Une femme accusée d’espionnage au profit de l’Iran acquittée puis condamnée par la Cour suprême
Les juges ont estimé que le tribunal de district avait eu tort de ne pas conclure que l'homme qui avait contacté l'accusée et lui avait demandé des informations sensibles était un agent "ennemi"

Une Israélienne a été condamnée mercredi pour espionnage au profit de l’Iran : la Cour suprême a, pour ce faire, annulé la décision d’acquittement rendue en 2023 par un tribunal de district.
Un panel de trois juges a accepté l’appel lancé par les procureurs qui ont affirmé que la femme – dont le nom ne doit pas être publié dans les médias – devait être condamnée pour avoir transmis des informations susceptibles de profiter à un agent ennemi. Toutefois, la Cour n’a pas modifié sa peine initiale de deux mois et demi de prison pour contact avec un agent étranger, même si elle a estimé que cette peine devait être ajustée, l’appel n’ayant pas contesté cette partie de l’affaire.
Dans leur décision, les juges de la Cour suprême Yosef Elron, Alex Stein et Ruth Ronen se sont concentrés sur la transmission d’informations à un agent « ennemi » et non pas à un simple ressortissant étranger, estimant que le tribunal de Jérusalem aurait dû parvenir à la même conclusion.
En janvier 2022, les services de sécurité du Shin Bet avaient annoncé l’arrestation de cinq Israéliens juifs accusés d’avoir aidé un agent iranien qui se faisait appeler « Rambod Namdar » et se faisait souvent passer pour Juif, à recueillir des renseignements et établir des contacts en Israël. Les cinq suspects – quatre femmes et un homme – étaient tous des immigrants juifs originaires d’Iran ou des descendants d’immigrants iraniens.
Quatre d’entre eux ont finalement été acquittés ou les charges qui pesaient contre eux, abandonnées – mais la femme a été accusée d’avoir maintenu le contact avec un agent iranien de 2014 à 2018 et lui avoir fourni des informations, notamment en photographiant divers lieux en Israël. Namdar se présentait comme un célibataire iranien musulman intéressé par le judaïsme, mais les procureurs ont déclaré que la femme le soupçonnait de travailler pour le régime de Téhéran.
En 2023, le tribunal de Jérusalem avait reconnu la femme coupable de contact avec un agent étranger tout en l’exonérant des charges de transmission d’informations susceptibles de profiter à l’ennemi.

Elron a dindiqué qu’il y avait suffisamment de preuves que Namdar était un agent « ennemi », rejetant par là les conclusions du tribunal de première instance qui avait établi que s’il était apparemment un agent étranger, il n’était pas établi clairement qu’il travaillait pour l’ennemi.
« Son intérêt évident pour la sécurité de l’État d’Israël, ses institutions et opérations, sans compter son travail sans relâche pour collecter des informations sensibles, indique qu’il s’agit de quelqu’un qui a agi pour le compte de l’ennemi », ont écrit les juges.
Dans leur appel, les procureurs ont rappelé les sujets auxquels Namdar s’intéressait lorsqu’il discutait avec les Israéliennes qu’il avait contactées, les tâches qu’il demandait aux femmes et le type d’informations qu’il leur demandait d’obtenir – en aisant notamment en sorte d’identifier des proches au sein des forces de l’ordre. Il demandait également des informations au sujet de l’emplacement des bases militaires, des quartiers généraux du Mossad et du Shin Bet, des détails sur les dispositifs de sécurité dans les lieux publics, et a même tenté d’obtenir des renseignements personnels sur de hauts responsables de la sécurité.
La femme a elle-même déclaré à la police, au cours de l’enquête, qu’elle soupçonnait à « 99 % » Namdar d’être un agent iranien.
« Quelqu’un qui semble être un agent iranien et qui se comporte comme un agent iranien est un agent iranien », a écrit Stein.
Elron a reproché au ministère public de n’avoir fait appel que de l’acquittement et non de la peine d’emprisonnement de deux mois et demi prononcée à l’encontre de la femme pour sa condamnation – sanction qu’il a qualifiée de « dérisoire ».
Néanmoins, comme l’appel n’a pas été interjeté contre la sentence, il a dit que le tribunal avait « les mains liées » pour ajuster le temps de prison qui, selon lui, aurait dû être « une période très significative derrière les barreaux ».

Le ministère public a réagi au jugement par voie de communiqué en indiquant que la décision de la Cour rappelait « aux citoyens israéliens de faire preuve de davantage de prudence dans leurs relations avec des entités étrangères et le nécessaire renforcement des mesures de défense de la sécurité de l’État contre les menaces des services de renseignement »
Namdar aurait été en contact avec une vingtaine d’autres Israéliens, dont une majorité de femmes.
Ces deux dernières années, les services de renseignement iraniens ont redoublé d’efforts pour recruter des Israéliens ordinaires et en faire des espions, moyennant finances.
Il y a de cela quelques jours, les services de la procureure-générale ont déposé un acte d’accusation de trahison auprès du tribunal de Beer sheva à l’encontre d’Eduard Yusupov, un habitant de Netivot âgé de 65 ans soupçonné d’avoir espionné pour le compte de l’Iran.
Yusupov a effectué divers actes d’espionnage pour le compte d’un agent iranien et a reçu 41 000 dollars en contrepartie – des délits passibles de peines allant jusqu’à 15 ans de prison.
Selon l’acte d’accusation, Yusupov, olè venu d’Azerbaïdjan, a contacté une vieille connaissance du nom de Tair au mois de novembre 2024, qui l’a présenté à un homme appelé Mousa. Mousa prétendait vouloir ouvrir une entreprise en Israël, mais il était un agent iranien et, en communiquant via WhatsApp, a donné à Yusupov une série de missions d’espionnage.

À la demande de Mousa, Yusupov a recueilli, photographié et documenté des informations sensibles sur des « infrastructures d’importance nationale » un peu partout dans le pays, y compris des bases de Tsahal, des sites militaires du Neguev, le port de Haïfa, ainsi que des parcs, bibliothèques, zoos et autres centres commerciaux ou de loisirs.
Yusupov a également loué un appartement pour Mousa à Haïfa, avec vue sur le port, d’où il a photographié des navires et usines de la zone portuaire.
L’acte d’accusation note que Yusupov prenait soin de travailler dans le plus grand secret et menait prudemment ses opérations afin de ne pas être découvert.
« L’accusé a commis des infractions à la sécurité à un moment où l’État d’Israël menait l’une des guerres les plus dures qu’il lui ait été donné de connaitre, et ce sur plusieurs fronts, y compris contre l’Iran », ont écrit les procureurs dans leur acte d’accusation.
« Les accusés soupçonnaient Mousa d’être un agent étranger hostile à l’État d’Israël, mais ils ont continué à travailler pour lui ».
Yusupov a été accusé d’avoir transmis à un ennemi des informations portant atteinte à la sécurité de l’État et dans le but de l’aider, d’avoir contacté un agent étranger et d’avoir manifesté la volonté de commettre une trahison.
En janvier dernier, les procureurs avaient accusé deux réservistes de Tsahal affectés dans une unité de défense aérienne d’espionnage pour le compte de l’Iran.

En décembre dernier, la police a interpelé près de 30 Israéliens, pour la plupart juifs, pour espionnage au profit de l’Iran. Dans la majorité des cas, les suspects ont commencé par effectuer de petites tâches inoffensives qui se sont progressivement transformées en délits plus graves, comme la collecte de renseignements ou encore le complot en vue d’un assassinat.
En octobre 2024, sept Israéliens ont été interpelés pour avoir prétendument photographié et recueilli des informations sur des bases et installations de Tsahal, notamment les bases aériennes de Nevatim et Ramat David, attaquées par l’Iran et le Hezbollah en 2024.
La police a mis en garde les citoyens et résidents israéliens contre le fait « d’entrer en contact avec des agents étrangers et d’effectuer des tâches pour leur compte » et a promis de prendre des mesures sévères contre les personnes impliquées dans de telles activités.