Washington va statuer sur la légalité de l’usage des armes américaines à Gaza
Le département d'État a indiqué qu'il allait transmettre son rapport au Congrès d'ici mercredi, alors qu'un groupe grandissant de Démocrates veulent qu'il soit reconnu qu'Israël ne respecte pas le droit international
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le Département d’État américain va transmettre un rapport au Congrès, cette semaine, qui déterminera si l’administration Biden a accepté les assurances apportées par Israël, qui avait affirmé utiliser les armes américaines en conformité avec le droit international.
« C’est notre intention de le fournir à temps », a commenté le porte-parole du Département d’État américain, Matthew Miller, lundi, deux jours avant l’échéance pour la remise du rapport, une échéance qui avait été fixée au 8 mai.
Le rapport transmis au Congrès – qui sera rendu public – entre dans le cadre d’une nouvelle politique qui a été instituée par le président américain Joe Biden, au mois de février. Cette politique exige dorénavant des pays qui, à l’étranger, bénéficient d’une aide militaire américaine, qu’ils donnent une assurance écrite établissant clairement qu’ils utilisent cette assistance dans le respect du droit international et qu’ils ne posent aucun obstacle à l’entrée d’éventuelles aides humanitaires.
Une ordonnance qui n’a malgré tout imposé aucune condition nouvelle sur l’assistance étrangère, dans la mesure où les pays destinataires ont toujours été dans l’obligation d’utiliser l’aide apportée par les États-Unis en conformité avec le droit humanitaire. Mais la Maison Blanche a reconnu que cette nouvelle politique avait résulté des pressions exercées par les députés progressistes qui ne sont pas convaincus qu’Israël respecte les règles du jeu dans le cadre de son offensive dans la bande de Gaza.
L’État juif a fait parvenir sa première assurance écrite de conformité – officiellement connue sous le nom de National Security Memorandum 20 – au mois de mars. Miller avait indiqué, à ce moment-là, que les États-Unis n’avaient pas, jusqu’à présent, d’éléments laissant penser qu’Israël contrevenait à la nouvelle politique, mais que l’administration Biden examinait encore la question.
Les députés progressistes, de leur côté, exercent des pressions de plus en plus fortes sur l’administration américaine, demandant à ce qu’il soit reconnu qu’Israël ne respecte pas le droit international – ce qui entraînerait probablement des restrictions sur l’aide militaire en provenance des États-Unis.
Quatre-vingt huit Démocrates ont signé vendredi une lettre adressée à Biden où ils faisaient part « de leurs graves inquiétudes concernant la conduite du gouvernement israélien dans la guerre à Gaza, une conduite qui s’apparente à la retenue délibérée des aides humanitaires ».
Les restrictions placées par l’État juif sur la délivrance des aides humanitaires américaines à Gaza « ont contribué à une catastrophe humanitaire sans précédent », a ajouté le courrier qui a cité l’Agence américaine pour le développement international.
Israël insiste sur le fait que le pays ne bloque pas l’entrée des aides sur le territoire de Gaza et que les pénuries alimentaires sont la conséquence de l’incapacité des agences chargées de les distribuer de les remettre à ceux qui en ont besoin. Israël a aussi souligné une récente augmentation des quantités d’assistance qui pénètrent à Gaza, une augmentation qui a commencé le mois dernier. Cette hausse avait suivi une menace de Biden qui avait fait savoir à Netanyahu que les États-Unis pourraient changer leur positionnement à l’égard de la guerre si des actions immédiates n’étaient pas entreprises pour améliorer la situation humanitaire dans la bande – une bande qui, selon les groupes de défense des droits de l’Homme, est au bord de l’effondrement.
Dimanche, Israël a fermé le poste-frontière de Kerem Shalom, un point de transit des aides, après une attaque à la roquette du Hamas qui a coûté la vie à quatre soldats qui étaient stationnés à proximité. Le Maison Blanche a expliqué que Biden était parvenu à convaincre le Premier ministre Benjamin Netanyahu au cours d’un entretien téléphonique, lundi, de rouvrir le poste – qui était toutefois encore fermé dans la matinée de mardi.
Dans leur lettre de vendredi, les Démocrates de la Chambre ont exhorté Biden à dire à Netanyahu que tout obstacle posé à la délivrance de l’assistance, à Gaza, pourrait coûter à Israël ses aides militaires offensives à l’avenir tout en établissant clairement que les armements défensifs, comme les missiles intercepteurs du Dôme de fer, continueraient à être livrés.
L’administration Biden a retardé la vente de milliers d’armements de précision à Israël, ces derniers mois, a fait savoir le Wall Street Journal dans son édition de mardi.
Cette initiative – qui a compris la suspension de la vente de bombes de modèle MK-82, de fusées et de dispositifs de guidage JDAM, qui renforcent la précision des munitions – aurait été prise alors que les États-Unis exercent des pressions pour dissuader Israël de lancer une offensive pleine et entière dans la ville de Rafah, située au sud de Gaza. La vente des munitions avait été, à l’origine, convenue au mois de février, a poursuivi le journal.
Ce week-end, le site d’information Axios a noté que l’administration Biden avait retenu une livraison de munitions destinée à Israël pour la toute première fois depuis le début de la guerre.
Un porte-parole du Conseil de sécurité nationale, à la Maison Blanche, a refusé de commenter cette information.
Il a toutefois fait remarquer que les États-Unis « ont transmis des milliards de dollars en assistance sécuritaire à Israël depuis l’attaque du 7 octobre ; ils ont débloqué les plus grands crédits supplémentaires de l’histoire pour offrir une assistance d’urgence à Israël ; ils ont pris la tête d’une coalition sans précédent qui a pris la défense d’Israël face aux attaques de l’Iran et ils continueront à faire ce qui est nécessaire pour garantir qu’Israël pourra se protéger face aux menaces ».
Le sénateur Chris Van Hollenn, qui appartient à l’aile progressiste du parti Démocrate, a écarté d’un revers de la main les assurances données par Israël dans le cadre de la nouvelle politique de Biden, disant cette semaine à Politico que « Dieu nous vienne en aide si ce rapport du Département d’État établit, d’une manière ou d’une autre, que la délivrance de l’assistance humanitaire a été conforme aux normes internationales… Tous ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour écouter savent que ce n’est tout simplement pas vrai. »
Mais la crainte suscitée par la perspective d’une aide continue à Israël a commencé à se répandre dans certains autres flancs du parti Démocrate. Vendredi, le sénateur Mark Kelly, l’un des députés les plus conservateurs, a indiqué à NBC News qu’il considérait qu’un conditionnement des aides apportées à l’État juif, en l’absence « d’améliorations » dans les mesures de protection des civils à Gaza, de la part des dirigeants israéliens, serait « approprié ».
Des voix dissidentes commencent également à se faire entendre au Département d’État.
Les représentants de plusieurs bureaux se sont ainsi inquiétés d’éventuelles violations du droit international, de la part d’Israël, dans le cadre de son offensive dans une note qui a fuité auprès de Reuters, le mois dernier.
Toutefois, ces officiels appartenaient largement à des bureaux liés à la problématique des droits de l’Homme au sein du Département – des bureaux qui ont perdu depuis longtemps de l’influence dans la mise en place des politiques et qui recourent souvent aux médias pour faire part de leur frustration lorsqu’ils sont contredits par le bureau des Affaires politiques, plus important.
Le Bureau des Affaires politiques a averti que restreindre les aides à Israël limiterait les capacités de l’État juif à contrer les éventuelles menaces, à l’extérieur de son espace aérien, ce qui obligerait Washington « à réévaluer ses ventes d’armes en cours et futures à tous les autres pays de la région » par effet domino.
Reuters a contribué à cet article.