Virus : Les producteurs se demandent combien de temps ils pourront tenir
Les producteurs israéliens de festivals et de concerts protestent contre leurs bas revenus et le manque d'activité à cause du coronavirus
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Le 14 juillet, environ 6 000 personnes sont/étaient censées danser dans les allées de l’Expo de Tel Aviv : le groupe de Boston The Pixies doit/devait chanter à pleine voix les morceaux préférés de la foule.
Le groupe n’a pas encore officiellement annulé, mais en supposant qu’il le fera à cause de l’épidémie de coronavirus, le producteur Carmi Wurtman n’est pas sûr que cela vaille le coup de planifier des éléments pour l’été prochain.
« Nous essayons de décaler toutes les tournées, ou de proposer des nouvelles tournées, a expliqué Wurtman. Mais nous ne savons pas non plus ce qui va se passer l’été prochain ».
Le virus a chamboulé de nombreuses industries, et certaines d’entre elles, comme le tourisme, l’événementiel, les restaurants et les cafés, n’ont pas encore totalement repris voire pas du tout repris. Les saisons du printemps et de l’été correspondent au pic des événements pour un producteur de concerts, particulièrement en Israël, où les événements en extérieur commencent en mai et s’étalent jusqu’en octobre.
« Le pic pour notre industrie est maintenant et, actuellement, nous n’avons pas du tout d’activité, a déploré Gil Karniel, un producteur qui a vu l’ensemble de sa saison d’événements être annulée à cause du coronavirus. Nous n’avons même pas l’autorisation de rassembler des centaines de personnes. La vraie difficulté est de savoir ce qui va se passer dans le futur et notre capacité à prévoir ou à reprogrammer des événements ».
Aussi bien Wurtman que Karniel ont participé à une manifestation lundi à la Knesset. La manifestation a rassemblé 5 000 personnes qui travaillent dans l’industrie de l’événementiel et des spectacles, notamment des producteurs, des artistes, des compagnies théâtrales, des techniciens du son et des lumières, des professionnels des relations publiques, des organisateurs d’événements et d’autres personnes impliquées dans l’organisation de grands événements.
La manifestation, baptisée l’Âme ou la Guerre, a été organisée pour protester contre le manque d’attention du gouvernement pour leur industrie.
« Je ne sais pas pourquoi, mais l’art n’est pas vu comme étant aussi important que le pain et le beurre », a déclaré Wurtman. Mais sans culture, quel intérêt ? »
Un autre promoteur, Kohra Yuval Itach a déclaré qu’il avait failli être arrêté à la manifestation. Itach organise sept à huit festivals alternatifs par an. Ses événements vont de cours de yoga, à des spectacles de danse ou de musique internationale.
« Nous devions faire du bruit, a expliqué Itach. Ils ne nous laissent pas organiser d’événements et ils ne nous donnent pas d’argent. Combien d’entreprises du secteur événementiel et de la culture sont en train de mourir ? Il y a presque 200 000 personnes en Israël qui travaillent dans l’industrie de l’événementiel et de la culture. Nous avons besoin d’argent ».
Wurtman se décrit comme faisant le pont entre les grands et les plus petits producteurs locaux. Il a expliqué que les grandes entreprises de production seraient certainement celles qui auraient accès aux officiels du gouvernement pour lui demander d’aider l’industrie.
Il a indiqué que plusieurs producteurs privés ont lancé une action en justice commune contre l’Institut national d’assurance, l’assurance chômage d’Israël. Celui-ci a versé des aides d’urgence à certains acteurs privés dans différentes industries. Pourtant, il ne pense pas que leur action sera couronnée de succès.
« L’industrie de la musique est toujours négligée en période d’urgence, que cela soit une guerre avec le Liban et Gaza ou un truc comme ça, a-t-il noté. Nous pouvons supporter un mois ou deux d’agitations. Mais là, c’est différent ».
Shuki Weiss, l’un des plus importants producteurs d’Israël, dont la programmation estivale incluait les Red Hot Chili Peppers, Céline Dion et Morrissey, a écrit il y a quelques semaines que ses employés – dont beaucoup sont en congé sans solde – étaient dans une situation de « spirale » pour reprogrammer les dates des tournées. Ils devaient travailler en prenant en compte la logistique compliquée des artistes, des pays, des villes, du personnel et des équipements.
« J’ai le sentiment que chaque petite réussite en cette période est un grand succès, a déclaré Weiss. Nous réussissons progressivement à programmer une nouvelle année d’événements pour 2021 ».
Le secteur se prépare à mener d’autres manifestations, et Wurtman a dit qu’il était content des manifestations.
מחר!!! עולים לירושליים בשעה 13:00 | הנשמה או מלחמה !!! #ועדפעולהתעשייתהתרבות
Posted by Guy Beser on Sunday, June 14, 2020
« La culture est sérieusement touchée, a-t-il dit. Imaginez un monde sans musique, ce n’est pas la vie que nous voulons vivre. Nous allons voir de plus en plus de gens faire faillite et ce sont des gens qui travaillent depuis vingt ou trente ans dans cette industrie. Je vais m’en sortir, mais tout mon personnel, mes fournisseurs, qui se plieraient en quatre pour moi, je suis inquiet à leur sujet. Les artistes ne sont pas toujours entourés de gloire et de paillettes. J’en connais certains qui sont retournés chez leurs parents ».
Wurtman travaille comme producteur depuis 19 ans. Il produit des festivals universitaires pour des journées étudiantes et fait venir des artistes de l’étranger. Il avait prévu une exposition de technologie et de divertissement de cinq semaines à Tel Aviv cet été. Ces dernières années, il a organisé des spectacles de différents artistes, dont America, Joe Cocker, Macy Gray, Ziggy Marley, Joss Stone et Jason Derolo
S’il gagne de l’argent sur 12 ou 13 événements chaque année qui coûtent chacun environ 1 million de shekels à produire, « cela permet de compenser », a noté Wurtman. Mais maintenant, c’est dur de savoir à quoi s’attendre. Cela ne vaut pas forcément le coup de d’organiser des événements pour 250 ou 500 personnes, et même si les tournées sont reprogrammées, personne ne sait ce qui va se passer l’été prochain ».
Itach, qui organise des événements plus petits et plus alternatifs avec environ 1 500 participants, est aussi d’accord. Il a souligné que s’il « y a moins de monde, alors il y a moins de profits ».
« Pour équilibrer les comptes, il faut souvent vendre 80 % des places et si nous ne sommes pas autorisés à vendre toutes les places à cause du corona, nous ne gagnerons pas d’argent », s’est alarmé Itach. Il cherche à développer des versions en ligne de ses événements, qui incluent souvent des performances et des intervenants. « S’ils autorisent seulement des événements avec 500 personnes, ce n’est pas ça qui va vraiment relancer l’industrie ».
Karniel travaille avec une grande diversité d’artistes mondiaux et de musiciens indépendants. Il a produit des festivals comme Mekudeshet et Sunbeat. Il s’active aussi pour reprogrammer ces événements pour l’année prochaine, mais personne ne sait clairement ce qui va se passer.
C’est possible de faire l’impasse sur cette saison, ont expliqué Karniel et Wurtman, mais pas sur la suivante.
« Je ne vais pas travailler comme un livreur de courses de supermarché. Je préfère prendre un prêt à la banque, a insisté Wurtman. Pour l’instant, il cherche des salles pour l’année prochaine, mais, à la fin de chaque réunion, tout le monde reconnaît que l’on ne sait même pas si des événements pourront avoir lieu.
« Je suppose que le coronavirus va disparaître ou que l’on trouvera un vaccin, mais nous retournerons au travail en 2021, a noté Karniel. Nous prenons ce pari parce que nous ne pouvons pas imaginer un autre été qui se déroulerait comme celui-là. C’est une condamnation à mort pour nous ».