US: Des groupes juifs progressistes opposés au projet de loi controversé sur l’antisémitisme
Le président de J Street dit que la lutte contre l'antisémitisme est cooptée pour "poursuivre des objectifs autoritaires sans rapport avec l'administration Trump"

JTA – Alors que le projet de loi américain sur la sensibilisation à l’antisémitisme (Antisemitism Awareness Act) doit faire l’objet d’un vote crucial en commission sénatoriale, 10 organisations juives progressistes ont signé une lettre s’y opposant, estimant qu’il s’agit d’un soutien implicite aux tentatives de l’administration Trump de « détourner l’antisémitisme à des fins politiques ».
« Voter ce texte dans le climat politique actuel reviendrait à légitimer l’escalade d’une instrumentalisation de l’antisémitisme par l’administration Trump, utilisée comme prétexte pour affaiblir les droits civiques, expulser des dissidents politiques et s’attaquer aux fondements de notre démocratie, mettant en danger la communauté juive, ainsi que d’autres groupes », peut-on lire dans la lettre publiée mardi.
Les républicains ont ajouté au projet de loi un amendement destiné à rassurer les élus craignant que celui-ci ne pénalise certaines expressions issues de la doctrine chrétienne.
Ce texte avait déjà suscité des craintes liées à la liberté d’expression lorsqu’il avait été adopté à la Chambre des représentants l’an dernier, avant de se retrouver bloqué au Sénat. À gauche, ses opposants estiment que l’adoption de la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) pourrait empêcher toute critique légitime de la politique israélienne. À droite, des figures comme Marjorie Taylor Greene s’y opposent parce que cette définition considère comme antisémite la croyance selon laquelle les Juifs ont tué Jésus.
Le texte a désormais été réintroduit par une coalition bipartisane de sénateurs — dont plusieurs sont juifs — et doit être soumis mercredi à un vote de la commission sénatoriale de la Santé, de l’Éducation, du Travail et des Retraites (HELP), dans un contexte politique profondément modifié depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier. Son administration a adopté une série de mesures qu’elle présente comme une réponse à l’antisémitisme, mais qui ont été vivement critiquées, y compris par certains élus démocrates soutenant la proposition de loi.
Le sénateur démocrate Chuck Schumer, chef de la majorité jusqu’en janvier, est l’un des soutiens du texte et avait fait de son adoption une priorité lors de la dernière session parlementaire. Mais il a récemment critiqué les mesures de Trump visant les campus universitaires, signant la semaine dernière une lettre dénonçant l’invocation de l’antisémitisme comme « prétexte » pour attaquer les universités.

D’après le Jewish Insider, plusieurs élus démocrates ayant auparavant soutenu le projet de loi pourraient désormais voter contre, en raison de la stratégie adoptée par Trump sur cette question.
Lors de la réunion de mercredi, les parlementaires devront examiner le texte final, auquel plusieurs amendements sont proposés. L’un d’eux, porté par les républicains, vise à répondre aux préoccupations liées à la liberté religieuse, exprimées notamment par Marjorie Taylor Greene et d’autres élus – y compris certains sénateurs membres de la commission appelée à se prononcer.
Cet amendement, qui figurait mardi dans la version finale du projet de loi (et révélé en premier par The Forward), affirme vouloir protéger « la libre pratique religieuse ». L’accusation selon laquelle les Juifs auraient livré Jésus à la mort fait historiquement partie de certains courants chrétiens, bien qu’elle ait également servi de justification à la persécution des Juifs.
Les dix organisations progressistes juives signataires de la lettre d’opposition sont
Bend the Arc: Jewish Action, Habonim Dror North America, Hashomer Hatzair USA, J Street, Jewish Community Action, New Israel Fund, New Jewish Narrative, New York Jewish Agenda, The Nexus Project, et T’ruah: The Rabbinic Call for Human Rights.
Même si ces groupes sont ouvertement critiques de l’administration Trump, leur prise de position les place également en désaccord avec des élus juifs et démocrates qui affirment vouloir protéger la communauté juive par ce biais.
« Nous assistons à une instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par l’administration Trump à des fins autoritaires sans lien avec cette cause, et cette prétendue loi sur la sensibilisation à l’antisémitisme lui donnerait un outil supplémentaire », a déclaré Jeremy Ben-Ami, président de J Street, dans un communiqué.
« L’antisémitisme est un problème grave qui exige une réponse multidimensionnelle. Mais cette loi, combinée aux actions de l’administration actuelle, ne rend pas les Juifs américains plus en sécurité. »
La commission HELP doit également voter mercredi matin sur un autre texte, le Protecting Students on Campus Act, qui vise à encadrer les recours étudiants en matière de droits civiques.