Une usine de production du condiment favori des Romains découverte à Ashkelon
Même si cette sauce était un produit de base de l'empire romain, très peu de sites de production de garum - ou des cetariae - ont été retrouvés à l'est de la Méditerranée
Une petite usine datant du 1er siècle et qui produisait de la sauce de poisson fermentée – sans doute le produit alimentaire le plus recherché de l’époque romaine – a été découverte récemment durant des fouilles réalisées aux abords d’Ashkelon, ville côtière du sud d’Israël. C’est l’un des quelques sites qui ont été identifiés pour la production de cette sauce omniprésente et odorante qui ont été retrouvés à l’est de la Méditerranée.
« Nous avons quelque chose de très inhabituel ici », a commenté la docteure Tali Erickson-Gini, archéologue au sein de l’Autorité israélienne des Antiquités, auprès du Times of Israel lors de l’annonce de cette découverte, lundi.
Tandis que l’idée d’une sauce de poisson fermenté – ou garum – ne met pas nécessairement l’eau à la bouche de nos contemporains, ce mets visqueux était considéré comme l’une des saveurs les plus délicieuses de l’empire romain. Selon Erickson-Gini, cette substance ajoutait un goût salé et savoureux à la nourriture et elle était utilisée dans la vaste majorité des recettes de l’époque.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« Je considère cette sauce comme un condiment mais qui allait bien au-delà de ça », explique Erickson-Gini. « C’est dur à imaginer pour nous. C’était bien plus commun que ne l’est le ketchup ».
Sur ce site vieux de 2 000 ans et situé à deux kilomètres au nord-ouest d’Ashkelon, l’équipe d’Erickson-Gini a trouvé plusieurs installations qui, une fois rassemblées, n’ont laissé que peu de doutes à l’archéologue sur le fait qu’elle était en train de contempler l’une des rares structures de production de garum – ou cetaria – en terre sainte, dit-elle. Même s’il y a quelques exemples dans l’est de la Méditerranée, elle note que plusieurs installations rappellent en miroir ce qu’elle a découvert à Ashkelon dans la péninsule ibérique et particulièrement à Malaga.
Les fouilles sur ce site d’Ashkelon ont commencé en amont de la construction d’un parc éco-sport. De jeunes élèves des écoles locales ont participé à ces travaux d’excavation, qui ont été souscrits par la municipalité d’Ashkelon et le Conseil économique de la ville.
En plus de preuves attestant de la présence de bassins à poissons, l’équipe a trouvé des cuves en plâtre géantes, des jarres utilisées pour stocker du liquide, et ce qui semble être un grand réceptacle utilisé pour accueillir la fameuse substance visqueuse.
Tandis que des bassins à poissons ont été découverts ailleurs dans la région, il n’y a qu’un seul lieu identifié au sein de l’Etat juif où a pu être produit le garum, à Dor, indique Erickson-Gini. Selon les fouilles réalisées jusqu’à présent, le site d’Ashkelon n’était pas une usine majeure et elle était sans doute utilisée pour l’usage local.
Le manque de sites de production a toujours surpris et intrigué les archéologues, précise-t-elle. Dans tout l’empire, cette sauce figurait sur les tables des Romains les plus riches et les plus célèbres comme sur celles des roturiers.
« Ce qui m’intéresse, c’est le fait que ce produit était très, très populaire à l’ère romaine et à l’ère byzantine. Et au vu de sa popularité, on aurait pu s’attendre à trouver un grand nombre de sites de production. C’est véritablement étonnant que nous n’en ayons pas trouvé davantage au cours des fouilles », déclare-t-elle.
L’historien romain Pline l’Ancien mentionne cette sauce dans son Histoire naturelle, autant comme un aliment que comme un médicament. Selon un article du National Geographic, Pline « chante les louanges du garum comme médicament contre la dysenterie et comme traitement efficace contre les morsures de chien. Il le recommande également pour les maux à l’oreille et pense que la consommation d’escargots africains marinés dans le garum repousse les maux d’estomac ».
L’article du National Geographic établit que la sauce était considérée comme tellement essentielle au régime romain qu’un « immense réseau d’itinéraires commerciaux s’est développé pour transporter ce condiment. Comme de nombreux mets précieux aujourd’hui, le garum le plus travaillé pouvait se vendre à des prix astronomiques ».
Même dans les réserves du palais isolé de Masada du roi Hérode, qui avait été construit au 1er siècle avant l’ère commune, une amphore rare de garum, étiquetée, avait été retrouvée, probablement importée d’Andalousie.
Les secrets de la sauce
Il est possible que la production de cette sauce malodorante ait retourné plus d’un estomac. Plus tard, en raison de sa puanteur puissante, des lois avaient été adoptées spécifiant que ce précieux « ketchup » de poisson fermenté devait être fabriqué hors des centres urbains.
Pour parvenir à son état de putréfaction âcre, les fabricants plaçaient des petits poissons – comme des sardines ou des anchois – ou éminçaient des poissons plus grands – thon ou maquereau – au fond d’une jarre et disposaient par-dessus des épices et du sel, rajoutant ensuite une couche de poisson, etc…
Selon Erickson-Gini, le ratio suivi dans la recette était de cinq portions de poisson contre une portion de sel.
La « purée visqueuse de poisson » était ensuite filtrée à travers un panier et le garum était le liquide qui en résultait. D’autres restes plus solides pouvaient servir à fabriquer une sauce différente ou une pâte de poisson moins appréciée qui s’appelait l’allec.
Il y a plusieurs types de garum et même une version strictement casher qui s’appelait garum castimonarium et qui était fabriquée, c’est garanti, à partir de poisson casher et non de fruits de mer.
Déclin d’une mode alimentaire
L’apogée du garum a eu lieu aux environs du 2e siècle après l’ère commune mais son utilisation est encore enregistrée plus tard.
Selon le communiqué de l’Autorité israélienne des Antiquités, le site de production d’Ashkelon a été abandonné et l’industrie locale s’est tournée vers la viticulture.
Erickson-Gini explique que même à l’époque où le garum était produit, il y a également des preuves de la présence de pressoirs à vin et de jarres de stockage à seulement quelques mètres de distance. Plus tard, au cours du 5e siècle, dans la période byzantine, c’était une communauté monastique florissante qui produisait du vin.
Même s’il y a peu d’artéfacts de l’église décorée de manière élaborée, trois pressoirs à vin ont été construits à proximité ainsi qu’un large complexe de fours qui aurait produit des jarres permettant d’exporter du vin dans tout l’empire byzantin.
« On a retrouvé des jarres aussi loin qu’en Angleterre, en Allemagne et au Yémen », précise Erickson-Gini.
Plus tard, le site avait été abandonné aux environs du 7e siècle après la conquête islamique. Selon Erickson-Gini et les preuves découvertes dans des trous qui servaient à abriter des ordures et qui contenaient des ossements d’animaux, « les familles nomades, qui vivaient probablement dans des tentes, ont démantelé les structures et vendu les différentes parties qui les composaient comme matériaux de construction, ailleurs ».
Le site d’Ashkelon est ouvert au public le 22 décembre de 12h30 à 16h30. Des informations supplémentaires figurent sur la page Facebook de l’Autorité israélienne des Antiquités.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel