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Violences anti-palestiniennes en Cisjordanie: la Haute Cour interpelle la police pour son inaction

Les habitants d'un village du sud de la Cisjordanie accusent les services de sécurité d'avoir ignoré l'ordre de la Cour de faciliter leur retour dans leurs maisons, suite à des harcèlements répétés

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Des bâtiments démolis dans le village palestinien de Khirbet Zanuta, le 4 décembre 2023. (Autorisation : groupe activiste au sud du mont Hébron)
Des bâtiments démolis dans le village palestinien de Khirbet Zanuta, le 4 décembre 2023. (Autorisation : groupe activiste au sud du mont Hébron)

Lors d’une audience organisée à la Haute cour dans la journée de lundi, les juges ont demandé avec une impatience certaine à la police des explications sur son incapacité à freiner les violences des partisans du mouvement pro-implantation dans le sud de la Cisjordanie, a fait savoir Ynet.

Les magistrats étaient en train d’examiner une requête déposée par des résidents du village palestinien de Khirbet Zanuta. Les habitants accusent l’armée, la police israélienne et le ministère de la Défense d’outrage au tribunal – Ces derniers n’auraient ainsi pas respecté les ordres donnés par la cour, qui avait sommé les services de sécurité d’assurer la protection de ces villageois palestiniens face aux violences.

Les habitants de Khirbet Zanuta avaient fui le village à la fin du mois d’octobre 2023 suite aux attaques persistantes, le mois précédent, qui les avaient pris pour cible et qui avaient visé les infrastructures de leur petite localité rurale – des attaques qui avaient été commises par des extrémistes juifs. Ils avaient réintégré leurs habitations en date du 21 août, la Haute Cour ayant ordonné à Tsahal et à la police de permettre leur retour dans de bonnes conditions. Mais les villageois affirment aujourd’hui que de nouvelles agressions, le refus opposé par les services de sécurité s’agissant de les protéger et les mesures prises par ces derniers pour empêcher les travaux qui permettraient de rendre Khirbet Zanuta à nouveau habitable ont conduit au dépeuplement de cette petite localité.

Dans leur requête, les avocats des résidents ont fourni des photos montrant des résidents de l’avant-poste illégal voisin, la ferme de Meitarim, en train de filmer les habitants du village dans leurs maisons ou s’en prenant au bétail.

Selon Ynet, au cours de l’audience, le président par intérim de la Cour suprême, Isaac Amit, a tapé du poing sur son pupitre alors qu’il interpellait avec vivacité un représentant des forces de l’ordre : « Pas un seul acte de mise en examen n’a été déposé. Nous voyons des extrémistes juifs à l’intérieur de ces maisons. Rien n’a été fait ».

L’inspecteur en chef Aviad Balmas, responsable des enquêtes au commissariat de Hébron, a déclaré que la police « envoie régulièrement une équipe » lorsque des plaintes sont déposées. « Elle fait alors des recherches sur le terrain et elle ne trouve rien », a-t-il ajouté.

« C’est ce qui arrive tout le temps, les personnes qui déposent les plaintes n’étant même pas présentes sur les lieux », a-t-il continué.

Le président par intérim de la Cour suprême, le juge Isaac Amit, à la Cour suprême, à Jérusalem, le 14 novembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Il a indiqué que « ce que vous devez comprendre, c’est qu’il y a des dizaines de plaintes pour violation de propriété…. Il n’y a pas de véritables délimitations [terrestres]. Un troupeau passe avec son berger dans un secteur où il n’y a rien, aucune culture, et les moutons du berger pénètrent dans des terres palestiniennes. Qu’est-ce que je suis censé faire ?… Est-ce qu’une voiture de police va venir, est-ce qu’elle va emmener le berger et disperser les moutons ? »

Concernant les violences, il a à nouveau affirmé que « nous dépêchons une voiture à chaque fois qu’il y a un incident. La zone est immense. Nous enquêtons, nous convoquons les gens pour les interroger. Mais le fait qu’il y ait eu une plainte ne signifie pas pour autant qu’un incident s’est produit ».

La juge Daphne Barak-Erez a rétorqué : « Vous présentez les choses comme si tout allait bien. Les gens, ici, ont été forcés de quitter leurs maisons… En fin de compte, ce qui nous intéresse, ce sont les résultats – et les résultats, ici, sont mauvais ».

Il y a également dans la requête des clichés montrant des soldats israéliens en train de confisquer des couvertures qui étaient utilisées par les villageois pour couvrir leurs maisons détruites, ou en train d’enlever les clôtures installées autour du village. Ce qui démontre, affirment les plaignants, que les services de sécurité ne manquent pas d’effectifs dans la région et qu’ils sont parfaitement en mesure de se conformer à la décision de justice concernant la protection des villageois – s’ils en ont par ailleurs la volonté.

Des soldats confisquent des couvertures appartenant à des résidents du village palestinien de Khirbet Zanuta pour les empêcher de les utiliser comme toits de fortune, le 30 août 2024. (Crédit : Haqel)

La requête a été également accompagnée d’un document de synthèse juridique qui a été rédigé par des spécialistes israéliens de renommée internationale, qui ont fait savoir au tribunal que la conduite des militaires, des policiers et de l’Administration civile s’apparentait à un transfert forcé des habitants de Khirbet Zanuta, ce qui est illégal au regard du droit international et ce qui pourrait par ailleurs constituer un crime de guerre au regard de la Quatrième Convention de Genève.

Les habitants de Khirbet Zanuta avaient fui le village à la fin du mois d’octobre dans un contexte de renforcement massif des violences des partisans du mouvement pro-implantation à l’encontre des Palestiniens de la zone C de la Cisjordanie – où Israël a le contrôle militaire et civil – et dans le sillage du pogrom qui avait été commis par le Hamas, le 7 octobre. Ces attaques avaient entraîné le déplacement de plus d’un millier de Palestiniens issus des communautés rurales de bergers, en particulier dans les collines du sud de Hébron et dans la vallée du Jourdain.

En l’absence des habitants de Zanuta, de nombreuses maisons en pierre avaient été détruites ou endommagées et une école construite par l’Union européenne dans le village avait été détruite au bulldozer. Les autorités chargées de faire respecter la loi n’étaient pas parvenues à identifier les auteurs de ces destructions.

Un Israélien, qui serait originaire de l’avant-poste illégal de la Ferme de Meitarim, filme des Palestiniens dans leurs maisons dans le village de Khirbet Zanuta en Cisjordanie, au mois de septembre 2024 (Autorisation : Haqel)

Le 29 juillet, la Haute Cour avait ordonné à Tsahal et à la police de permettre aux habitants de rentrer chez eux, certains résidents regagnant Khirbet Zanuta dès le 21 août.
Mais moins de trois semaines plus tard, l’Administration civile avait informé les habitants qu’elle ferait appliquer des ordonnances de démolition de leurs habitations qui avaient été émises en 2007 s’ils n’acceptaient pas de déménager de leur propre gré.

En raison des attaques répétées des partisans du mouvement pro-implantation et de ces menaces de démolition, les derniers villageois avaient quitté Zanuta le 12 septembre.

Les structures en pierre avaient été construites à Zanuta par les Palestiniens dans les années 1980, alors que les grottes dans lesquelles ils vivaient jusque-là menaçaient de s’effondrer. Ces habitations sont toutefois illégales, le village n’ayant pas bénéficié d’un plan directeur de zonage ou de permis de construire – des permis qui sont en général extrêmement difficiles à obtenir pour les Palestiniens vivant dans la zone C de la Cisjordanie.

Après des années de procédure devant la Haute Cour, l’État avait accepté, en 2017, de ne pas faire appliquer les ordres de démolition pendant qu’il élaborait de nouveaux critères de planification.

Dans sa demande d’ordonnance pour outrage au tribunal déposée le 18 septembre, l’organisation d’aide juridique Haqel, qui représente les habitants de Khirbet Zanuta, a affirmé que ce qu’elle a décrit comme le « deuxième transfert » des résidents du village a été effectué « délibérément et avec préméditation » par les autorités – ainsi que par environ huit résidents d’avant-postes locaux.

La police israélienne parle à des Palestiniens revenus dans le village de Khirbet Zanuta, en Cisjordanie, après avoir été chassés par les menaces de partisans du mouvement pro-implantation, le jeudi 29 août 2024. (Crédit : AP/Maya Alleruzzo)

« Alors que les habitants de Zanuta tentaient de revenir chez eux à la suite de la décision prise par la Haute Cour – des tentatives qui ont duré des semaines entières – ces derniers ont été persécutés sans pitié par les partisans du mouvement pro-implantation et par les accusés et ils ont finalement été expulsés pour la deuxième fois », ont écrit les juristes de Hagel.

L’organisation a déclaré que des extrémistes juifs armés étaient entrés sur les terres de Khirbet Zanuta « et ils n’ont pas cessé de menacer les résidents, de les attaquer; de blesser ou de tuer leurs moutons » depuis la mi-août.

Des habitants du village palestinien de Khirbet Zanuta s’occupant de leurs moutons, avec leurs maisons en arrière-plan, après leur retour dans le village après avoir fui la violence des résidents d’implantations l’année dernière, le 21 août 2024. (Crédit : Hamdan Ballal/Haqel)

La requête déposée par Haqel a également noté que la police a « totalement refusé » toutes les demandes des villageois, qui réclamaient l’expulsion des partisans du mouvement pro-implantation du village – et ce malgré l’ordre donné par la Haute Cour à la police et à Tsahal, qui les avait sommés de protéger au mieux les résidents.

A la place, les forces de l’ordre et les soldats ont déclaré aux habitants que les extrémistes juifs avaient le droit d’être là – cela avait notamment été le cas à l’occasion d’un incident qui avait été filmé.

Les demandes écrites d’aide, qui avaient été adressées à la police, ont été ignorées, a confié au Times of Israel Quamar Mishirqi-Assad, avocat au sein de l’organisation Haqel dont il est également le co-directeur.

Plus de cent incidents de harcèlement avaient été enregistrés au cours des trois semaines qui s’étaient écoulées entre le retour des résidents dans le village et leur second départ « en temps réel et après coup », mais la police n’avait répondu à aucun d’entre eux, a accusé Haqel.

L’organisation a également souligné que l’Administration civile, une agence du ministère de la Défense qui est en charge des affaires civiles en Cisjordanie, avait refusé à plusieurs reprises d’autoriser les habitants du village à réparer les maisons qui avaient été endommagées lors des attaques commises par les résidents d’implantation après leur départ du village, au mois d’octobre de l’année dernière.

L’armée avait notamment confisqué les bâches que les villageois avaient étendues sur leurs maisons pour comme toit de fortune. Les habitants avaient en effet retiré les toits métalliques qu’ils avaient installés, à l’origine, sur leurs habitations lorsqu’ils étaient partis.

L’armée avait également enlevé les filets que les habitants utilisaient pour avoir un peu d’ombre.

Haqel a estimé que de tels agissements venaient violer l’engagement pris par l’armée et par la police auprès de la Haute-Cour, lorsque cette dernière avait jugé que les habitants étaient en droit de revenir – un jugement qui n’avait plus aucune utilité si, par ailleurs, Khirbet Zanuta ne pouvait plus être un village considéré comme habitable suite aux dégâts causés en l’absence des résidents.

Un Israélien, qui serait originaire de l’avant-poste illégal de la Ferme de Meitarim, filme des Palestiniens dans leurs maisons dans le village de Khirbet Zanuta en Cisjordanie, au mois de septembre 2024 (Autorisation : Haqel)

L’organisation a ajouté que la notification donnée par l’Administration civile – qui avait fait savoir qu’elle ferait appliquer les ordres de démolition si les villageois n’acceptaient pas de partir – était la démonstration du fait que l’État a cherché à « achever le processus d’expulsion amorcé par les partisans du mouvement pro-implantation », et un élément laissant penser que les accusés n’avaient jamais eu l’intention de se conformer à l’ordonnance du tribunal.

Le positionnement adopté par les spécialistes israéliens du droit, qui affirment que les actions de l’État constituent un transfert forcé au regard du droit international, a été joint à la requête. Ce document a été rédigé par cinq universitaires, dont les professeurs Eyal Benvenisti et Yuval Shani.

Benvenisti était membre de l’équipe juridique qui a défendu Israël contre les accusations de génocide devant la Cour internationale de justice de La Haye au mois de janvier dernier, tandis que Shani est l’auteur de nombreux ouvrages sur le droit international et il a été doyen de la faculté de droit de l’Université hébraïque.

« Le transfert forcé n’est pas seulement un transfert où la force physique est utilisée. La création de conditions qui obligent les gens à quitter leur lieu de résidence relève également de la définition du ‘transfert forcé’, » font remarquer les professeurs dans la requête.

« Dans le cas présent, après avoir respecté leur engagement pris à l’égard de la Cour de permettre aux habitants de Zanuta de retourner dans leur village, les autorités, par leurs actions comme par leurs omissions, ont créé des conditions qui ont forcé les habitants à quitter le village », poursuivent-ils, affirmant que ces faits « contreviennent à l’interdiction du transfert forcé » qui figure dans l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève ».

Ils ajoutent éprouver « une grave inquiétude » – l’inquiétude suscitée par la possibilité que ce « transfert forcé » puisse constituer également un crime de guerre, selon la définition présentée dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ils ajoutent que si la Haute Cour devait refuser de prendre des mesures contre ce transfert, la CPI pourrait elle-même décider de poursuivre les responsables.

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