Une exposition à Yad Vashem retrace l’espoir sioniste pendant la Shoah
"Ils disent qu’il y a une Terre" expose des œuvres, des lettres, des photos et des cartes faites à la main par des Juifs persécutés qui ont vu le sionisme comme une lueur d’espoir
- Des immigrants clandestins sur le pont du Pan York le jour de l'arrivée en Israël, le 14 août 1948 (Crédit : Yad Vashem Archives)
- Une estampe que le docteur Philip Herman avait commandé à un artiste dans le ghetto en cadeau à son nouveau petit-fils Yoram, né en Israël. Elle exprime le désir de Herman de rejoindre sa fille, Esther, et son nouveau petit-fils en Israël. Il a été assassiné à Auschwitz. (Crédit : Yad Vashem Archives)
- Une serviette brodée de photos et d'inscriptions en allemand, exprimant les sentiments et les émotions des Juifs à la citoyenneté polonaise expulsés d'Allemagne vers Zbaszyn, en Pologne (Crédit : Archives Yad Vashem)
- Une enseignante et son élève près d'une carte de la terre d'Israël au ghetto de Łódź, en Pologne (Crédit : Yad Vashem Archives Collection)
- Une carte d'Emil Landau à sa soeur Elina. Elle illustre le voyage vers la terre d'Israël. Emil a été tué pendant la guerre d'Indépendance. (Crédit : Yad Vashem Archives)
La nouvelle exposition de Yad Vashem, « Ils disent qu’il y a une Terre », est un récit puissant retraçant le désir vieux de 2000 ans du peuple juif de retourner vers la Terre d’Israël. L’envie est devenue encore plus forte pendant la Shoah.
Le musée de la Shoah basé à Jérusalem a créé l’exposition en l’honneur du 70e anniversaire de l’Etat d’Israël. L’exposition souligne l’importance historique et religieuse d’Israël pour le peuple juif, avant de s’intéresser au lien des Juifs européens à la terre sainte à travers le sionisme entre 1933 et 1948
Les survivants de la Shoah dont les objets sont exposés et les conservateurs du musée ont rencontré des membres de la presse mardi matin après l’ouverture de l’exposition au grand public plus tard dans la journée.
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Les contenus de l’exposition, des œuvres d’enfants, des lettres aux proches, des photos et des cartes faites à la main – sont suspendus aux murs couleur bleu marine fraîchement peints et sont posés dans des boîtes en verre qui n’ont visiblement pas d’empreintes. La collection présente une vision du Sionisme comme une lueur d’espoir – de liberté pour un peuple juif désespérément piégé dans les griffes d’Hitler.

L’exposition est divisée en trois parties. La première dresse le portrait des Juifs d’Europe avec Israël pendant l’arrivée d’Hitler et l’éclatement de la guerre. La deuxième section se concentre sur la période entre 1940 et 1944 qui a vu les Juifs être déportés en camps de concentration et leur extermination. Enfin, l’exposition observe la libération des camps et la lutte des survivants pour immigrer légalement vers la Palestine alors sous mandat Britanniques.
La dernière partie présente des éléments historiques souvent oubliés, rappelant les camps de réfugiés juifs à Chypre et les nombreuses tentatives infructueuses pour atteindre les côtes d’Israël entre la fin de la guerre en 1945 et l’indépendance israélienne en 1948.
Selon le président de Yad Vashem Avner Shalev, « l’aspiration à Israël était la pierre angulaire de la construction de l’identité juive et nationale à travers des générations. Cela a toujours évolué, mais c’était présent ».

« Avant la Seconde Guerre mondiale, la majorité des Juifs d’Europe n’était pas sioniste, et ensuite après la victoire des alliés, la majorité était sioniste. Quelque chose a changé en ce qui concerne Israël et le mouvement sioniste », a déclaré Shalev.
« Les survivants se sont dit ‘Nous devrions venir en Israël et soutenir le pays. C’est le chemin qui assurera notre survie, a-t-il déclaré. Je ne suis pas en train de dire que la Shoah a conduit à la création de l’Etat d’Israël – pas du tout – mais d’autres idées juives ont disparu, alors que le sionisme a survécu ».
L’aspiration pour Israël lors de cette période est peut-être la plus clairement observée à travers l’évolution du ton dans les lettres écrites par les Juifs d’Europe.
Vivian Uria, la directrice de la division des Musées de Yad Vashem et la conservatrice en chef de l’exposition, a déclaré qu’elle voit une modification dans le langage de la correspondance juive entre 1940 et 1944. Uria a déclaré que le lien à Israël a commencé à s’articuler de manière plus constante comme un désir sioniste, plutôt qu’un idéal religieux abstrait.
Par exemple, l’auteur Baruch Milch, qui a pensé qu’il n’arriverait jamais en Israël alors qu’il se cachait en Pologne, a écrit à son cousin en 1944 au sujet de l’importance d’un état juif indépendant.
« Je t’écris cette lettre comme quelqu’un qui a été condamné à mort et qui attend son exécution puisque c’est ma situation maintenant… les Juifs ont besoin de liberté… Ce n’est qu’en Palestine [mandataire] qu’ils pourront obtenir l’indépendance, et c’est seulement là que le messie apparaîtra… ne reste pas silencieux ; travaille jour et nuit jusqu’à ce que tu atteignes cet objectif », a écrit Milch.
Milch a finit par arriver sur le sol israélien en mai 1948, et ses mots sont maintenant fièrement exposés à Yad Vashem.

Le professeur Dina Porat, historienne en chef de Yad Vashem et la conseillère historique de l’exposition, a dit que seulement 10 % des Juifs européens étaient sionistes avant la Shoah, mais l’influence de ce petit groupe s’est diffusée à travers les ghettos et les camps.
« Pour les Juifs pendant la Shoah, la question principale était de survivre. Et où se situe Israël dans tout cela ? Ce n’est pas concret, mais c’est pourtant quelque chose à quoi on peut se raccrocher », a déclaré Porat.
Soulignant que deux tiers des survivants de la Shoah sont partis vers Israël à leur libération des camps, Porat a dit que les mouvements de jeunesse sioniste dans les ghettos et dans la clandestinité ont été cruciaux pour rendre l’idéologie plus tangible à la jeune génération. Porat a dit que les mouvements de jeunesse étaient particulièrement efficaces quand il s’agissait de coordonner les évacuations en Israël.
Elina Landau, une survivante de la Shoah, a fait don à l’exposition d’une carte qui a été dessinée par son frère, Emil, du voyage vers Israël des frères et sœurs. Landau et son frère étaient parmi les enfants emmenés en Israël grâce à l’organisation de jeunes Gordonia Sioniste.

Le frère de Landau lui a offert la carte pour son dixième anniversaire le 7 septembre 1943, peu après leur arrivée en Israël.
Se tenant devant le boîtier qui protège la carte, Landau a parlé de leur voyage depuis Varsovie vers la Terre promise à travers la Sibérie, l’Ouzbékistan et Téhéran.
Landau venait d’une famille aisée de Varsovie. Quand la guerre a éclaté, la famille a tenté de fuir en Ukraine dans leur voiture. Le père de Landau a été capturé et intégré de force dans l’Armée rouge, où il a finit par mourir de la typhoïde. Le frère et la sœur en compagnie de leur mère ont été libérés et conduits à Samarkand, en Ouzbékistan.
La mère de Landau, sans un sou et donc incapable de nourrir ses enfants, les a confiés à un foyer d’enfants chrétiens où le mouvement de jeunesse sioniste, Gordonia, les a trouvés et a conduit les Landau sur un chemin plein d’embûches vers Israël. Ils faisaient partie d’un groupe connu sous le nom de « Enfants de Téhéran », les environ 1 000 enfants polonais qui ont reçu des permis du Mandat britannique d’immigrer vers Israël à travers l’Iran.

On pouvait lire sur une note de Landau accompagnant la carte : « Bénédictions de santé, de bonheur et de succès. Puissiez-vous réussir dans vos études et particulièrement en hébreu. Et plus que tout – puissions-nous être réunis à Maman bientôt ».
Le frère et la sœur ont ensuite appris que leur mère était morte de faim. Immédiatement après leur arrivée en Israël, Emil a rejoint le Palmach, la brigade juive de combat d’élite, à l’âge de 16 ans et a été tué dans la Guerre d’Indépendance d’Israël.
La résidente de Jérusalem âgée de 84 ans a dit qu’elle n’imaginait pas que la carte aurait autant de valeur pour Yad Vashem, mais elle était contente que l’histoire de son frère puisse être partagée.
« Mon frère a rêvé d’être libre en Israël. Il a écrit et a parlé de ce rêve. C’était son désir », a dit Landau.
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