Une défaite cinglante pour Abbas mais pas de victoire criante pour Israël
Netanyahu a persuadé le Nigeria de s’abstenir mais n’a réussi à obtenir que le « non » des Etats-Unis et de l’Australie
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Après de nombreux mois, la proposition des Palestiniens pour imposer ses conditions à Israël par l’intermédiaire des Nations unies a pris fin sous la forme d’un échec cuisant mardi soir, lorsque le Conseil de sécurité a rejeté la résolution S/2014/916. Les États-Unis n’ont même pas eu à recourir à leur veto.
Cette défaite est inattendue et embarrassante. Peu de temps avant le vote, les Palestiniens avaient affirmé – des dires confirmés par les responsables israéliens – que neuf pays avaient l’intention de soutenir la résolution, chiffre qui aurait constitué la majorité nécessaire pour faire passer la résolution et aurait obligé les Etats-Unis à exercer leur droit de veto.
Mais au moment de vérité, le Nigeria s’est étonnamment abstenu. Forçant une proposition pour trouver une solution au conflit dans un délai d’un an et un retrait israélien dans les trois ans, il manquait une voix au président de l’AP Mahmoud Abbas pour faire adopter cette résolution.
Attendez-vous à ce que les hommes politiques et les experts en Israël passent les prochains jours à débattre pour savoir si le vote 8 voix contre 2, avec 5 abstentions, a été un désastre qui souligne l’isolement international croissant du pays, ou un exemple de l’excellence de la diplomatie israélienne, dans la mesure où le Nigeria a pu être persuadé de changer sa position à la dernière minute. [Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est entretenu avec les dirigeants du Rwanda et du Nigeria avant le vote ; le Rwanda, moins étonnamment, s’est également abstenu, comme l’a fait la Grande-Bretagne, la Corée du Sud et la Lituanie.]
Les Palestiniens ont manifestement subi un revers. Mais Israël ne peut prétendre avoir obtenu une victoire spectaculaire. Le fait qu’ Israël a rassemblé uniquement l’opposition des États-Unis et de l’Australie montre qu’il n’existe pas de véritable empathie internationale pour les préoccupations d’Israël.
Même les pays qui se sont abstenus ont clairement indiqué qu’ils soutenaient de nombreuses dispositions de la résolution palestinienne. Le Royaume-Uni, par exemple, « soutient une grande partie du contenu du projet de résolution. C’est donc avec un profond regret que nous nous sommes abstenus sur ces parties-là », a indiqué l’ambassadeur de Londres à l’ONU Mark Lyall Grant.
Peut-être que la meilleure façon de considérer ce vote est de souligner qu’il a mis en évidence un soutien qui s’effrite pour les positions israéliennes, alors même que la réticence à approuver une solution imposée prévalait.
Le message est clair : la communauté internationale en a assez du conflit israélo-palestinien, et elle estime qu’un accord négocié est la meilleure façon de le résoudre. D’une façon ou d’une autre, elle souhaite qu’Israël se retire rapidement de Cisjordanie pour permettre la création d’un Etat palestinien.
Israël a obtenu un peu de répit, rien de plus. Le négociateur palestinien Saeb Erekat a déjà évoqué le fait de revenir au Conseil de sécurité lorsque les membres du conseil seront mieux disposés envers les Palestiniens.
Au vu de la façon dont les événements se sont déroulés, les Palestiniens étaient apparemment convaincus qu’ils auraient les neuf votes nécessaires, et ont fait un mauvais calcul sur la position du Nigeria. S’ils avaient attendu seulement deux jours de plus (et le remplacement de la Corée du Sud par la Malaisie au Conseil de Sécurité), ils n’auraient pas été vaincus.
La plupart des huit votes ‘Pour’ étaient depuis longtemps tout à fait prévisibles. Personne n’a été choqué que la Jordanie, le Tchad et le Chili aient voté en faveur de cette résolution qui est une liste de souhaits palestiniens ignorant les réserves israéliennes.
Personne n’a été extrêmement surpris, non plus, que la Chine, la Russie, l’Argentine et même le Luxembourg, bien qu’il soit censé être un allié, aient également soutenu une résolution qui mettrait « l’avenir [d’Israël] en péril » selon les mots du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Il y a une forme d’affinité naturelle et d’amitié entre l’ancien peuple de la Chine et l’ancien peuple d’Israël. Nous avons tous deux nos racines dans de merveilleuses traditions, mais nous sommes déterminés à nous tourner vers le futur », avait déclaré Netanyahu à la vice-première ministre chinoise Liu Yandong en mai.
Car pour Beijing, le futur inclut évidemment la création d’un Etat palestinien dans les 12 mois, accompagné « d’un retrait complet effectué par étape des troupes d’occupation israéliennes pour mettre fin à l’occupation » d’ici décembre 2017.
Mais, à bien des égards, le vote ‘Pour’ de la France a pu apparaître stupéfiant. Le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem a été complètement pris au dépourvu quand il a été révélé, quelques heures avant le vote, que Paris avait changé sa position et avait l’intention de voter en faveur de Ramallah.
Les diplomates français avaient passé des semaines à travailler sur leur propre résolution, plus « modérée », qui aurait donné à Israël plus de temps pour se retirer et comprenait plusieurs dispositions plus au goût d’Israël, y compris un libellé plus acceptable sur la question des réfugiés.
Les Palestiniens ont refusé d’adopter la version française, et ont présenté leur propre résolution, en effectuant quelques changements en cours de route qui ont rendu le texte encore moins acceptable pour Jérusalem.
Le projet final a ajouté « la libération des prisonniers palestiniens » à la liste des questions en suspens qui nécessitent une « solution juste » et a exigé la cessation de toute activité d’implantation israélienne, y compris à Jérusalem-Est.
Bien qu’une version antérieure ait parlé de Jérusalem comme la « capitale partagée des deux Etats », la version de lundi affirmait explicitement que Jérusalem-Est sera la capitale de l’Etat de la Palestine et envisageait « une résolution juste du statut de Jérusalem en tant que capitale des deux Etats ».
Et pourtant, Paris a dit oui. « La France a voulu offrir une alternative constructive, raisonnable et consensuelle au projet initial palestinien », a expliqué François Delattre, ambassadeur auprès de l’ONU.
Le texte palestinien, soumis au vote par la Jordanie, n’était « pas idéal » a-t-il admis. Mais en dépit de « réserves sur certaines de ses formulations », il a voté en sa faveur parce que le processus de paix doit avancer et que la communauté internationale « doit partager le poids de ces négociations ».
Il y a un an, le 18 novembre 2013, Netanyahu avait souhaité la bienvenue au président français François Hollande à la Knesset. Hollande est un « véritable ami d’Israël » avait alors déclaré le Premier ministre à l’époque.
« Nous vous remercions pour votre appui solide quant à nos efforts pour renforcer la sécurité d’Israël et établir une véritable paix avec nos voisins. »
On se demande s’il dirait la même chose aujourd’hui.