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Une jarre de 3 500 ans, qui avait été brisée par un enfant, est à nouveau exposée – sans barrière

Quelques semaines après un incident qui avait fait le buzz, le musée Hecht de Haïfa a remis l'artéfact - restauré - à sa place habituelle avec des fissures volontairement visibles, désireux de faire de cette mésaventure une expérience d'éducation

Une rare jarre de l'ère de l'âge de bronze de nouveau exposée au public après qu'un enfant de quatre ans l'a accidentellement cassée au mois d'août alors qu'il visitait le musée Hecht à Haïfa, le 11 septembre 2024. (Crédit : AP Photo/Mahmoud Illean)
Une rare jarre de l'ère de l'âge de bronze de nouveau exposée au public après qu'un enfant de quatre ans l'a accidentellement cassée au mois d'août alors qu'il visitait le musée Hecht à Haïfa, le 11 septembre 2024. (Crédit : AP Photo/Mahmoud Illean)

Le musée Hecht de Haïfa a officiellement remis à sa place habituelle, à l’entrée du musée, une cruche en céramique qui avait été fabriquée il y a 3 500 ans et qui avait été accidentellement brisée le mois dernier par un petit visiteur de quatre ans, un incident qui avait fait la Une des journaux du monde entier.

Malgré le travail de restauration qui a été réalisé, les traces de fissures et autres dégâts sur la cruche sont encore visibles – une décision qui a été délibérément prise par le musée. Un petit morceau de l’artéfact a même été délibérément laissé de côté, laissant la jarre incomplète.

« Tout ce qui arrive à un objet fait partie de son histoire, même la partie manquante », s’exclame Tamar Rabbi-Salhov, conservatrice au musée Hecht, qui s’est entretenue avec le Times of Israel dans son bureau rempli de livres après la courte cérémonie qui a été l’occasion de réinstaller la cruche à l’entrée du musée – où elle était restée sans cloison de séparation ou barrière de protection pendant environ 35 ans.

L’incident initial avait fait le tour du monde, en partie en raison de la philosophie inhabituelle du musée qui met un point d’honneur à laisser certains objets de sa collection accessibles au public. L’institution avait réagi avec magnanimité à la mésaventure, invitant notamment le petit garçon de quatre ans, Ariel Geller, et sa famille à venir assister au processus de restauration et à visiter à nouveau le musée.

Ce qui s’est passé ces dernières semaines a incité le personnel du musée à « affiner encore davantage sa vision de la manière dont la culture physique du passé doit être présentée au public contemporain », indique Rabbi-Salhov, qui note que le fondateur du musée, l’industriel et lauréat du prix d’Israël Reuben Hecht, né en 1909 et mort en 1993, considérait le sujet comme étant d’une importance déterminante.

Les objets fragiles, ou qui sont fabriqués à l’aide de matériaux précieux ou biologiques, doivent être protégés, précise-t-elle – mais les placer derrière une barrière « crée un obstacle qui sépare, une distance… Pendant des années, des artéfacts plus solides de l’exposition permanente, comme la cruche, ont été exposés sans barrière ».

Une cruche rare de l’Age de bronze, récemment restaurée, est de nouveau exposée au public après qu’un enfant de quatre ans l’a accidentellement cassée en août lors d’une visite au musée Hecht à Haïfa, le 11 septembre 2024. (Crédit : AP Photo/Mahmoud Illean)

La jarre était exposée sur une marche, en hauteur, et elle était maintenue en place par un support en métal – mais « il s’est passé quelque chose que nous n’avions jamais connu auparavant. Un enfant est venu et il a grimpé sur la marche ; il était très curieux de savoir ce qu’il y avait dans la cruche et elle est tombée, » raconte-t-elle.

Dans la journée fatidique du 23 août, Ariel Geller, 4 ans, était venu au musée accompagné de ses parents, Alex et Anna, qui ont également deux autres enfants. La famille vit à Nahariya, une ville du nord du pays, à plusieurs kilomètres de la frontière que partage Israël avec le Liban. Elle s’était décidée à visiter des musées et à faire des excursions d’une journée sur tout le territoire israélien pour échapper aux tensions dans le nord – la région étant régulièrement prise pour cible, depuis le 8 octobre, par les tirs de roquettes du Hezbollah, dans le cadre des hostilités liées à la guerre à Gaza.

Suite à l’incident, le musée a rapidement visionné les caméras de sécurité qui ont clairement établi qu’aucun acte de vandalisme n’avait été commis. Et à la grande surprise des parents mortifiés par la mésaventure, la famille a été invitée à revenir.

La jarre brisée, vieille de 3 500 ans, au musée Hecht de Haïfa, une photo publiée le 27 août 2024. (Autorisation du musée Hecht)

Les Geller sont ainsi retournés au musée une semaine plus tard avec leurs enfants, quelques amis et d’autres membres de leur famille élargie, à l’occasion d’une visite guidée. Ils ont aussi pris part à un atelier de restauration de jarres en céramique. Le personnel a aussi offert au petit Ariel un chapeau et un joujou, une cruche en céramique.

Au cours d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel, Alex Geller déclare : « Nous sommes très heureux de savoir que la jarre a été restaurée. Nous sommes très heureux qu’elle ait retrouvé sa place et qu’on soit parvenu à la réparer. Bien sûr, nous nous sentons responsables de ce qui s’est passé. En fin de compte, c’est vraiment dommage qu’une jarre aussi ancienne ait été brisée ».

La famille a été « très surprise » par la réaction de la directrice du musée Hecht, la docteure Inbal Rivlin, qui a retrouvé la famille et « qui a su transformer ce triste incident en expérience d’éducation », explique pour sa part Anna Geller.

Ariel Heller, 4 ans, au centre, et ses parents Anna, à droite, et Alex, au centre à gauche, lors d’une visite du musée Hecht de Haïfa, après que l’enfant a accidentellement cassé une jarre ancienne au sein de l’institution, le 30 août 2024. (Crédit : AP/Maya Alleruzzo)

La philosophie du musée, qui permet au public de toucher les objets, est compréhensible mais « les familles nombreuses, comme nous le sommes, sont autorisées à entrer… J’espère qu’un tel incident ne se reproduira plus », ajoute-t-elle.

La cruche cananéenne en question, qui date de l’âge de Bronze, était l’un des seuls artéfacts de cette taille et de cette période à être encore complet au moment de sa découverte. Elle était probablement utilisée pour contenir du vin ou de l’huile et elle avait été fabriquée entre l’an 2200 et l’an 1500 avant l’ère commune. Maintenant qu’elle a retrouvé sa place normale, elle est toujours présentée sans barrière de protection aux visiteurs du musée.

« Ce genre d’incident se produit dans les musées mais il est souvent passé sous silence », fait remarquer Rivlin au Times of Israel. La famille Geller a été « profondément attristée » par ce qui s’est passé, ajoute-t-elle, et elle redoutait également les éventuelles conséquences juridiques de la destruction d’un objet de valeur, même s’il avait été détruit par inadvertance.

Inbal Rivlin, directrice du musée Hecht, sur une photo non-datée (Autorisation/musée Hecht)

Mais l’institution culturelle a choisi de réagir « avec compassion », ce qui a semblé avoir un retentissement alors même que l’histoire devenait virale. « Les gens m’ont dit qu’il s’agissait d’un tikkun olam, un concept juif qui se traduit approximativement par ‘réparer le monde’. »

« Notre page Facebook a bénéficié de 6 000 mentions ‘J’aime’, j’ai reçu des messages du monde entier, des gens voulaient faire des dons pour le travail de restauration ou participer au projet », se souvient Rivlin.

La plupart des commentaires laissés sur la page par des internautes consistaient en des avis donnés sur les questions de responsabilité parentale, avec des réflexions sur les punitions venant sanctionner les actes involontaires. Il y a aussi eu des réactions de la part d’employés de musées du monde entier, enclins à faire part de conseils sur la manière dont les artefacts doivent être présentés au public.

« Je suis très heureuse que notre petit musée soit à l’origine d’un débat sur toutes ces questions », se réjouit-elle.

Mandat nordique

Le musée Hecht occupe deux étages de l’un des principaux bâtiments du campus de l’université de Haïfa. Il bénéficie d’une vue spectaculaire sur la ville et sur la mer Méditerranée. L’entrée principale, où la jarre est exposée, se trouve juste en face d’une aire de restauration très fréquentée, dans une zone où le trafic routier est intense.

L’entrée est toujours gratuite et, en raison de son emplacement et de ses liens historiques avec l’université de la ville, le musée accueille des cours et les étudiants du département d’archéologie viennent y trouver une source de connaissances ou des formations. Le musée Hecht dispose également d’un petit auditorium accueillant des spectacles, des conférences et des événements culturels.

La principale collection permanente est une sélection d’artefacts historiques trouvés en Terre sainte qui datent de différentes époques – avec une focalisation particulière sur « l’archéologie du nord d’Israël », ce qui est « une sorte de raison d’être pour le musée », explique Rabbi-Salhov, qui est conservatrice au sein de l’institution.

Le « bateau de Maagan Michael », vieux de 2 500 ans, qui est exposé au musée Hecht de Haïfa, le 11 septembre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

L’objet exposé le plus connu – avant l’incident de la cruche, tout du moins – était le « le bateau de Maagan Michael », un bateau coulé datant de l’an 500 ans avant l’ère commune, qui avait été découvert en 1984 dans des eaux peu profondes au large du kibboutz Maagan Michael, une communauté qui est située au sud de Haïfa. L’embarcation, y compris l’ancre, a été restaurée et elle est conservée dans une aile spéciale du musée.

L’institution accueille également des œuvres d’art et des sculptures provenant de la collection de Reuben Hecht, ainsi qu’une collection héritée du musée du patrimoine juif germanophone – aujourd’hui disparu – qui était installé à Tefen, à proximité de Nahariya.

Pour l’instant, environ la moitié du musée est fermée, car le personnel se prépare à d’importants travaux de rénovation qui pourraient durer 18 mois. Une nouvelle aile sera ajoutée au musée, de nouvelles expositions interactives et de nouveaux programmes éducatifs seront proposés tandis que les collections existantes seront réorganisées « afin de créer une expérience moins passive et plus interactive », note Rabbi-Salhov.

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