Voici le chef de la première commission pour l’égalité des Juifs en GB
Le Board of Deputies a chargé Stephen Bush d'être à l'écoute des Juifs noirs et de mettre en place des changements de politique
LONDRES — La communauté juive britannique affirme être la première au monde à avoir mis en place une Commission sur l’inclusion raciale. La commission a été établie par l’organe représentant les Juifs britanniques, le Board of Deputies, début juin, dans le sillage des manifestations pour la justice raciale après le meurtre de George Floyd le 25 mai par la police aux Etats-Unis.
Le nouveau président de la commission est le journaliste Stephen Bush, le rédacteur en chef du magasine de gauche, le New Statesman, et un Juif noir.
Bush a déjà commencé à mener son action sur le terrain. Même avant la publication des missions prioritaires de la commission cette semaine, il collectait les témoignages oraux de ceux qui voulaient partager leurs expériences personnelles sur le fait d’être un Juif noir au Royaume-Uni.
Ce n’est pas une grande communauté – si l’on peut même parler de communauté. Il n’y a pas de groupes formels pour les Juifs noirs vivant au Royaume-Uni. La plupart des témoignages de Bush proviennent d’environ 2 000 personnes, la plupart étant originaires de familles des Juifs noirs de Jamaïque ou d’Ethiopie. Il y a aussi un plus petit nombre de gens qui ont, pour diverses raisons, décidé de se convertir au judaïsme. L’ensemble des courants religieux sont représentés, d’une orthodoxie stricte jusqu’aux mouvements progressistes.
Mais la commission a aussi pour mission d’avoir l’opinion de ceux qu’elle qualifie de « Juifs non-noirs de couleur » qui incluent les communautés séfarades et les Mizrahi du Moyen Orient. Ils sont intéressés à l’idée de s’exprimer sur « l’Ashkenormativité » – l’idée que les Juifs ashkénazes blancs représentent la « norme » au sein de la communauté juive.
Quand la commission a annoncé la création de sa commission, JW3, le centre communautaire juif de Londres, a tenu un webinaire qui a attiré des milliers de spectateurs. Cela montre bien que cette question est suivie au Royaume-Uni.
Bush, dans sa trentaine, a une histoire personnelle originale à raconter. « Mon grand-père était le dernier juif vraiment pratiquant dans la famille », a-t-il déclaré au Times of Israël. Bush était très près de son grand-père, qui est mort en 2012 à Lusaka, en Zambie, où il avait déménagé pour travailler en tant que médecin.
Alors que sa famille élargie participait aux seders de Pessah et célébrait d’autres fêtes juives à la maison de West London, Bush a dit qu’il ne s’était jamais vraiment considéré comme juif.
« Ma relation avec la judéité est assez similaire à ce que beaucoup de gens de la gauche britannique ont vécu. Même il y a trois ans, quand j’ai commencé à écrire afin d’expliquer pourquoi je trouvais la question de l’antisémitisme si douloureuse, les gens me disaient, êtes-vous juif ? Et je leur répondais, oh, non, je ne le suis pas, j’ai un héritage juif », a-t-il expliqué
Mais progressivement, explique Bush, il a commencé à se rendre compte que, pour lui, la judéité n’était pas simplement « culturel et culinaire ». Cela signifiait beaucoup plus. Il s’est souvenu de ses conversations avec son grand-père, à qui il a rendu visite en Zambie et qui était très impliqué dans la communauté juive de Lusaka.
« Pour lui, la synagogue à Lusaka a évolué, en passant d’une expérience sociale à quelque chose de plus important spirituellement – et c’était quelque chose dont nous avons beaucoup parlé lors de ma dernière visite chez lui », a noté Bush.
Bush a déclaré que sa prise de conscience de son héritage juif l’a placé dans une situation idéologique délicate vis-à-vis de ses collègues du centre-gauche. Bush n’a pas pu voter pour Ken Livingstone au poste de maire de Londres, même avant de focaliser son écriture sur le problème de l’antisémitisme.
Et son lien avec la vie juive avait même commencé plus tôt, quand il est allé à l’université d’Oxford pour étudier l’histoire. Il n’y avait pas d’étudiants noirs britanniques avec lesquels échanger à son collège d’Oxford, mais il y avait beaucoup d’étudiants juifs ordinaires, et ce fut un soutien inattendu pour Bush. A cette époque-là, il se décrivait lui-même comme « influencé par les Juifs. Je prenais progressivement conscience de quelque chose qui était important pour moi ».
Bush a expliqué qu’il n’avait jamais pensé devenir un écrivain de la « race », mais il associe le fait d’assumer son identité juive à l’expérience d’une personne gay qui fait son coming-out.
« Je ne pouvais pas écrire sur la situation de [Jeremy] Corbyn sans être honnête aussi bien avec moi-même que le lecteur sur la raison pour laquelle je trouvais cela particulièrement douloureux, a-t-il dit. Je me suis alors rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement d’une recette familiale de pudding; ce [judaïsme] était un héritage vivant, respirant, culturel d’importance vitale pour moi. Quand vous parlez et que vous dites que vous êtes juif, vous sentez une pression disparaître ».
Pour Bush, s’affirmer publiquement en tant que juif était « une libération ». « On se sent plus soi-même. Et le plupart des gens étaient très bienveillants et gentils », a-t-il dit.
Bush a écrit plusieurs articles dans le New Statesman et ailleurs pour dénoncer les théories conspirationnistes antisémites qui sont apparues à gauche pendant le mandat de Corbyn en tant que chef du parti Travailliste entre 2015 et avril 2020. Bush est alors devenu – un peu à sa propre surprise – le juif noir britannique le plus célèbre. Il avait donc le profil idéal pour présider la commission d’inclusion raciale de la commission.
Il a rejeté clairement toute idée qu’il serait utilisé comme couverture par le Board of Deputies. Ce dernier a fait l’objet de fortes critiques de la part de membres plus jeunes de la communauté juive pour son échec perçu à traiter des questions difficiles comme les politiques d’annexion d’Israël et le racisme.
Bush a déclaré qu’il admire sincèrement la présidente du Board Marie van der Zyl qui est un « modèle brillant à suivre pour d’autres communautés ».
« L’une des choses qui est particulièrement douloureuse pour les Juifs britanniques noirs est que la campagne du Black Lives Matter utilise des propos et des clichés qui sont ouvertement antisémites, a souligné Bush. La déclaration de Marie est un modèle absolu sur la manière de naviguer à travers cela. D’une certaine manière, elle a dit ‘Je ne vais pas m’engager avec ces leaders partisans, je vais m’engager dans les causes à l’origine de ce mouvement’. Le Board a vraiment été impressionnant sur ce sujet ».
À cette fin, Bush s’est entretenu avec des Juifs noirs, ainsi que des Juifs séfarades, yéménites, indiens, irakiens, et iraniens. Beaucoup de ceux qui ont parlé avec Bush et son secrétariat ont mentionné la douleur provoquée par leur passage d’une communauté où ils étaient acceptés à une autre, pour laquelle ils étaient des étrangers. Trop souvent, ont-ils raconté, les officiers de sécurité faisaient de l’excès de zèle, leur disant qu’ils « n’ont pas l’air juif » et leur refusant l’accès aux locaux de la communauté.
Lors de la mise en place de la commission, le conseil d’administration a déclaré
qu' »il est nécessaire que la communauté juive devienne un environnement clairement antiraciste, plus accueillant et plus inclusif pour les Juifs noirs et les Juifs de couleur non-noirs ».
La plupart des preuves présentées à ce jour sont des témoignages oraux de première main. Prudemment, Bush a déclaré qu’il ne fera pas appel à des gens dont les témoignages risqueraient d’offenser d’autres Juifs noirs, mais qu’il est prêt à envisager des témoignages écrits le cas échéant.
Mais Bush est parfaitement conscient du problème posé par des militants de gauche tels que Jackie Walker, qui se décrit comme noire et juive et qui a été expulsée du Parti travailliste en 2019 en raison d’un « comportement préjudiciable et gravement préjudiciable pour le Parti ». L’expulsion de Walker était centrée sur les théories du complot qu’elle a publiées sur les Juifs et la possession d’esclaves.
A présent que les mesures de confinement contre le COVID-19 sont levées au Royaume-Uni, Bush prévoit de voyager à travers le pays, pour rencontrer ceux qui souhaitent témoigner à sa commission. Il produira un rapport avec une série de recommandations, mais l’objectif principal du travail de la commission sera « de lutter contre les préjugés anti-noirs et le racisme au sein de la communauté juive, tout en abordant les problèmes auxquels sont confrontés les Juifs de couleur non-noirs dans la communauté juive ».
Dans quatre ans, il est prévu d’examiner les recommandations du rapport et de voir dans quelle mesure elles ont été mises en œuvre ou non.
« Aucun projet de ce type n’a jamais été entrepris, il n’y a donc pas de feuille de route claire à suivre, mais avec les conseils des nombreuses personnes passionnées qui se sont présentées, nous avons créé une plateforme qui nous aidera à faire de la communauté juive un environnement sans équivoque contre le racisme », explique-t-il.
Pas de feuille de route claire
Quant à Stephen Bush lui-même, le fait de traiter avec la communauté juive dominante d’une manière aussi complète l’a inévitablement amené à réfléchir longuement à sa propre identité juive et à la manière dont il veut l’exprimer.
Oui, dit-il, si lui et son partenaire ont des enfants, il envisagerait sérieusement de rejoindre une synagogue et de transmettre son héritage juif.
« C’est l’assurance-vie ultime », dit-il.