Une place de Jérusalem dédiée au diplomate portugais qui a sauvé 10 000 Juifs
Aristides de Sousa Mendes avait désobéi aux instructions et délivré des visas aux personnes fuyant la persécution nazie

La municipalité de Jérusalem a nommé une place en l’honneur du diplomate portugais Aristides de Sousa Mendes, qui avait sauvé la vie de milliers de Juifs pendant la Shoah, lors d’une cérémonie organisée mardi.
Lors de la cérémonie, qui s’est déroulée dans le quartier de Kiryat Hayovel à Jérusalem en présence des descendants des Juifs qu’il avait sauvés et de membres de sa propre famille, la mémoire de Sousa Mendes a été saluée.
« Ce petit coin de Jérusalem, la ville éternelle, portera désormais le nom d’un héros », a dit le maire de Jérusalem, Moshe Lion.
« Pensez aux milliers de personnes qui passeront ici chaque jour. Parmi elles, peut-être y aura-t-il des Juifs sauvés grâce à la bravoure de l’ambassadeur Sousa Mendes », a-t-il ajouté.
« L’histoire n’a pas été prompte à reconnaître son sacrifice et son courage, mais aujourd’hui, il est plus que jamais temps de nous rappeler de son courage. L’ombre de l’antisémitisme s’étend partout et de plus en plus. En ce moment, en particulier, il faut nous souvenir de la bravoure témoignée par ce héros », a conclu Lion.
Bien que le nombre n’ait jamais été arrêté officiellement, Sousa Mendes serait venu au secours de 30 000 personnes pendant la Seconde Guerre mondiale, parmi lesquelles 10 000 Juifs.

En sa qualité de consul général du Portugal à Bordeaux, en France, en 1940, Sousa Mendez avait désobéi aux instructions du dictateur portugais Antonio Salazar et à sa funeste « circulaire 14 », qui interdisait notamment aux diplomates de délivrer des visas aux réfugiés juifs.
Au mépris de tous les dangers qu’il courait ainsi que sa famille, Mendes avait pourtant délivré des visas à tous ceux qui voulaient échapper à la menace nazie.
Hélas, son action n’aura pas été honorée comme elle aurait dû l’être.
« Il y a douze ans, j’ai créé avec d’autres cette fondation pour rendre hommage à la mémoire de ce héros injustement méconnu, et le faire connaître », a expliqué au Times of Israël Olivia Mattis, présidente de la Fondation Sousa Mendes et descendante de l’un de ceux qu’il a sauvés.
Mattis a indiqué que l’histoire de Sousa Mendes avait, dans un premier temps, été gommée de l’histoire portugaise par la dictature de Salazar, au motif qu’elle glorifiait l’insubordination.
Mais même une fois que le Portugal était devenu une démocratie, en 1974, « des voix au sein du gouvernement portugais, fidèles à l’ancien régime, ont continué à taire cette histoire ».
Sous la pression des diplomates israéliens et américains et de la Fondation Sousa Mendes, le Portugal a finalement accordé à Sousa Mendes la reconnaissance qu’il mérite, en le faisant entrer au Panthéon portugais en 2021.

« [La circulaire 14] est le document que Sousa Mendes a violé – parce qu’il violait sa conscience », a expliqué Mattis, ajoutant qu’il aurait dit à sa famille qu’en dépit des pressions exercées par le gouvernement portugais, il avait préféré « être avec Dieu contre l’homme plutôt qu’avec l’homme contre Dieu ».
« Il y a tout perdu », a-t-elle ajouté.
Rappelé à Lisbonne, Sousa Mendes avais été placé sur liste noire, le plongeant, lui et sa famille de 15 personnes, dans un état de grande solitude et d’extrême pauvreté.
La communauté juive de Lisbonne, consciente de l’héroïsme dont avait fait preuve le diplomate, avait fait en sorte de pourvoir aux besoins alimentaires de Sousa Mendes et de sa famille.
« Il y a très peu de gens qui ont réellement sauvé des Juifs pendant la Shoah. Cet homme est injustement méconnu », a souligné la maire adjointe de Jérusalem, Fleur Hassan-Nahoum, qui était assise aux côtés du petit-fils de Sousa Mendes, Gerald Mendes, venu à Jérusalem pour l’occasion.
Hassan-Nahoum a déclaré au Times of Israel qu’elle souhaitait orner cette place d’œuvres d’art ou d’une statue.
Après avoir accueilli l’assistance dans un hébreu teinté d’accent portugais, l’ambassadeur de Lisbonne en Israël, Jorge Cabral, a salué « un homme courageux et extraordinaire, un être humain et diplomate qui a sauvé des Juifs d’un destin funeste ».
« Rendre hommage à cet homme, aujourd’hui-même, nous donne l’occasion de nous pencher sur nos propres valeurs de paix, d’amour, d’humanité et de compassion », a-t-il déclaré.
« Il est impossible de comprendre le présent ou l’avenir sans connaître le passé. Nous devons nous en souvenir », a déclaré Cabral.

À la fin de la cérémonie d’inauguration, un résident de 50 ans de l’immeuble le plus proche de la place a déclaré au Times of Israël : « C’est une très bonne chose… de ma fenêtre, je peux le voir et veiller sur lui. »
La cérémonie a attiré des dizaines de spectateurs dans ce quartier habituellement très calme.
Des enfants curieux ont fait cercle autour du petit-fils de Sousa Mendes, Gerald, très élégant dans son costume bleu taillé sur mesure.
Un passant a expliqué aux enfants qui était le grand-père de Gerald et combien de vies juives il avait sauvées des atrocités nazies. Un grand nombre d’entre eux sont allés serrer la main du petit-fils de l’homme qui avait aidé tant de personnes.