USA : Deux universités consentent à des réformes suite aux enquêtes sur l’antisémitisme
Les affaires contre l'université du Michigan et CUNY sont les premières à avoir été classées depuis la vague de manifestations anti-Israël sur les campus au lendemain du 7 octobre
JTA – Le Département de l’Éducation des États-Unis a déterminé lundi que deux grandes universités publiques n’avaient pas protégé les étudiants juifs contre la discrimination à la suite de l’attaque du 7 octobre contre Israël.
Les procédures engagées contre l’université du Michigan et la City University of New York (CUNY) sont les premières à aboutir depuis le 7 octobre. Le massacre perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas – qui a fait 1 200 morts et 251 kidnappés – et la guerre qui s’en est suivie à Gaza ont déclenché une vague de manifestations anti-Israël dans les universités, créant un climat d’antisémitisme, selon certains étudiants et groupes juifs.
Les deux universités ont répondu à ces accusations et ont accepté d’améliorer la formation sur l’antisémitisme et de réévaluer les allégations passées d’antisémitisme sur leurs campus. De tels résultats sont fréquents dans les affaires ouvertes en vertu du titre VI de la loi de 1964 sur les droits civils, qui interdit toute une série de types de discrimination au sein des institutions financées par le gouvernement fédéral et constitue désormais une première ligne de défense pour les défenseurs des droits de l’homme affligés par l’antisémitisme sur les campus.
« La haine n’a pas sa place dans nos universités, jamais. Malheureusement, nous avons été témoins d’une série d’incidents très préoccupants ces derniers mois », a affirmé le secrétaire à l’Éducation, Miguel Cardona, dans un communiqué. « Il ne fait aucun doute que les établissements universitaires de tout le pays traversent une période difficile. Les récents engagements pris par l’université du Michigan et la CUNY sont un pas dans la bonne direction. »
Dans le cas du Michigan, le département de l’Éducation a indiqué avoir examiné 75 plaintes alléguant un « harcèlement et/ou une discrimination fondée sur les origines » datant de l’année académique 2022-2023 – avant le 7 octobre – et jusqu’en février 2024, incluant un cas de harcèlement ou de discrimination basé sur « les origines juives et les origines palestiniennes ou musulmanes », et n’a trouvé « aucune preuve » que l’université se soit conformée aux exigences prévues par le Titre VI pour sur la question de savoir si les manifestations au sein de l’université concernant la guerre Israël-Hamas avaient créé un « environnement hostile » pour les étudiants, le corps professoral et le personnel.
Dans un incident, les enquêteurs ont constaté que l’université a rejeté la demande de résolution de conflit d’un étudiant juif qui affirmait qu’un assistant d’enseignement l’avait harcelé sur les réseaux sociaux en octobre 2023. L’université avait répondu à l’étudiant que les réseaux sociaux » étaient protégés en grande partie au titre de la liberté d’expression « , selon les conclusions du rapport de l’Office des Droits Civiques.
Dans un autre incident en octobre, les enquêteurs ont constaté que la fac n’avait pas pris de mesures pour enquêter ou répondre à une allégation selon laquelle des manifestants sur le campus avaient crié « F- l’éducation, libération nazie. »
Le Michigan n’est pas parvenue à protéger ses étudiants pro-palestiniens contre la discrimination, a conclu l’office des droits civiques. Lorsqu’une étudiante a signalé que quelqu’un l’avait accusée d’avoir des amis « terroristes » en raison de sa participation à une manifestation pro-palestinienne, l’université a organisé une « séance de médiation », mais n’a pas pris d’autres mesures pour remédier à la situation, ont constaté les enquêteurs. (La personne qui a porté cette accusation a été identifiée comme étant un donateur juif et un membre du conseil de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de l’école de l’information).
Le Michigan a souligné dans son propre communiqué sur la résolution que la conclusion des affaires ne constituait pas un aveu d’actes répréhensibles. Le président Santa Ono a déclaré dans un communiqué que les mesures convenues profiteraient à tous les étudiants.
« Nous nous efforçons en permanence d’informer notre communauté sur les droits et les privilèges de la liberté d’expression afin de garantir que le débat ne bascule pas dans le harcèlement ciblé ou l’intimidation », a indiqué Ono. « Cet accord reflète l’engagement de l’université à s’assurer qu’elle dispose des outils nécessaires pour déterminer si les actes ou les discours d’un individu créent un environnement hostile, et à prendre les mesures positives nécessaires pour fournir un environnement éducatif sûr et accueillant pour tous. »
Dans le cas de la CUNY, qui a longtemps été critiqué pour avoir laissé se développer un climat antisémite, l’accord du ministère de l’Education couvre neuf facultés distinctes qui ont chacune fait l’objet d’une plainte en vertu du Titre VI.
De nombreuses plaintes portaient sur des incidents survenus depuis le 7 octobre, mais le rapport de l’office des droits civiques a accordé la plus grande attention à un incident survenu en 2021 lorsque, comme l’ont confirmé les enquêteurs, des étudiants et des professeurs du Hunter College ont perturbé deux sessions différentes d’un cours obligatoire en « réquisitionnant » la classe « pour appeler à la décolonisation de la Palestine », effrayant plusieurs étudiants et en amenant au moins un à quitter la classe plus tôt que prévu. Un étudiant juif a témoigné que lorsque des étudiants juifs prenaient la parole ou essayaient de s’exprimer, on leur disait qu’ils devaient écouter et non parler.
L’Office des droits civiques a constaté que le Hunter College était parvenu à la conclusion que les perturbations n’avaient pas empêché ces étudiants juifs d’accéder aux cours, mais qu’il ne pouvait pas le déterminer sans avoir interrogé les étudiants concernés, ce qu’il n’a pas fait. L’Office n’a pas non plus trouvé de preuve que le Hunter College « ait pris des mesures pour communiquer les résultats de son enquête aux étudiants concernés ».
Selon les termes de l’accord, la CUNY s’est engagée à rouvrir plusieurs dossiers. Elle poursuit également l’examen par des tiers de ses politiques de non-discrimination et de lutte contre l’antisémitisme, qui sont actuellement menées à la demande de la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, ainsi que par un groupe de défense « axé sur la lutte contre l’antisémitisme ».
« La CUNY s’est engagée à offrir un environnement exempt de discrimination et de haine, et ces nouvelles mesures garantiront la cohérence et la transparence dans la manière dont les plaintes sont examinées et résolues », a assuré le recteur de l’université, Félix V. Matos Rodríguez, dans un communiqué. « Nous sommes reconnaissants à l’Office des droits civils du Département américain de de l’Education d’avoir collaboré avec CUNY pour créer un plan global qui prolonge nos efforts continus pour combattre la haine et garantir que chaque membre de notre communauté puisse se sentir en sécurité dans nos établissements universitaires ».
Les militants juifs à l’origine de certaines des plaintes ont dit être optimistes quant aux résolutions, mais qu’ils ne se prononceraient pas tant que les mesures promises n’auront pas été appliquées avec succès.
« L’accord avec la CUNY est un pas dans la bonne direction car il reconnaît que la CUNY n’a pas réussi à résoudre le problème de manière adéquate et met en place un contrôle et une surveillance fédérale », a expliqué Alyza Lewin, présidente du Brandeis Center for Human Rights Under Law, un cabinet qui a introduit des plaintes au titre VI au nom d’étudiants juifs et pro-israéliens avant et après le 7 octobre. « Cette décision est cependant loin de signifier que la CUNY est désormais au-dessus de tout reproche. Ce sont les détails qui seront décisifs. »
Depuis le 7 octobre, des dizaines d’autres enquêtes relevant du titre VI et portant sur des allégations d’antisémitisme sont toujours en cours dans des universités à travers les États-Unis. Une poignée d’entre elles ont été closes lorsque les écoles qu’elles visaient ont été poursuivies en justice pour les mêmes incidents ; l’une de ces affaires a récemment fait l’objet d’un règlement juridique aux termes duquel l’université de Columbia a consenti à prendre un certain nombre d’engagements, notamment celui de protéger la sécurité des étudiants juifs sur le campus.