Une gourmandise marocaine au cœur des tendances israéliennes pour Hanoukka
Le beignet frit appelé sfenj, qui évoque le miracle de la fiole d'huile, pourrait bien être à l'origine de la soufganiya à la confiture, plus populaire
JTA – La soufganiya est l’étoile montante, et bien dodue, de la saison de Hanoukka en Israël. Durant cette fête, le célèbre beignet garni de confiture orne les vitrines des cafés et des boulangeries du pays, luisant d’huile et de sucre, avec juste ce qu’il faut de garniture pour que les amateurs soient comblés.
Chaque année, les grands chefs rivalisent d’inventivité pour revisiter la soufganiya, avec une garniture façon cheesecake, un glaçage au mascarpone, ou un coulis de ganache au chocolat. La télévision israélienne, les journaux et les réseaux sociaux regorgent de photos et de critiques des revisites les plus tentantes.
Ailleurs, dans les chaumières, des Israéliens font délicatement frire une version plus modeste du beignet de Hanoukka, le sfenj. Sa recette nous vient d’Afrique du nord, et est plébiscitée par les Juifs dont les familles sont originaires de la région. Mais même les Juifs européens ont adopté le sfenj, et ont permis de le faire passer sous les feux de la rampe.
Ce qui fait, en partie, le charme des sfenj, c’est la facilité pour les faire. Il suffit de prendre une cuillère de pâte, de faire un trou au milieu, et de plonger cette pâte dans un bain d’huile bouillant. Les beignets peuvent ensuite être trempés dans un sirop de miel et saupoudrés de sucre, voire souvent de sucre glace.

Les Israéliens d’origine nord-africaine concoctent des sfenj pour les fêtes et les grandes occasions. Dan Illouz a grandi à Montréal, où sa famille se régalait de beignets pendant les huit soirs de Hanoukka. Quand il a immigré en Israël, il y a huit ans, il a été troublé de ne trouver que des soufganiyot (pluriel de soufganiya), et a donc commencé à préparer des sfenj dans sa cuisine pour célébrer la fête des Lumières.
En 2010, Illouz, 31 ans, qui vit à Jérusalem, a invité quelques amis pour une dégustation de beignets. Et ils se sont fait passer le mot. L’an dernier, près de 400 personnes sont venues dans son appartement trois-pièces pour participer à ce qui est devenu, la dégustation annuelle de sfenj. Illouz estime qu’au moins autant de personnes viendront cette année, le 14 décembre, troisième soir de Hanoukka.
Pour nourrir cette foule, Illouz commence ses préparatifs vers sept heures du matin, soit douze heures à l’avance. Il estime qu’il fait frire environ 150 beignets. Premier arrivé, premier servi.

Illouz lance de la musique marocaine, et quand le soleil se couche, il allume sa hanoukkia avec ses invités. Bien que ses sfenj soient au cœur de la soirée, il propose également un couscous sucré et des biscuits marocains du commerce, et quelques boissons. Inutile de préciser que le soufganyiot ne figurent pas sur le menu.
« Je ne suis pas idéologiquement opposé aux soufganiyot », explique-t-il, « mais je préfère de loin les sfenj. Ils sont plus simples, moins mauvais pour la santé. »
Illouz explique que sa soirée sfenj est une expression de sa fierté marocaine et israélienne, une dualité devenue facile à concilier ces dernières années. Les juifs séfarades, originaires d’Afrique du nord ou du Moyen Orient, ont longtemps été une sous-classe socio-économique marginalisée, exposée à la discrimination en Israël leur culture a connu une sorte de renaissance.
Illouz affirme que le fait que les traditions marocaines soient tendance est probablement ce qui attire tant de monde à sa soirée sfenj.
« Il y a très certainement un peu de ça dans le fait que les gens aiment cette soirée. Ils veulent goûter à cette culture », a-t-il dit. « Ce que je trouve magnifique, c’est que tous les Israéliens peuvent en profiter. »
Près de la moitié des Israéliens sont d’origine séfarade, bien que les chiffres ne soient pas très révélateurs, en raison des mariages avec des Juifs ashkénazes, européens et autres. La musique séfarade, dite mizrahi, domine les stations de radio israéliennes, et certains musiciens chantent même en arabe.
La cuisine séfarade, du falafel à la shakshuka, n’est pas simplement présente dans la restauration de rue, elle est également représentée dans les restaurants chics et dans les émissions culinaires. Les fêtes séfarades, comme la Mimouna, le soir de Pessah, et le henné, avant le mariage, sont devenus monnaie courante.
Bien évidemment, les juifs séfarades contribuent à la culture israélienne depuis des décennies, que cela soit apprécié ou non. Certains vont jusqu’à leur attribuer l’importation de la tradition des beignets de Hanoukka. Selon cette théorie, les sfenj ont été ensuite écrasés par les beignets à la confiture d’Europe de l’Est, une version assez proche des soufganiyot d’aujourd’hui. (L’huile est un clin d’œil à l’histoire de Hanoukka, dans laquelle le candélabre du Temple est resté allumé pendant huit jours, au moyen d’une seule fiole d’huile, qui contenait une dose d’huile suffisant pour brûler une journée.) Le mot sfenj en arabe, qui signifie éponge, a été remplacé par soufganiya, un mot en hébreu de la même racine.
Certains juifs ashkénazes ont aussi commencé à préparer des sfenj chez eux, souvent inspirés par leurs amis et proches séfarades.
Uri Scheft, co-propriétaire et chef d’une chaîne de boulangerie appelée Lehamim, a appris à les faire auprès de sa femme, dont la mère, originaire du Maroc a émigré en Israël. Dans son livre de recette, publié en 2016 Breaking Breads: A New World of Israeli Baking, qui rend hommage à la cuisine de la société israélienne, née du melting-pot, il a inclus une recette de sfenj.
Scheft a explqiué qu’il avait l’intention de servir des sfenj dans ses boulangeries depuis longtemps. Mais il voulait d’abord mettre au point un espace de préparation, pour pouvoir les servir frais à ses clients.
« Les sfenj sont, par nature, et de par leur structure, très légers. C’est ce qui les rend si délicieux, mais seulement s’ils sont mangés immédiatement », a-t-il dit. « Je pense que c’est pour cela que les boulangeries n’osent pas en vendre. »
Et même si c’est difficile d’acheter un sfenj chaud en Israël, ce n’est pas impossible.
Keren Kadosh, chef patissière d’origine marocaine, en sert occasionnellement à Café Kadosh, une boulangerie pittoresque au centre-ville de Jérusalem, souvent sur commande. Sa jeunesse passée à manger des beignets a façonné la façon dont elle prépare les soufganiyot, qu’elle écoule à raison d’un millier par jour.
« Quand les soufganiyot sortent de la friteuse, nous les enrobons de sucre, et nous obtenons la même croustillance, la même douceur, la même texture », a-t-elle expliqué. « D’une façon ou d’une autre, nous participons à la culture marocaine du partage, qui est devenue la culture israélienne. »
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