Rechercher

Une nouvelle version durcit encore davantage la législation sur la « raisonnabilité »

La loi interdisant le réexamen judiciaire des décisions du cabinet et des ministres établit que la Cour ne pourra pas forcer Yariv Levin à convoquer le panel de sélection des juges

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Justice Yariv Levin lors des délibérations sur le projet de loi interdisant le réexamen, par les juges, des décisions gouvernementales à l'aune de la "raisonnabilité", le 10 juillet 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Justice Yariv Levin lors des délibérations sur le projet de loi interdisant le réexamen, par les juges, des décisions gouvernementales à l'aune de la "raisonnabilité", le 10 juillet 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Une nouvelle version du projet de loi largement controversé visant à interdire aux juges de réexaminer les décisions prises par les politiciens à l’aune de la notion juridique de « raisonnabilité » a été soumise mercredi soir et, malgré des informations qui auraient pu laisser entendre que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait poussé à la modération du texte, la formulation de cette version va encore plus loin dans son intention déclarée de protéger le cabinet et ses ministres.

Le projet de loi original, qui a été approuvé lundi en première lecture, interdisait déjà aux tribunaux d’invalider – voire de discuter – des décisions gouvernementales et ministérielles sur la base de leur « caractère raisonnable » – une notion juridique établie.

Le nouveau texte, présenté par la commission parlementaire qui prépare le projet de loi pour ses dernières lectures devant le Parlement, déclare explicitement que la Cour ne pourra plus réexaminer les décisions relatives aux nominations ou les décisions visant à s’abstenir d’exercer une autorité quelle qu’elle soit – comme la décision prise de ne pas réunir une commission.

Les critiques du projet de loi – la dernière initiative en date prise par la coalition pour affaiblir le système judiciaire au profit de sa quasi-toute-puissance – ont indiqué que le gouvernement voulait faire disparaître l’usage de la notion juridique de « raisonnabilité » pour servir ses objectifs et ses intérêts propres.

Trois de ces objectifs – la réintégration d’Aryeh Deri, chef d’un parti de la coalition, au sein du cabinet après l’invalidation de ses nominations à la tête de deux ministères, des nominations que la Haute-cour avait jugé être « déraisonnables à l’extrême » ; parvenir à licencier la procureure-générale, une menace faite par plusieurs ministres à maintes reprises ; permettre au ministre de la Justice de ne pas réunir la Commission de sélection judiciaire avant restructuration totale de sa composition – seraient ainsi pleinement protégés grâce aux changements survenus dans le texte de loi.

Afin de respecter l’échéance qui a été fixée par la coalition pour finaliser l’adoption du projet de loi sur la « raisonnabilité » – une échéance qui expirera le 30 juillet, date de la fin de la session parlementaire estivale – la commission de la Constitution, du droit et de la Justice, à la Knesset, s’est réunie mardi à midi et elle se réunira encore de dimanche à mercredi, la semaine prochaine, dans l’espoir de pouvoir soumettre la législation en deuxième lecture et en troisième lecture dans la semaine du 23 juillet.

Des manifestants brandissant des drapeaux nationaux lors d’un rassemblement devant la Knesset, à Jérusalem, le 11 juillet 2023. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Ainsi, un amendement court et laconique à la Loi fondamentale : le système judiciaire – le nouveau projet de loi – dit :

« Indépendamment de ce qui est établi dans cette Loi fondamentale, les détenteurs de l’autorité juridique tels qu’ils sont définis par la loi – et notamment la Cour suprême dans sa qualité de Haute-cour de justice – ne débattront pas de la ‘raisonnabilité’ d’une décision prise par le gouvernement, par le Premier ministre ou par un autre ministre, et elle n’émettra pas d’ordonnance sur les questions susmentionnées. »

Il ajoute : « Dans cette section ‘décision’ : Toutes les décisions, y compris en matière de nomination ou concernant les décisions prises de s’abstenir d’exercer une autorité »

Le député HaTzionout HaDatit, Simcha Rothman, présidant une audience de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice sur le projet de loi de la notion juridique du « caractère raisonnable », le préparant à sa dernière lecture à la Knesset, au milieu de vastes protestations nationales, quelques heures après qu’il a été adopté en première lecture, le 11 juillet 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

A été sortie de la loi une clause courte et controversée qui déclarait que « les responsables élus dont la charge est établie dans cette législation » pouvaient également échapper au réexamen judiciaire de leurs décisions.

Les membres de l’opposition avaient demandé au président de la Commission de la Constitution, le député Simcha Rothman, de retirer cette clause du projet de loi, craignant qu’elle ne soit utilisée pour ôter aux juges la capacité de réexaminer les décisions prises par les responsables municipaux, en plus des officiels nationaux, sous l’aune de la « raisonnabilité ».

Le conseiller juridique de la Commission a confirmé qu’une autre législation devrait, quoi qu’il arrive, être adoptée pour préciser que les mairies sont également protégées face à un éventuel réexamen des juges – ce qui signifie que l’abandon de cette clause n’entraînera pas de grande différence en pratique.

Netanyahu aurait examiné, selon des informations qui ont été transmises mercredi, les moyens d’adoucir le texte sur la « raisonnabilité » – qui a été âprement critiqué par le procureur-général-adjoint pour son extrémisme. Gil Limon a ajouté qu’il « portera gravement atteinte » aux capacités de supervision des juges face au gouvernement.

La Douzième chaîne a annoncé que Netanyahu avait consulté le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, et l’un de ses proches, l’avocat Michael Ravillo, pour trouver les moyens d’apporter une certaine modération au projet de loi.

Le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, à son arrivée pour la réunion du Conseil des ministres, à Jérusalem, le 29 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Parmi les possibilités offertes, a souligné la chaîne, laisser la Haute-cour faire le réexamen judiciaire des décisions qui ne sont pas protégées par la loi et exiger que l’épreuve de la « raisonnabilité » soit accompagnée d’un autre test juridique lors de l’invalidation d’une décision.

La version la plus récente du projet de loi va dans la direction opposée néanmoins, mettant hors-la-loi le réexamen de toutes les décisions prises par le cabinet et par les ministres, et garantissant que les juges ne pourront pas interpréter les nominations et les décisions prises par les ministres de s’abstenir d’exercer une autorité – évoquant explicitement ces deux cas de figure.

Si la Knesset a choisi mercredi un député qui siègera au sein de la Commission de la sélection judiciaire – deux législateurs sont tenus d’intégrer le panel et un seul avait été élu jusque-là – le ministre de la Justice, Yariv Levin, a précisé qu’il ne prévoyait pas de rassembler la Commission sous sa forme actuelle. Elle est actuellement composée de professionnels du système judiciaire et de personnalités politiques.

Jeudi matin, Rothman a déclaré au micro de la radio militaire qu’ « il est dorénavant interdit à la Haute-cour de justice de forcer Levin à convoquer la Commission. »

Le leader de l’opposition, Yair Lapid, avait envoyé mercredi une lettre à Levin et à Netanyahu, affirmant que la loi exigeait que le ministre de la Justice réunisse le panel.

La notion juridique de « raisonnabilité », selon le vice-procureur-général, est l’un des outils utilisés par les magistrats pour obliger les responsables à user de leur autorité.

Netanyahu a annoncé l’intention de la coalition de restructurer la composition de la Commission de sélection judiciaire pendant la session hivernale de la Knesset, qui commencera au mois d’octobre. Étendre considérablement l’influence des politiques sur la nomination des juges est l’un des premiers objectifs poursuivis par Levin dans le cadre du plan de refonte radicale du système judiciaire israélien qui est avancé par la coalition.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.