Une ville lituanienne s’engage – enfin – à préserver son ancien cimetière juif
Ce dénouement, à Vilnius, met un terme à une bataille judiciaire de dix ans très médiatisée ; les activistes disent vouloir éviter des problèmes similaires à l'avenir
La controverse entourant le cimetière juif de Snipiskes – une controverse qui dure depuis une décennie – semble avoir connu un dénouement heureux. Ainsi, au lieu de construire un centre de conférences sur le site, la municipalité de Vilnius le transformera en monument en hommage aux Juifs lituaniens.
La décision, qui a été annoncée jeudi par le directeur du Musée national d’Art lituanien, Arūnas Gelūnas, met un terme aux inquiétudes portant sur la perspective de voir un bâtiment de l’ère soviétique, sous lequel reposaient des défunts dans le cadre d’un ancien cimetière de la communauté juive de la ville, détruit et remplacé. Ce projet avait donné le coup d’envoi à une bataille judiciaire très médiatisée entre certains membres de la communauté juive et les autorités, mais aussi parmi les groupes juifs.
« C’est l’issue très réjouissante d’un conflit qui a duré pendant un trop grand nombre d’années », s’exclame Michael Mail, le directeur de la Fondation du patrimoine juif, une organisation à but non-lucratif qui œuvre à préserver ce genre de site en Europe et au Moyen-Orient, auprès du Times of Israel , lors d’un entretien qui a eu lieu dans la journée de lundi.
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« Nous aurions souhaité qu’il soit résolu beaucoup plus tôt », ajoute-t-il.
L’organisation de Mail a émis mardi deux rapports qui, selon lui, présentent une feuille de route à destination des municipalités, des activistes soucieux de préserver les sites culturels et des autres acteurs concernés – pour les conseiller sur la manière d’éviter les écueils qui ont transformé le conflit sur le cimetière de Snipiskes en saga interminable et coûteuse.
Ces rapports – dont la date de diffusion n’a été en rien liée aux récents développements en Lituanie – donne des recommandations sur la manière de transformer au moins 1 700 cimetières juifs de sept pays, en Lituanie notamment, en autant de centres d’éducations sur le patrimoine local et sur le patrimoine juif. L’autre objectif est d’attirer simultanément les touristes – et leurs apports financiers – sur les sites en question, ce qui serait également une source de revenu nouvelle pour les locaux.
Parmi ces recommandations, la création de liens régionaux au-delà des frontières nationales, avec les pays voisins, pour offrir aux touristes des programmes combinant plusieurs sites du patrimoine juif. Les rapports prônent aussi d’amener les municipalités à s’engager dans les sites placés sous leur responsabilité pour garantir qu’elles s’impliqueront constamment dans le travail de préservation.
« Les différents acteurs doivent réfléchir à la manière dont les visiteurs accèderont à ces sites et à la manière dont un accès plus facile à ces derniers s’accompagnera de la nécessité, pour les visiteurs, de venir en affichant de la bonne volonté, en respectant les lieux », dit une section des recommandations faites à l’État lituanien.
Une partie des critiques du projet envisagé pour le cimetière juif de Snipiskes était que le centre de conférences qui devait y être construit serait autorisé à vendre de l’alcool et des produits alimentaires – un manque de respect pour les défunts juifs reposant sous le bâtiment, avaient estimé les critiques.
Les Soviétiques avaient rasé ce cimetière, vieux de plusieurs siècles, pour y installer un bâtiment hébergeant un centre sportif. Les autorités de Vilnius avaient prévu de détruire ce bâtiment, situé dans l’un des quartiers les plus prestigieux de la capitale, et d’y construire à la place un centre de conférences qui devait coûter des millions de dollars. Mais l’opposition de la communauté juive locale, qui avait craint que la construction de l’édifice ne vienne perturber le repos des défunts, avait reporté à de nombreuses reprises la concrétisation du projet. Il est aujourd’hui définitivement abandonné.
Gelūnas, le directeur du musée, note que le centre sportif serait finalement transformé en monument de commémoration.
Un autre site crée une forte polémique en Lituanie : c’est celui du Septième Fort, qui se dresse près de Kaunas. C’est un ancien camp de concentration de l’époque de la Shoah où reposent de nombreux défunts. Il est devenu un musée privé et il accueille des mariages, des activités de camping et des camps d’été pour les plus jeunes.
Au-delà des frontières de la Lituanie – où, pendant la Shoah, les nazis et leurs collaborateurs avaient assassiné 141 000 des 168 000 Juifs du pays – les rapports s’intéressent à des cimetières juifs situés en Géorgie, en Hongrie, en Moldavie, en Pologne, en Slovaquie et en Ukraine.
En 2017, le Conseil de l’Europe, une instance gouvernementale qui ne fait pas partie de l’Union européenne, avait adopté une résolution non-contraignante attribuant la responsabilité de la préservation des cimetières juifs aux gouvernements nationaux. Cette résolution s’était partiellement basée sur des informations qui avaient établi que les cimetières juifs étaient « probablement » plus vulnérables que les autres.
Une réalité qui est prise en compte dans les deux nouveaux rapports. Le premier est consacré aux cimetières juifs en tant que centres d’éducation et l’autre s’intéresse à eux pour l’intérêt potentiel qu’ils peuvent susciter auprès d’éventuels visiteurs.
Les rapports ont été émis par la Fondation du patrimoine juif, qui a fait la liste de tous ces sites dans le cadre d’une collaboration, financée par l’Union européenne, avec l’Initiative des cimetières juifs européens (ESJF) et Centropa, une organisation qui consacre ses activités à la préservation de la mémoire des communautés juives originaires d’Europe centrale et d’Europe de l’Est.
« Une partie de leur vulnérabilité émane du fait que ces cimetières ne sont pas utilisés – dans les endroits où il n’y a pas de Juifs ou dans ceux où il n’y en a que peu », explique Mail. « Un moyen de contourner le problème est de garantir que les locaux commenceront à s’impliquer dans les cimetières juifs – qu’ils pourront devenir une destination pour les touristes, un centre permettant aux enfants de découvrir l’Histoire de la ville ou les deux », note-t-il.
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