Violences : Les partis arabes évoquent la question du traitement des Palestiniens
Entre bouclages et opérations antiterroristes à Shuafat et Jérusalem-Est, Hadah-Taal et Balad disent voir peu de différence entre la droite et le "gouvernement du changement"
Dans une annonce électorale publiée ce jeudi, le parti à majorité arabe Hadah-Taal accuse les dirigeants israéliens d’« assassiner allègrement » les Palestiniens.
« La volonté du peuple palestinien sera faite et il sera libre », assure la vidéo.
En visite dans le camp de réfugiés de Shuafat à Jérusalem-Est en début de semaine, le député Ahmad Tibi, du parti Hadash-Taal, a dénoncé ce qu’il a qualifié de « punition collective » imposée aux habitants du camp, tandis que les forces de l’ordre sont toujours à la recherche des meurtriers présumé de soldats israéliens.
« Mettre fin au mandat de [Benjamin] Netanyahu est essentiel, mais pas suffisant. Il est maintenant nécessaire de changer la politique dominante en Israël. La droitisation de la vie politique est un phénomène auquel nous devons mettre un terme », a déclaré Tibi au Times of Israël mardi, évoquant plusieurs exemples de politiques discriminatoires envers les Palestiniens.
Depuis dimanche, les forces de l’ordre israéliennes retournent tout Shuafat et les secteurs voisins de Jérusalem-Est, à la recherche de Kamel Tamimi, Palestinien accusé d’avoir abattu la soldate israélienne Noa Lazar, âgée de 18 ans, au poste de contrôle de Shuafat.
Les interventions à l’intérieur du camp, dans lequel Tamimi s’est réfugié après la fusillade, ont conduit à l’arrestation de plusieurs complices présumés.
Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes contre les manifestants et bloqué les accès au camp.
Des voix se sont élevées pour dénoncer de telles mesures, au premier rang desquelles se trouvent les partis israéliens à majorité arabe.
Ces partis cherchent une fois de plus à faire du traitement des Palestiniens par Israël – une question qu’ils estiment ignorée sinon sous-estimée des Israéliens – un thème central de leur campagne électorale en vue du scrutin du 1er novembre prochain.
Dans l’ensemble, les habitants du camp de Shuafat et des environs ne voteront pas aux élections israéliennes, puisque la plupart n’ont pas la citoyenneté israélienne.
Tibi estime que sa visite dans le camp constitue à la fois un important témoignage de solidarité et un message à l’électorat israélien sur l’urgence d’un changement de paradigme dans l’approche envers les Palestiniens.
Mardi soir, lors du lancement de la campagne Hadash-Taal en hébreu visant ses quelques soutiens juifs, Tibi a condamné « le bouclage impitoyable » de Shuafat.
« Voilà à quoi ressemble l’occupation. L’occupation fait des victimes. Il y a une solution à cette souffrance et à cette oppression : mettre fin à l’occupation et établir un État palestinien indépendant », a-t-il déclaré.
La députée Aida Touma-Sliman, numéro deux du parti Hadash, a également qualifié l’action d’Israël à Shuafat de « punition collective d’une extrême sévérité » dans un tweet publié mercredi.
Touma-Sliman s’en est prise aux membres de la Knesset qui siègent actuellement dans le gouvernement de coalition.
« Une fois de plus, [Yair] Lapid, [Ayelet] Shaked et [Benny] Gantz parlent de tuer, assiéger et détruire des maisons, mais seule la fin de l’occupation apportera la sécurité. »
Gantz, actuel ministre de la Défense, s’est rendu sur les lieux de la fusillade, lundi, pour remercier les gardes-frontières de leur action et assurer que « nous mettrons bientôt la main sur le terroriste et ceux qui l’ont aidé ».
Le lendemain de la visite de Gantz au poste de contrôle, le dirigeant de Hadash-Taal, Ayman Odeh, lui a adressé une plainte officielle, rédigée sur un papier à en-tête de la Knesset, dénonçant les « nombreuses arrestations et restrictions à la liberté de mouvement imposées aux habitants de Shuafat ».
Dans cette lettre, Odeh déplore la paralysie générale engendrée par le bouclage, affirmant que « 3 000 patients n’ont pas été autorisés à quitter la camp pour aller se faire soigner. En outre, les services médicaux ne peuvent entrer dans le camp pour venir en aide aux malades, pas davantage que les services de secours ou les pompiers ».
« Des produits alimentaires de base viennent à manquer. En raison de cette situation difficile, les écoles ont fermé, craignant pour la vie et la santé des élèves », a-t-il ajouté.
Odeh affirme que les arrestations se sont « faites dans le cadre de raids de grande ampleur des forces de l’ordre, accompagnées d’un recours massif à la violence et aux gaz lacrymogènes, parfaitement injustifié contre des civils innocents ».
Plusieurs médias palestiniens, évoquant des sources locales, affirment qu’un bébé est mort étouffé par des gaz lacrymogènes lors d’affrontements entre les forces de l’ordre israéliennes et des habitants de Kafr Aqab.
Hashim Hushiyeh, habitant de Shuafat âgé de 51 ans, ne peut pas se rendre à son travail, dans le secteur de la construction, à cause du bouclage et reste à la maison avec ses enfants, eux-mêmes privés d’école.
Il estime que sa communauté fait face à une punition collective.
« À cause d’une seule personne, nous sommes tous punis. En tant que Palestiniens, nous avons des problèmes avec des personnes venues des villes et implantations israéliennes. Et pourtant, il n’y a jamais de bouclage des secteurs israéliens », a-t-il déclaré au Times of Israel.
À Shuafat, qu’elles considèrent comme un foyer extrémiste, les forces de l’ordre israéliennes assurent prendre les mesures strictement nécessaires à la capture du meurtrier de Noa Lazar et au rétablissement de l’ordre.
« Lorsqu’ils poursuivent un terroriste qui vient de tuer et est prêt à recommencer, avec ses complices, les forces de l’ordre doivent tout mettre en œuvre pour l’interpeller et déjouer ses noirs desseins envers des innocents », a déclaré un porte-parole de la police des frontières.
Comme sa situation du côté palestinien de la barrière de sécurité de Cisjordanie ne l’indique pas, Shuafat fait partie de Jérusalem.
Les entreprises de la partie orientale de la ville ont répondu à l’appel à grève générale, plongeant des quartiers normalement très animés dans un calme surprenant.
L’autre politicien arabe israélien à s’être exprimé sur les événements de Shuafat est Sami Abou Shehadeh. Le parti Balad qu’il dirige s’est séparé le mois dernier de Hadash et Taal, qui ont été ses partenaires au sein de la Liste arabe unie.
Les sondages suggèrent que le parti Balad n’atteindra pas le seuil d’éligibilité.
« Les brutalités des policiers et des soldats envers les habitants de Shuafat doivent cesser. Les graves violations des droits des habitants du camp par les différents appareils de sécurité se font à la demande du gouvernement du ‘changement’ », a déclaré Abu Shehadeh.
Il a ajouté : « C’est un gouvernement qui agit, encore et encore, pour enraciner l’occupation, s’en prendre aux Palestiniens et à leurs droits les plus fondamentaux. Il n’y a pas de différence entre eux et la droite. »
L’idée que le centre et la droite ne sont que des variations du même « fascisme », comme le dit Balad, est un sujet de controverse depuis que le parti s’est séparé de la Liste arabe unie, dit-on, en opposition aux deux autres partis qui souhaitaient que Yair Lapid, du parti Yesh Atid, accède au poste de Premier ministre à l’issue des prochaines élections.
L’attitude des Israéliens juifs à l’égard du traitement des Palestiniens ne semble pas avoir pesé sur les votes ces dernières années, à tel point que la fin du régime militaire d’Israël sur les terres prises lors de la guerre des Six Jours de 1967 n’apparaît pas comme une option dans les sondages qui interrogent les Israéliens sur les facteurs influençant leurs intentions de vote.
11 % seulement des électeurs confient que les questions de « sécurité et politique étrangère » orientent leur intention de vote, contre 44 % les questions économiques et le coût de la vie.
Mais pour les partis à majorité arabe, la politique d’Israël en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est constitue un nœud gordien, auquel sont liées toutes les autres questions sociales et économiques.
Lors du lancement de la campagne en hébreu de Hadash-Taal mardi, le député Ofer Kassif, membre juif le plus haut placé du parti, a déclaré : « L’occupation est la racine de tout ce qui ne va pas, y compris le coût élevé de la vie. L’argent qui pourrait être dépensé pour l’éducation, la santé et les programmes sociaux est alloué aux implantations. Même les politiques économiques visent à prolonger l’occupation. »
Adva, un institut d’analyse politique israélien non partisan, a révélé qu’en 2017, le gouvernement israélien avait dépensé 50 % de plus par habitant dans les implantations non haredim en Cisjordanie que dans les villes pauvres d’Israël, dont beaucoup comptent des populations à majorité arabe.