Une ado écrit une chanson en hommage à son professeur tué le 7 octobre
Yaara Cohen a interprété "Le Pamplemoussier" lors d'un événement organisé à la bibliothèque nationale à l'occasion de Yom HaZikaron, en mémoire de Shlomi Mathias, tué au kibboutz Holi avec son épouse
Yaara Cohen a pleuré la mort de son professeur de musique de longue date, Shlomo Matias, et celle de son épouse, Deborah Mathias, qui ont été tués par les terroristes du Hamas alors qu’ils se trouvaient chez eux, le 7 octobre. Dans l’épreuve du deuil, dit cette musicienne passionnée, elle a voulu leur rendre hommage. Un hommage qui a finalement pris la forme d’une chanson.
« C’est venu tout seul, une chanson toute entière », dit Cohen. « Celle qui est écrite dans mon cahier est identique à celle que j’interprète aujourd’hui ».
La chanson s’appelle « Le Pamplemoussier » et Cohen l’a interprétée à la Bibliothèque nationale de Jérusalem dans le cadre d’un événement organisé jeudi, en amont de Yom HaZikaron, et intitulé : » Souffrances et amour : la bande originale de la commémoration israélienne ».
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Elle a été la seule jeune inconnue à se produire et elle a partagé la scène avec des chanteurs de premier plan, comme le rockeur Berry Sakharov, l’auteur-compositeur-interprète Micha Sheetrit, le compositeur Shem Tov Levi ou la chanteuse Aya Zahavi Feiglin.
Pour Cohen, c’est un rêve devenu réalité – qui est né du pire de ce qu’elle a pu connaître au cours de ses seize courtes années de vie.
Elle explique avoir composé la chanson parce qu’elle aimait énormément Mathias, ce professeur de musique qui dirigeait la chorale de l’école élémentaire où elle était inscrite. C’est lui qui avait été l’enseignant de Cohen et de ses camarades de classe du CE2 et jusqu’à la Sixième à Ein Habesor, le district scolaire qui réunit les communautés frontalières de Gaza.
Cohen déclare que son professeur aura su la guider d’une main de maître dans son apprentissage musical, pendant toutes ces années.
« Il était bien davantage que mon professeur, il était mon ami », s’exclame Cohen, qui joue de la guitare, du piano et qui aime tout particulièrement les chanteurs israéliens classiques comme Arik Einstein et Yoni Rechter, ainsi que le jazz. « Je me l’imaginais déjà assistant à mon récital, lors de la remise des diplômes en Terminale ».
Se souvenant de ses années à l’école élémentaire, Cohen raconte que Mathias était « un prof qui avait un sourire énorme, je n’avais jamais vu ça auparavant ». Lors des fêtes qui étaient organisées au sein de l’établissement, « il me donnait toujours les solos », s’amuse-t-elle.
Cohen vit au moshav Ein Habesor, dans le sud du pays – elle se trouvait pourtant, par chance, à Eilat avec sa famille en date du 7 octobre, quand les terroristes du Hamas avaient pris d’assaut la région, tuant près de 1 200 personnes et kidnappant 252 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza.
En l’espace de quelques jours, toute la communauté du moshav avait été évacuée et installée à Eilat. Elle et sa famille devaient y passer trois mois dans un hébergement d’urgence, à l’hôtel.
« J’ai vécu tout ce qui s’est passé de loin », note-t-elle, « avec les coups de téléphone et les messages de mes camarades de classe, sur WhatsApp. Tout le monde envoyait des messages en disant qui avait été tué et qui avait été kidnappé. On avait l’impression d’être dans un film ».
Les noms des défunts et des kidnappés ont afflué, ce jour-là et les jours suivants – et soudain, le nom de Mathias et de son épouse, Deborah Mathias, « Sahar » pour ses proches, se sont affichés. Ils vivaient au kibboutz Holit.
Tous les deux avaient été abattus alors qu’ils protégeaient de leur corps leur fils, Rotem, un adolescent de 16 ans. La balle qui avait tué Deborah Mathias avait terminé sa course dans l’estomac de Rotem, qui avait survécu. Les sœurs aînées de Rotem, Shaked et Shir, s’étaient cachées ailleurs pendant le massacre commis par les hommes du groupe terroriste.
Cohen s’était rendue à un service de commémoration qui avait été organisé 30 jours plus tard sur la tombe de son professeur – une tombe sur laquelle les trois enfants du couple avaient fait graver les mots d’une chanson de Matti Caspi : « Alliance éternelle ».
« Ensuite, je suis revenue à l’hôtel où j’avais mon clavier et quatre guitares ; je me suis assise au piano et tout est sorti tout seul », raconte Cohen.
Le ciel est bleu,
Un pamplemoussier se dresse dans la cour.
Des gamins courent autour
Les souvenirs sont portés par le vent.
Des notes de Matti Caspi
gravées sur ta stèle.
Dans les profondeurs de la Terre, toi et elle vous tenez la main.
Le ciel pleure
Parce que certains ne devraient pas mourir.
Le ciel est en colère
Il pleut dans le cimetière.
« C’est tout ce que j’ai réussi à faire au cours de ces premiers mois », explique Cohen. « Je me suis contentée de jouer et d’écrire des chansons, j’ai joué sans m’arrêter. C’est comme ça que j’ai géré ce qu’il s’est passé. Cela a été comme une thérapie pour moi ».
Après avoir écrit sa chanson, l’adolescente a été mise en contact avec les initiateurs du projet The Music People, mis en place par des membres de l’industrie musicale qui se sont rassemblés dans les semaines qui ont suivi le 7 octobre – proposant aux musiciens de jouer pour les survivants et pour les évacués du Nord et du Sud du pays.
Les organisateurs ont aussi fait appel à de jeunes artistes moins connus en provenance du Nord et du Sud d’Israël – notamment à Cohen – leur permettant d’enregistrer leurs chansons.
« Cela a été comme un rayon de lumière dans toute cette obscurité », déclare Cohen en évoquant l’enregistrement de sa chanson. « C’est un rêve qui est devenu réalité dans la pire période de ma vie, et qui continue encore ».
Cohen pense que feu son professeur aurait aimé la voir chanter sur la scène de la Bibliothèque nationale.
« Le Pamplemoussier » n’est que le début pour Cohen, qui dit réfléchir à faire un album regroupant les chansons qu’elle a écrites, depuis le début de la guerre, en hommage à Matias et à d’autres disparus du 7 octobre.
« Je veux être musicienne et je veux chanter ces chansons dans le monde entier », explique-t-elle. « Si c’est un monde qui est dorénavant sans Shlomi, au moins cet hommage-là sera toujours vivant ».
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