Une « motion de censure constructive » peut-elle renverser le gouvernement ?
Gideon Rahat and Chen Friedberg, experts au sein de l'Institut israélien de la Démocratie, expliquent le mécanisme des motions de censure et leurs potentielles implications

La coalition en Israël traverse une crise, qui a commencé mercredi dernier quand la cheffe de la coalition, la députée Idit Silman, a présenté sa démission de la même alliance au pouvoir dont elle était chargée d’assurer la cohésion, la privant de sa majorité – un départ sous forme de coup de théâtre.
Alors que la coalition ne dispose dorénavant que de seulement 60 sièges au sein de la Knesset, forte de 120 députés, l’avenir du gouvernement est aujourd’hui sérieusement mis en doute.
Depuis 2014, Israël exige une motion de censure constructive pour pouvoir effectuer un remaniement du gouvernement à partir des législateurs siégeant d’ores et déjà au parlement. Ce qui signifie, en clair, que pour un vote de motion de censure, les députés doivent proposer un gouvernement alternatif à celui qui est en place. Ce gouvernement sera par ailleurs tenu d’être soutenu par au moins 61 membres de la Knesset.
La Knesset peut aussi adopter une loi soutenue par une majorité simple – la législation prévoyant la dissolution du parlement et l’organisation d’un nouveau scrutin.
Deux experts en réforme politique de l’Institut israélien de la Démocratie, Gideon Rahat et Chen Friedberg, nous présentent les mécanismes qui permettraient la formation d’un gouvernement alternatif au sein de la Knesset actuelle :
Qu’est-ce qu’une motion de censure constructive ? Comment se différencie-t-elle de la motion de censure habituelle ?
Une motion de censure constructive est une mesure particulière qui exprime l’absence de soutien parlementaire à un gouvernement en place. Elle a été imaginée pour prévenir le renversement trop fréquent des gouvernements et pour renforcer l’exécutif.
Quand l’opposition soumet une motion de censure constructive, alors – et contrairement au mécanisme de la motion de censure « habituelle » – elle doit aussi faire la démonstration de sa capacité à former un nouveau gouvernement. En d’autres mots, une motion de censure constructive a un objectif double : Une majorité de parlementaires font état de leur manque de confiance dans le gouvernement actuel (la motion de censure « destructive ») et, en même temps, elle vote la mise en place d’un nouveau gouvernement (la motion de censure « constructive »).
En Israël, l’adoption d’une telle motion nécessite une majorité absolue au Parlement – soit 61 votes au minimum.
Quand la Knesset a-t-elle changé ce mécanisme de la motion de censure ?
Une forme partielle de motion de censure constructive (une majorité à la Knesset, et un vote visant à établir un nouveau gouvernement) avait été adoptée en 2001, quand l’élection directe du Premier ministre avait été abandonnée. En 2014, la version intégrale a été mise en place, avec cette exigence relativement stricte que le nouveau gouvernement proposé soit présenté en séance plénière dans le cadre du vote visant à renverser le gouvernement au pouvoir.
La capacité à voter une motion de censure face à un gouvernement en place est une caractéristique essentielle de tous les régimes parlementaires. La plus grande partie des pays emploie le mécanisme standard mais plusieurs, et notamment l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, le Hongrie, la Slovénie ou la Pologne, se sont aussi dotés de la version « constructive ».

Et qui a le droit de soumettre une motion de censure constructive devant la Knesset ?
Toutes les factions du Parlement individuellement, voire plusieurs, peuvent soumettre une motion de censure et soutenir un gouvernement différent (ce qui signifie qu’il s’agit d’un outil réservé aux factions et que les membres de la Knesset ne peuvent pas individuellement s’en prévaloir). Si plusieurs factions parrainent ensemble une seule motion, alors elles sont considérées comme une seule faction.
Y a-t-il une limite au nombre de motions de censure constructives susceptibles d’être présentées ?
Une faction comptant moins de sept membres peut présenter trois motions de ce type en une seule session de la Knesset (année parlementaire) ; une faction de sept à neuf membres peut en soumettre quatre.
Et comment ces motions de censure constructives sont-elles soumises ?
Une motion de censure peut être déposée comme motion sur l’agenda, ou comme motion venant en conclusion de n’importe quel sujet à l’ordre du jour. Afin de soumettre ce type de motion, une faction doit fournir au greffier de la Knesset le texte écrit des orientations de base du gouvernement proposé, sa composition et la distribution des portefeuilles parmi ses membres. Le document restera en vigueur tant que la faction à son origine ne l’aura pas retiré.

Une motion de censure constructive peut-elle être soumise quand la Knesset est en congé ?
Une motion de censure, en tant que motion sur l’agenda, peut être soumise pendant une période de congé parlementaire et elle sera présentée au débat lors de la toute première session organisée après le congé – à moins que la motion ne soit soumise par 61 députés et là, elle devra être présentée au débat dans la semaine suivant sa soumission, même si cette dernière a eu lieu quand le parlement est en congé.
Si une motion de censure est proposée en conclusion d’un sujet qui figure d’ores et déjà à l’ordre du jour – comme, par exemple, un projet de loi en première ou en deuxième lecture – la motion peut être soumise pendant un congé si la plénière débat de ce projet de loi, mais son vote ne pourra avoir lieu que pendant la première session périodique suivant les congés. A moins que le gouvernement ne demande un vote immédiat, qui aura alors lieu même pendant un congé de la Knesset.
Vous comptez sur The Times of Israel pour obtenir une couverture précise et rapide du conflit entre Israël et l'Iran ?
Si oui, rejoignez la Communauté du Times of Israël !
Pour seulement 6 $ par mois, vous pourrez soutenir nos journalistes indépendants qui travaillent sans relâche pour couvrir cette guerre et bénéficier d'une expérience de lecture sur le site du Times of Israël sans publicité et dans nos newsletters.