Un tribunal bloque la vente controversée d’une lettre datant de la Shoah
Cette décision fait suite au refus d'un militant ultra-orthodoxe membre d'une commission de Yad Vashem de rendre la lettre écrite par Rachel Mintz, tuée à 16 ans pendant la Shoah
Le tribunal de Tel Aviv a délivré une injonction contre la vente d’une lettre écrite par une jeune fille tuée pendant la Shoah après le lancement d’une procédure judiciaire par des membres de sa famille visant à empêcher un important militant ultra-orthodoxe de la proposer lors d’une vente aux enchères.
La lettre, l’une des nombreuses à avoir été mises aux enchères dans un lot mardi soir, a été écrite par Rachel Mintz, une jeune Juive de Pologne, lorsqu’elle avait 11 ans. Elle y décrit la vie en Pologne en 1937 et son désir d’immigrer en Israël.
Mintz était la plus jeune de cinq frères et sœurs. Ses frères plus âgés ont fui à l’est et ont survécu à la Shoah alors qu’elle et sa mère sont restées en Pologne et se sont cachées. Elles ont finalement été assassinées après qu’un Juif de la ville a informé les Allemands du lieu de leur cachette. Elle avait 16 ans.
La lettre a été retrouvée avec d’autres courriers envoyés par des enfants juifs de Pologne et devait être apportée à des enfants d’une école de Haïfa. Le principal de l’école a rapporté les lettres chez lui, lesquelles sont revenues, après sa mort, entre les mains d’un marchand qui les a vendues.
Elles sont ensuite allées à Dudi Zilbershlag, un homme d’affaires, militant et journaliste ultra-orthodoxe membre d’une commission du musée de Yad Vashem. Il les a alors proposées à la maison d’enchères Dynasty.
Lorsque les survivants de la famille Mintz ont entendu parler de la vente, ils ont entamé une procédure judiciaire pour récupérer la lettre, mais, lors d’une audience initiale, des représentants de la maison d’enchères ont proposé de la leur céder pour 10 000 dollars. Les représentants ont refusé la demande de la famille et du juge de la transférer à Yad Vashem.
Lors de l’audience initiale, le juge, Erez Yakuel, a demandé à Dudi Zilbershlag : “Est-ce parce que vous faites partie de Yad Vashem que je devrais vous enseigner à faire une mitzvah et à donner la lettre à Yad Vashem au lieu de la vendre ? »
« Je veux que vous compreniez que cette lettre n’est pas simplement un objet de collection. C’est un objet personnel, de mémoire familiale, et peut-être le dernier d’un membre de notre famille qui a péri dans la Shoah », a écrit Adva Lotan, la nièce de Mintz, sur Facebook.
« Je demande sincèrement à ce que la vente de cette lettre soit bloquée et qu’on nous aide à nous assurer qu’elle n’ira pas à une personne privée, mais qu’elle sera conservée dans un endroit qui honore la mémoire de ma tante ».
En réponse, Zilbershlag a déclaré que l’arrêt de la vente lui causerait un préjudice financier « irréparable ». Pourtant, cela n’a pas empêché le juge de bloquer la vente et de statuer que Zilbershlag doit négocier avec la famille pour trouver une solution.
« C’est inacceptable moralement et profondément honteux que quiconque essaie de faire commerce d’objets personnels, de documents de victimes de la Shoah ou de l’époque de la Shoah », a déclaré Yad Vashem dans un communiqué.
« La place appropriée pour ces documents historiques et délicats est dans des institutions réputées et professionnelles comme Yad Vashem, le centre de commémoration internationale de la Shoah, où des experts peuvent mener des recherches détaillées, où l’on peut les conserver efficacement et où ces documents sont utilisés comme des témoignages historiques pour les besoins de la recherche, de l’éducation et de la commémoration », précisait le communiqué. « Yad Vashem a contacté la personne qui détient les lettres et lui a expliqué que leur place convenable était dans les archives de Yad Vashem ».
Le mémorial a souligné que Zilbershlag n’était pas un employé de l’institution.
« Il sert dans les commissions de directoire et de conseil, a déclaré un porte-parole. Ces postes sont pourvus via des nominations politiques et sur une base de volontariat ».