la plage qu’il traverse ont été submergés par les eaux au milieu des années 2000. Bedein et son partenaire, Ari Fruchter, pensent être les premières personnes à y avoir mis les pieds.

Cette expérience se répète et est paradoxale pour Bedein : il s’est donné pour mission de sauver la mer Morte, mais, au fur et à mesure qu’elle s’assèche, elle dévoile de nouvelles merveilles.

« La vie se fraie un chemin à travers les ravages », a déclaré Bedein à la Jewish Telegraphic Agency lors de l’une des premières excursions de son bateau.

Bedein est le dernier militant en date à s’attaquer à un problème qui tourmente Israël : comment sauver cette merveille écologique et cette attraction touristique, qui est en train de disparaître à cause des pénuries d’eau, de l’industrie et du changement climatique. L’approche de l’organisation à but non lucratif de Bedein et Fruchter, le Dead Sea Revival Project, consiste à sensibiliser les gens à la disparition de la mer Morte en les invitant à s’en rendre compte par eux-mêmes.

Les visites immersives en bateau de Bedein offrent aux visiteurs « une rencontre intime qui crée une connexion et favorise une meilleure compréhension » de la mer Morte, a-t-il déclaré à la JTA.

Les chances de sauver la mer Morte sont faibles. Située entre Israël et la Cisjordanie à l’ouest et la Jordanie à l’est, elle est le point le plus profond de la planète, sa salinité est près de 10 fois supérieure à celle de l’océan et elle est réputée pour ses boues thérapeutiques. En 2019, selon les registres du ministère israélien du Tourisme, c’était le troisième site le plus visité du pays, après Jérusalem et Tel Aviv, attirant un million de touristes par an, a rapporté le quotidien économique israélien The Marker.

La mer Morte est également un véritable moteur économique pour Israël, ce qui, ironiquement, constitue une menace pour la durabilité de la mer. Selon une étude de marché publiée l’an dernier, le marché des cosmétiques à base de boue de la mer Morte devrait valoir 2,6 milliards de dollars d’ici 2031. Les usines chimiques produisant les cosmétiques, qui extraient la potasse et le brome de la région, sont situées à la fois en Israël et en Jordanie, pompant quelque 232 milliards de litres d’eau de mer par an au total en 2018, selon NBC.

Cette extraction, ainsi qu’une réduction du flux d’eau provenant du Jourdain, a entraîné l’assèchement de la mer Morte ces dernières décennies. En 2022, un rapport du gouvernement israélien indiquait que depuis 1980, la mer avait perdu environ 40 % de son volume et qu’elle reculait de plus d’un mètre par an. Selon Bedein, la perte d’eau de la mer Morte équivaut à 600 piscines olympiques par jour. Il a ajouté que 98 % de la partie israélienne de la mer Morte est inaccessible par voie terrestre, en grande partie à cause des milliers de dolines qui se sont formées dans la mer.

Le bassin sud de la mer Morte, appelé Ein Bokek et bordé d’hôtels, a été déconnecté de la partie nord. Aujourd’hui, la « mer » d’Ein Bokek est en fait constituée de bassins d’évaporation de 3.6 m de profondeur, entièrement artificiels. Selon Bedein, la plupart des touristes qui fréquentent les hôtels n’ont aucune idée que ce n’est pas la mer Morte.

« Quel que soit votre angle, Il n’y a pas de pilule magique pour résoudre ce problème, et c’est pourquoi rien n’a été fait jusqu’à présent », a déclaré Nadav Lensky, responsable de l’Observatoire de la mer Morte au Service géologique d’Israël, à la JTA. « Chaque solution envisagée soulève ses propres problèmes. »

La mer Morte a perdu 40 % de son volume au cours des dernières décennies. (Crédit : Noam Bedein)

Originaire de l’implantation de Tekoa en Cisjordanie, Bedein, 41 ans, travaillait dans le domaine de la sensibilisation à Israël dans la ville de Sderot, à la frontière de Gaza, avant de s’intéresser à la mer Morte. Photo-journaliste environnemental de formation, il a braqué son objectif sur cette étendue d’eau, dans l’espoir de montrer au public ce à quoi elle ressemble réellement – et les dégâts écologiques qui en résultent – lorsqu’un grand lac d’eau salée disparaît.

Pour ce faire, il a convaincu le gouvernement israélien de l’autoriser à naviguer en bateau sur la mer Morte, une quête qui a nécessité plus d’un an pour franchir les obstacles bureaucratiques. Depuis la guerre d’indépendance de 1948, ce n’est que le deuxième bateau à avoir navigué sur la mer Morte. Le bateau, qui peut accueillir jusqu’à 13 passagers, fait jusqu’à trois traversées par jour, trois fois par semaine. À partir de septembre, il fonctionnera cinq jours par semaine. Bedein dit avoir accueilli entre 400 et 500 personnes dans le cadre d’excursions privées.

Il se dit parfaitement conscient que l’objectif final de sauver la mer Morte est « bien au-delà de [ses] capacités personnelles », mais cela ne l’empêche pas d’accomplir sa mission.

« C’est un projet qui me fascine et me motive », a-t-il déclaré.

Les deux heures que dure une traversée en bateau sont remplies de merveilles. Lors d’une récente sortie, les formations de sel d’un blanc aveuglant ressemblaient à des glaciers ou à des pénitentes, et contrastaient avec la roche rougeâtre et brutale du désert de Judée. Les terrasses graduelles taillées dans la falaise semblaient artificielles, mais chaque marche d’un mètre de haut correspond à un nouvel été durant lequel les eaux de la mer Morte se sont évaporées.

Une caverne de sel perchée sur un rocher à plusieurs mètres au-dessus du niveau de la mer surprend Bedein. Il faut dire qu’il n’est pas venu dans la région depuis au moins trois ans. Fouillant dans une pile de photographies, Bedein montre aux passagers du bateau une photo de la même caverne datant de 2016, dont l’embouchure se trouve au niveau de la mer. Il prend une photo de la caverne nouvellement surélevée. Les images côte à côte ont été présentées dans le cadre d’une exposition de photos en accéléré marquant la Journée de la Terre de cette année au centre culturel d’Arad, une ville située à un peu plus de 27 km à l’ouest de la mer Morte.

« La densité de l’eau est palpable sur le bateau et les embruns amers et collants sur le visage et les lèvres », explique Naomi Verber, qui se trouvait à bord avec son bébé. « Les formations de roches salines sont d’un autre monde, comme si l’on voyait la transition entre la mer et la terre en animation suspendue. »

Bedein affirme que l’enfant de Verber était « le premier nourrisson à naviguer sur la mer Morte depuis au moins 100 ans ». Il n’est pas certain que cela soit vrai. Selon Orit Engelberg-Baram, une historienne de l’environnement qui a consacré sa thèse de doctorat à la mer Morte, a déclaré à la JTA qu’un bébé aurait pu avoir navigué sur ses eaux lors de l’évacuation du kibboutz Beit HaArava, situé dans ce qui est aujourd’hui la Cisjordanie, pendant la guerre d’indépendance d’Israël en 1948.

La décrue des eaux de la mer Morte a révélé de nouvelles formations rocheuses. (Crédit : Noam Bedein)

Fruchter, mène de son côté, une action de sensibilisation à la crise écologique de la mer Morte en collectant des fonds pour construire le musée d’art de la mer Morte sur une parcelle de terrain d’un peu plus de deux hectares à Akko. Le musée, qui espère attirer un demi-million de touristes par an une fois construit, combinera des expositions sur l’innovation technologique en matière de climat et des installations artistiques multimédias dans un bâtiment neutre en carbone, afin d’éduquer les gens sur la mer et, dans un avenir sombre mais néanmoins probable, de la commémorer.

Si l’activité industrielle autour de la mer est souvent tenue pour responsable de son appauvrissement, elle n’est pas la principale coupable, selon Bedein. D’après lui, les usines chimiques contribueraient à 30 % du problème, les 70 % restants étant dus à l’assèchement de la source d’eau du Jourdain.

Lensky explique qu’il y a 60 ans, un milliard de mètres cubes d’eau s’écoulait du Jourdain vers la mer Morte. Aujourd’hui, moins de 10 % de cette quantité atteint la mer Morte. Cela s’explique en partie par la construction de barrages autour du fleuve Yarmouk, qui coule entre Israël, la Jordanie et la Syrie, et en partie par le fait que la Jordanie, l’un des pays les plus secs du monde, n’a pas les moyens d’assurer à la fois l’approvisionnement en eau de sa population et la régénération de la mer Morte. La Jordanie, la Syrie et Israël puisent dans le bassin du lac de Tibériade l’eau qui, autrement, se déverserait dans la mer Morte.

Bedein ajoute que les usines chimiques attirent l’attention sur la mer Morte, ce qui est un point positif à ses yeux.

« Ce qui compte, ce n’est pas le volume d’eau pompé dans la mer Morte, mais le volume d’eau qui y pénètre », a-t-il déclaré. « Il est très simpliste de blâmer les usines. Si vous fermez toutes les usines demain, c’est toute l’industrie d’Ein Bokek qui disparaîtra, et la prise de conscience sera encore plus faible. »

Selon les chercheurs, la solution pour sauver la mer Morte serait d’y réinjecter de l’eau douce, ou de « rétablir son débit historique », comme le dit Bedein. Mais pour Lensky, c’est plus facile à dire qu’à faire.

« Nous n’avons pas d’eau douce dans la région, et si nous voulions en créer, le prix serait élevé, tant sur le plan environnemental qu’économique », a-t-il déclaré.

Plusieurs projets, planifiés dans le cadre de la coopération entre le gouvernement israélien et plusieurs pays, visant à limiter l’évaporation de la mer Morte ont été lancés, dont le projet de construire un canal pour réalimenter la mer Morte avec de l’eau dessalée provenant de la mer Rouge, connu sous le nom de « Red-Dead Canal » (canal rouge-mort). Ce projet, comme d’autres, a suscité sa part de controverse, notamment en raison des risques environnementaux qu’il fait peser sur le golfe d’Aqaba et la mer Morte elle-même.

Bedein n’est pas très optimiste quant à ces initiatives. La dernière réunion du comité de la Knesset pour la sauvegarde de la mer Morte, à laquelle Bedein a assisté, a eu lieu en 2017. Les cinq scrutins électoraux qui ont eu lieu en Israël depuis 2019 n’ont pas arrangé les choses, dit-il. « Le gouvernement change tous les ans ou tous les deux ans, ce n’est pas une priorité et il n’y a tout simplement personne à qui s’adresser », a-t-il déclaré.

Jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée, Bedein continuera à faire naviguer les passagers sur son bateau et à s’émerveiller des nouveaux éléments qui apparaissent à mesure que le niveau de la mer s’abaisse.

« Ici, nous avons la chance de découvrir des paysages inexplorés pour la première fois », a-t-il déclaré. « C’est une véritable source d’inspiration. »

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