Une nouvelle expo au musée de Ramat Gan couvre un siècle d’art israélien
"Sur la terre de mon Amour" est l'occasion de découvrir 240 œuvres de la collection Phoenix Holdings, présentées dans un musée qui avait fermé en 2022 suite à une controverse
Presque deux ans après la fermeture du Musée d’art israélien dans le sillage d’un tollé qui avait été provoqué par une œuvre considérée comme diffamatoire à l’encontre de la communauté ultra-orthodoxe, l’institution d’art contemporain lance aujourd’hui une exposition-phare avec 240 œuvres historiques réalisées par des artistes israéliens – des œuvres qui sont la propriété de Phoenix Holdings, la plus grande compagnie d’assurance d’Israël. L’exposition est organisée pour marquer le 75e anniversaire de l’État juif.
La collection est l’une des plus grandes du pays et elle fait partie de l’ADN d’Israël, explique la conservatrice du musée Roni Cohen-Binyamini.
« Elle ne comprend pas seulement les maîtres qui racontent l’Histoire de l’art israélien », explique Cohen-Binyamini. « Elle comprend également la progression des créations de chacun de ces artistes. C’est une collection qui a été construite comme l’est une exposition dans un musée. »
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Le musée d’art contemporain espère largement capturer l’attention du public grâce à l’exposition « B’Eretz Ahavati » (« Sur la Terre de mon Amour ») qui a ouvert ses portes le 4 septembre et qui sera à découvrir jusqu’à l’été prochain.
C’est une ode aux meilleurs artistes israéliens avec des travaux de Reuven Rubin, Nachum Gutman, Joseph Zaritsky, Yitzhak Danziger, Lea Nickel, Moshe Gershuny, Aviva Uri, Israel Hershberg, Avigdor Arikha et de nombreux autres.
La collection Phoenix n’avait pas été présentée ainsi depuis 2006, dit Cohen-Binyamini, même si certaines œuvres avaient pu être prêtées et exposées dans d’autres musées à différentes occasions.
« Cela fait de nombreuses années que ces œuvres sont en notre possession », commente le directeur-général de Phoenix, Eyal Ben Simon, présent lors du vernissage de l’exposition, dimanche. « Cette collection a été bien davantage entreposée qu’elle n’a vu la lumière ».
La compagnie Phoenix avait été fondée par feu David Hackmey en 1949 et sous la direction de son fils, Joseph Hackmey, elle avait commencé à acquérir des œuvres d’art dans les années 1980. La collection inclut dorénavant des œuvres créées à partir du milieu du 19e siècle jusqu’à nos jours, chaque décennie étant représentée par des travaux choisis des meilleurs artistes de l’époque.
Quand Phoenix avait envisagé de vendre une partie de sa collection en 2010, la maison de vente aux enchères Matsart de Lucien Krief l’avait évaluée au prix de 18 millions de dollars, contre 12 millions de dollars chez Sotheby’s.
Réparties sur les trois étages du musée, la conservatrice Cohen-Binyamini a divisé les œuvres – elle en a choisi 240 sur un total de 1 400 – en plusieurs thématiques (Lieu, Corpus d’œuvres et Quoi de neuf ?) en utilisant ces prismes distincts pour saisir l’esprit du temps en Israël au cours du siècle dernier.
« Je voulais trouver des thématiques pour la collection qui toucheraient le public au sens large du terme parce que c’est une collection élitiste », explique-t-elle.
Elle commence avec le « Lieu » au premier étage – avec des œuvres qui racontent l’histoire du sionisme et d’Israël en tant qu’implantation utopique, avec les « 18 cyclamens » de Moshe Gershuni à la tête de ces travaux ainsi que « Tracteur dans un champ II » de Michael Gross aux côtés de la série Ein Kerem de Sionah Tagger, de plusieurs œuvres de Reuven Rubins, de la « canalisation d’eau » en 3D d’Yitzhak Danziger et de nombreuses autres œuvres.
Au second étage, il y a « Corpus d’œuvres » qui ouvre avec les célèbres bronzes des « moutons du Negev » de Danziger, qui permettent de commencer à observer le corps en tant que moyen, en passant du Juif faible du shtetl au « Judaïsme de la musculature », précise Cohen-Binyamini, faisant référence aux soldats et autres fermiers israéliens.
Une partie de cette section examine également comment la guerre et les conflits ont fait des ravages dans la société israélienne, avec les œuvres typiquement sombres d’Uri Lifschitz et d’Igal Tumarkin.
Il y a aussi la fameuse photographie d’Adi Ness, « le Dernier Souper », et « Le Nageur et le Mur » de Sigalit Landau, avec un nageur miniature qui s’écrase contre un mur – et du sang (ou de la peinture rouge) qui s’éparpille autour de lui.
Au troisième étage, plus petit et plus intime – ce qui donne sens à sa vocation d’être un espace d’observation de ce qui arrive dans le cœur et dans le foyer israélien – les peintures classiques d’Arikha, avec ses ustensiles de cuisine ; les ensembles de portes en bois empilées de Landau et l’assiette à « houmous » d’Eli Petel qui avait mis deux ans à sécher.
« C’est ce type d’opportunité qui ne se présente pas en permanence pour une conservatrice », dit Cohen-Binyami qui ajoute qu’elle a voulu inscrire l’exposition dans l’actualité – ni historique, ni académique – en soulignant les liens entre les artistes, les styles et les thèmes.
Lors du vernissage, dimanche, le maire de Ramat Gan, Carmel Shama-Hacohen déclare « ne pas être un expert en art mais avoir le pressentiment » que l’exposition aura beaucoup de succès dans ce musée qui vient de rouvrir.
Une exposition qui, selon lui, « offre quelques heures d’israélité dans ce bâtiment dans lequel nous avons tant investi. »
Shama-Hacohen fait ainsi référence à des travaux de rénovation coûteux qui ont été entrepris dans le bâtiment initial, construit en 1936, qui accueillait à l’origine une usine de fabrique de revêtements de sol et qui est situé à l’intersection de deux routes historiques à Ramat Gan.
Le musée avait rouvert après les travaux en 2022 avec « L’Institution », une exposition consacrée à des œuvres politiques. Mais le musée n’était pas resté longtemps accessible au public.
Dans cette première exposition, il y avait eu un tableau de David Reeb qui comprenait deux images d’un ultra-orthodoxe en train de prier au mur Occidental ; la première avec l’inscription « La Jérusalem d’Or » et la deuxième avec « La Jérusalem de me..de. » L’œuvre avait entraîné une forte polémique.
Shama-Hacohen s’était alors tourné vers les habitants de Ramat Gan sur Facebook, leur demandant ce qu’il fallait faire avec le tableau. Il avait finalement demandé au musée de l’enlever de l’exposition.
En réponse, 43 artistes dont les œuvres étaient présentées dans le cadre de l’exposition avaient initialement recouvert leurs travaux de vêtements noirs avant de demander qu’ils soient retirés du musée.
Il y avait eu ensuite une année de négociations intenses entre la ville de Ramat Gan, les artistes et le syndicat des conservateurs d’art, avec la fermeture temporaire des lieux et la démission de la conservatrice en chef, Svetlana Reingold.
« Nous avons traversé un processus de maturation dans la prise en charge de telles problématiques », indique l’adjoint au maire Roy Barzilaï, qui préside le comité de direction du musée, « et une telle chose ne se reproduira pas parce que nous avons compris que cela avait porté atteinte à toutes les personnes impliquées ».
« C’est une affaire de liberté d’expression », explique Barzilai qui désigne du doigt l’une des peintures accrochées au mur, « et la liberté d’expression doit toujours être protégée ».
« Sur la Terre de mon Amour », une exposition à découvrir à partir du 4 septembre et jusqu’à l’été 2024 au musée d’art israélien de Ramat Gan.
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